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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/182

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BABYLONE ET LA BIBLE

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humaines), mais il n’en éleva pas le faîte. Les hommes l’avaient abandonné depuis les jours du déluge, en désordre proférant leurs paroles. Le tremblement de terre et le tonnerre avaient ébranlé la brique crue… » (cité par Vigouroux, 'l. c., p. 381-382). Il y a là de nombreuses erreurs de lecture ou d’interprétation. Dans la collection Schrader, KB, III, 2 (1890), p. 53, ce passage est rendu exactement : « Alors Euriminanki (nom propre de la tour), la tour à étages de Borsippa, qu’un roi antérieur avait bâtie et élevée à une hauteur de 42 coudées, sans en ériger le faîte, était tombée en ruines depuis de longs jours ; le conduit des eaux était en mauvais état ; les pluies et les averses avaient démoli les murs ; les briques du revêtement avaient éclaté… » La durée de « quarante-deux vies humaines », les « jours du déluge », la confusion des langues, tout ce qui rappelait la Tour de Babel a disparu de la traduction correcte. — Les témoignages du Talmud auxquels on fait appel, toujours en faveur de Borsippa, ne méritent aucune confiance. Il ne reste donc pas une seule raison vraiment scientifique d’identifier les ruines de Birs Nimroud avec la Tour de Babel (cf. E. Pannier, art. Babel (Tour de) dans le 'Dict. de la Bible ; Hilprecht, Explorations in Bible Lands, p. 14, 15, 46, 47 ; 185).

Chronologie. — Depuis longtemps les historiens et les exégètes ont senti les difficultés de la chronologie biblique. S. Jérôme en parle d’un ton de découragement : «  Relege omnes et Veteris et Novi Testamenti libros, et tantam annorum reperies dissonantiam, et numerum inter Judam et Israel, id est inter regnum utrumque, confusum, ut hujuscemodi haerere quaestionibus non tam studiosi quam otiosi hominis esse videatur  » (Ep. 72, ad Vitalein, 'P. L., XXII, 676). Les indications chronologiques fournies par la Bible sont assez nombreuses ; malheureusement, sur plusieurs points, elles sont inconciliables, contradictoires. Ainsi, entre la Ire année de Jéhu et la 9e année d’Osée, roi d’Israël, la durée totale des règnes pour le royaume d’Israël est de 147 ans et 7 mois ; en additionnant les nombres d’années de chaque règne, entre ces deux mêmes termes, pour le royaume de Juda, on obtient la somme de 165 ans. Les diverses données qui concernent le même royaume, celui de Juda, par exemple, ne concordent pas non plus : ainsi, de II Reg. xvi, 2 ; xviii, 1, 2, 9, 10, 13, on peut conclure à trois dates différentes pour l’avènement d’Ezéchias. Quelle que soit la cause de ces divergences, qu’elles viennent de la négligence des copistes parfois, ou, au contraire, du soin des auteurs à reproduire exactement, sur ce point, la teneur de plusieurs sources indépendantes, toujours est-il que ces chiffres peu sûrs ne permettent pas des supputations fermes. Aussi, avec tous les critiques, les écrivains catholiques les plus conservateurs (Vigouroux, J. Brucker, Pelt, Mangenot, etc.) ont accordé la préférence, en matière de chronologie, aux données assyriologiques. Parmi les documents assyro-babyloniens les plus importants il faut mentionner le Canon des Eponymes et le Canon de Ptolémée.

