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BABYLONE ET LA BIBLE

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pris du blé, ou soit qu’il conteste sur la quantité totale du blé qui a été versée chez lui, le propriétaire du blé poursuivra son blé devant le dieu, et le maître de la maison doublera la quantité de blé qu’il a prise et la donnera au propriétaire du blé » (§ 120, trad. du p. ScHEiL, modifiée dans les derniers mots : avec JOHNS, Harper et Peisek, jetraduis ustasanania « doublera », au lieu de « remplacera »).

le voleur, si on le découvre, restituera le double. Si le voleur n’est pas découvert, le maître de la maison se présentera devant Dieu, (pour qu’on sache) s’il n’a pas mis la main sur le bien de son prochain. Quel que soit le corps du délit, bœuf, âne, mouton, vêtement, tout objet perdu, dont on dira : C’est cela ! la cause des deux parties sera portée à Dieu, et celui que Dieu aura condamné restituera le double à son prochain. »

On a beaucoup discuté sur l’expression « devant Dieu », Ex. XXII, 8 ; Graf, rejetant avec raison l’anrienne interprétation, qui entendait par Elohim les juges, pensait qu’il s’agit là d’une sentence divine, d’un oracle donné par le sort, analogue à Ouriin et Thouinmim (ZDMG., l. XVIII (1864), p. 311). Cette explication, adoptée depuis par bien des auteurs, semble condamnée par le code de Hammourabi, où le jugement « devant Dieu » comporte l’audition des témoins et l’examen des témoignages (§ g, cf. §§ io6, 10^), qui seraient inutiles si l’on s’en remettait au sort. Suivant le P. Lagrange, ce jugement de Dieu consiste en ce que le serment est déféré au défendeur par le demandeur : Dieu est juge, étant mis en demeure de punir le parjure (RB, igoS, p. 47-48). Mais comment distinguer le coupable sur-le-champ, et lui imposer la somme à payer ? Il me semble qu’après l’audition des témoins et le serment prêté une sentence précise devait être prononcée par les prêtres, au nom de Dieu (cf. Br. Meissner, Beiiiàge zum altbab. Prialrecht, § 4) Peine du talion. — « Si un homme, dans un procès en matière capitale, ne peut pas justifier le témoignage qu’il porte, il est passible de mort » (§ 3). « Si c’est « n matière de blé ou d’argent, il portera la peine de ce procès » (§ 4).

« Si un homme a crevé l’œil d’un homme libre, on lui crèvera un œil » (§ 196). « S’il a brisé un membre d’un homme libre, on lui brisera un membre » (§ 197). « Si un homme a fait tomber une dent à un homme de même condition que lui, on lui fera tomber une dent » i§ 200).

i< Le témoin est-il un faux témoin qui a porté un faux témoignage contre son frère, vous lui ferez subir ce qu’il avait dessein de faire subir à son frère » (Deut. xix, 18-19).

« S’il y a dommage (irréparable ) tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure » (Ex. xxi. 23-25 ; cf. Deut. xix, 21, et Lév. xxiv, 17-21).

A. Babylone on poussait l’application du talion jusqu’aux ])lus absurdes conséquences : Si la lille d’un homme libre est frappée et en meurt, on tuera la fille de l’agresseur ( ! ^ 210). Si une maison mal bâtie s’écroule et tue le propriétaire, on tuera rarcliitecle ; si elle écrase le lils du propriétaire, on tuera le lils de l’architecte (§| 229, 230). Le piincipe du talion est loin de l’idéal de la justice (cf. Matth. v, 38, 3y). A l’origine, il règle la vengeance regardée comme un devoir sacré. Peu à peu il fait place à l’usage très juste de l’indemnité pécuniaire, dont le code de Hammourabi et celui de Mo’ise nous offrent plusieurs exemples (Ex. xxi, 19, 22, 30). Enfin, dans la loi pénale proprement dite, c’est au nom de la société et pour le bien général que le délinquant est puni.