Le Canon des Eponymes donne la série des règnes assyriens avec la série des années de chaque règne. Les années sont marquées une à une, toutes à la suite, par le nom d’un haut personnage de l’empire. Ordinairement le nom du roi est inscrit pour la deuxième année qui suit son avènement. Les années suivantes portent chacune le nom d’un grand fonctionnaire, intendant, général en chef, etc. Chaque année ainsi désignée s’appelle limu (ou limmu) éponymat (à tort les historiens, Maspero, etc., traduisent généralement ce mot par éponyme) ; et le nom de l’éponyme sert à dater les documents ; tels les archontes à Athènes, les consuls à Rome, les suffètes à Cartage. Les fragments de ces listes trouvés jusqu’à ce jour donnent la suite continue des années de 893 à 666 av. J.-C. et, de plus, quelques noms épars pour la période précédente et la suivante. Il est clair que si l’on peut dater par rapport à l’ère chrétienne une année quelconque de ces listes, on obtiendra du même coup la date de toute la série des règnes assyriens qui y sont contenus. Or, justement, une liste mentionne pour la dixième année du règne d’Assourdan, sous l’éponymat de Pur Sagali, une éclipse de soleil qui eut lieu au mois de Sivan (= à peu près juin). Tous les savants sont aujourd’hui d’accord à reconnaître que cette éclipse est celle du 15 juin 763 avant Jésus-Christ.

Le Canon de Ptolémée (ainsi appelé parce que Ptolémée, célèbre astronome et géographe grec du IIe siècle après J.-C, l’a inséré dans son grand ouvrage astronomique) est une liste, écrite en grec, des rois de Babylone et de Perse depuis Nabonassar jusqu’à Alexandre le Grand, des Ptolémées d’Egypte et des empereurs romains jusqu’à Antonin le Pieux. A côté du nom de chaque roi se trouve le nombre des années de son règne ; puis, pour chaque règne, il est fait mention des éclipses observées par les astronomes de Babylone et d’Alexandrie.

Ces documents, contrôlés et complétés par d’autres inscriptions cunéiformes (Annales des rois, contrats. — tels les contrats des derniers rois de Babylone édités par le savant J. N. Strassmaier, S. J. — etc.). ont permis de dater exactement les campagnes des rois d’Assyrie depuis le ixe siècle jusque vers le milieu du viie siècle, et, par suite, plusieurs événements importants de l’histoire d’Israël. Voici quelques dates certaines qui peuvent servir de jalons :

854. Bataille de Qarqar. Achab, roi d’Israël, y était (Monolithe de Salmanasar II, col. II, 1. 91-92, KL. t. I. p. 172-173).

842. Tribut payé par Jéhu, roi d’Israël, à Salmanasar II (Obélisque noir de Salmanasar II, légende explicative d’un des bas-reliefs, KB, t. I, p. 150-151). De plus, d’après un estampage qui se trouve au British Muséum, nous savons que Jéhu paya ce tribut pendant l’expédition de Salmanasar II contre Hazaël de Damas. Or cette expédition contre Hazaël eut lieu la dix-huitième année du règne de Salmanasar II, c’est-à-dire en 842 (Obélisque noir, 1. 97, 98, KB. t. I, p. 140-141)

734-732. Expéditions de Téglathphalasar III contre les Philistins et contre Damas (Canon B des Eponymes).

722/21. Prise de Samarie (Annales de Sargon).

701. Sennachérib bloque Jérusalem et reçoit un tribut d’Ezéchias (Prisme de Taylor, col. III, l. 11-41. KB, t. II, p.94-97)

605. Bataille de Gargamiš ; avènement de Nabuchodonosor.

587. Prise de Jérusalem, la 19e année de Nabuchodonosor, d’après II Reg. xxv, 8, la 18e d’après Jér. lii, 29.

539. Prise de Babylone par Cyrus.

Pour la chronologie babylonienne, le document capital est la tablette 33, 332 du British Museum. C’est une liste des rois de Babylone depuis la première dynastie jusqu’à la période néo-babylonienne. « Les noms des rois sont inscrits par colonnes, un nom sur chaque ligne ; devant le nom de chaque roi un nombre indique, en années ou en mois, la durée de son règne. A la fin de chaque dynastie la colonne est coupée par une ligne transversale, et une note donne la somme des années pour la durée de la dynastie, le nombre des rois et le nom de cette dynastie » L, W. King). Cette tablette importante,