La loi babylonienne est plus dure que celle d’Israël : elle menace de la peine de mort le voleur et le receleur d’un trésor volé au dieu ou au palais (§ 6).

l’homme qui achète ou reçoit en dépôt quoi que ce soit, sans témoins ni contrat (§ 7), celui qui s’approprie et vend un objet perdu (§ 9), celui qui aide un esclave à s’enfuir (§ 15), celui qui fait effacer la marque d’un esclave (§ 227)*, etc. En tout 35 crimes punis de mort. La peine barbare de la mutilation était fréquente aussi (§§ 192-195, 205, 218, 226, 253. 282). En Israël — abstraction faite de la peine du talion — elle ne se rencontre que dans un seul cas (Deut. xxv, n, 12).

Ces quelques rapprochements font entrevoir les points de contact et les différences des deux législations. L’une et l’autre, au lieu de procéder par principes généraux, se bornent à un choix de cas particuliers et concrets. Le code de Hammourabi est plutôt un code de droit civil et criminel. Il se place au point de vue utilitaire ; son but principal est de défendre la propriété. Affermage, irrigation et culture des terres, pi’ix de location d’hommes et d’animaux, salaire des ouvriers, honoraires des médecins, achat et vente des esclaves, transactions commerciales, dots, donations et héritages, tout cela est réglé par la loi. Cette savante organisation des affaires tlénote tine civilisation avancée. Telle disposition (§ 172) « attribuant à la femme non donataire une j)art dans la succession de son mari, n’est entrée dans notre législation que depuis la loi du 9 juin 1891 » (J. Amalric, 1. c, p. 26).

Le code babylonien ne légifère pas du point de vue moral. Nulle part il ne suppose l’amour du prochain ; non seulement il ne réprouve pas la convoitise, les mauvais désirs, mais il autorise certaines pratiques immorales, telles que la prostitution sacrée (§ 181 ; cf. Hérodote I, 199 ; Bai-uch vi, 43, Vulg.). Jamais il ne s’inspire de motifs religieux pour interdire l’injustice. Il n’est pas juste, a-t-on dit, de voir là une infériorité par rapport à la loi d’Israël ; car à côté du code purement civil, il devait exister un code religieux pour les prêtres. Mais la grandeur de la Loi israélite est justement dans l’idéal et les motifs qu’elle propose en s’adressant au peuple. Elle est tout imprégnée d’un sentiment moral et religieux, même dans le Code de l’Alliance (Ex. xx, 23-xxiii, 33). plus voisin du code de Hammourabi par la date et par le sujet. Ainsi, la prohibition du prêt à intérêt, déjà formulée dans Ex. xxii, 25, est inspirée par la miséricorde envers le pauvre, sans influence babylonienne ou égyptienne (J. Hejcl, Das alttestamentliclte Zinsverbot im Lichte der ethnolog’-hen Jurisprudenz so^vie des altorienlalischen Zinsivesciis (Bi blische Studien, xii, 4) » 1907 ; cf. RB, 1908, p. 302). Plus encore, le Deutéronome contient des invitations pressantes à l’amour de Dieu et du prochain, de nouvelles dispositions pleines d’humanité pour la défense des faibles, esclaves, captifs, étrangers, veuves et orphelins ; et même pour la protection des animaux (Deut. xxii, 6, 7 ; xxv, 4). H prohibe absolument les infâmes pratiques qui souillaient les cultes païens (Deut. xxui, 17, 18). En somme, par le principe qui la domine : la volonté divine à resjjecler ; par l’esprit de justice et de charité qni l’anime, la Loi d’Israël est bien supérieure à celle des Babyloniens (cf. Laguangk, R/i, 1903. p. 5û-51).

La Loi de Moïse (lé|)end-elle de celle de Hammourabi ? C’est une question fort controversée. Quelques assyriologues, tel M. C. Joiinston, admettent facilement une dépendance réelle et directe. D’autres auteurs, qui ont étudié le sujet de très près, comme

1. /.a.se-c-im, rapporté au verbe A’â « u/, est tratîu t « inaliénable » (Scheil), « qu’on ne pi^ut pas vendre » (WiNCKLrr. el IIaiu’er) ; avec.louNS et Pkiskr jo préfère le sens de (marque) « rendue invisible, elTacce >, du verbe sé’u.