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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/199

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BABYLONE ET LA BIBLE

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niens quelque chose d’analogue au commandement d’aimer son prochain comme soi-même. Malheureusement la seconde partie de la tablette est bien mutilée, et l’on ne voit pas au juste envers qui doit s’exercer la bienveillance qui y est recommandée. Delitzsch a trouvé deux autres preuves de l’amour du prochain à Babylone. Il est dit au II^ livre des Rois XVII, 24, qu’à la place des habitants de Samarie déportés, « . le roi d’Assyrie lit venir des gens de Habylone, de Kutha, d’Ava, d’Einath et de Sépharvaïm, et les établit dans les villes de Samarie ». Or, Jésus propose le bon Samaritain comme exemple de charité envers le prochain ! (BB, III, p. 28). Les Assyriens dévastaient les pays, ils empalaient, brûlaient ou mutilaient les prisonniers ; les Babyloniens, plus pacifiques, étaient cruels quelquefois (par ordre de Xabuchodonosor on égorgea les deux fils de Sédécias devant leur père, puis on creva les yeux à celui-ci et on l’emmena captif à Babylone (II Reg. xxv,’^). A ces exemples Delitzsch oppose, comme un trait remarquable de clémence, la grâce accordée à Joacliin, roi de Juda, qui fut tiré de prison par Eviln » érodach (Amil-Mardouk) après 87 ans de captivité (II Reg. xxv, 27). (BB, Ein Ritckhhck, p. 53, et 55, III, p. 21-22.)

Culte. Sabbat, fête des Pourim. — Ici encore il suffira d’examiner quelques points plus notables ; les problèmes analogues de moindre importance trouvent leur solution dans les mêmes principes.

Le sabbat. — La question de savoir s il y avait à Babylone un jour pareil au sabbat des Hébreux est discutée depuis 1876. Sayce a pris plusieurs fois parti pour l’affirmative (cité par Alfred Durand, La semaine chez les peuples bibliques, dans Etudes, juin 1895, t. LXV, p. 214-222). Delitzsch, sans ajouter de nouvelle preuve, n’a fait qu’accentuer l’affirmation en disant : « Le doute ne devrait pas être possible sur ce point : les abondantes bénédictions attachées au repos du sabbat ou du dimanche, nous les devons en dernière analyse à l’ancien peuple civilisé de l’Euphrate et du Tigre » (BB, I, p. 29). Alfred Jeremias pense que, prise « cum grano salis », cette assertion est exacte (ATAO^, p. 184). Depuis la conférence de Delitzsch la littérature siu- le sabbat s’est enrichie d’un nomljre efTraj ant d’articles, sans qu’un accord des savants se soit produit sur le sens primitif du mot et de la chose. Outre les travaux mentionnés plus bas, citons tout de suite Joh. Hehn, Siebenzahl und Sabbat bei den Babyloniern und im Alten Testament, 1907, dont le P. Dhorme a rendu compte en détail dans RB, 1908, p. 462-/466 ; et Eduard Mahler. Der Sabbat. Seine etymologische und clironologischhistorische Bedeutung. dans ZDMG, 1908, p. 33-79.

Voici les faits :

1. — Chez les Babyloniens il y avait un jour appelé sabattu (ou sapattu) et marqué comme « joiu- d’apaisement du cœur » (des dieux irrités), uni nufj libbi ; donc, semble-t-il, jour de pénitence et de prière (cf. KAT^, p. 692).

2. — Une tablette relative au calendrier indique, pour les mois Eloul II et Marhesvan, un certain nombre de « jours mauvais », à savoir le 7®, le 14^. le aie, le aS-- (=17X1 ou 2 ou 3 ou 4)> et le u/ ( : = le 49’jour (7 X 7) à partir du commencement du mois précédent). En ces jours-là « le pasteur des multitudes » (= h ; souverain) ne doit rien manger de cuit au feu, ni mettre ses vêtements brillants, ni monter sur son char, ni prononcer des décisions royales ; le prêtre ne doit rendre aucun oracle ; le médecin n’opérer aucune guérison (cf. Dhorme, Choix, p. 380).

Remarques : a) Les mêmes prescriptions valaient-elles pour les autres mois ? « A celle question on ne

peut donner une réponse définitive. Il semble cependant probable qu’il en était ainsi, et que certains jours, sinon les mêmes, étaient notés comme « mauvais » dans chaqque mois » (M. Jastrow, DBH, Extra vol., p. 58 1 a). — b) Il ne ressort nullement de ce texte n. 2 que les jours en question aient été des jours de repos général. D’ailleurs les contrats prouvent le contraire : on y trouve ces jours-là, comme les autres, consacrés aux affaires, aux opérations commerciales. — c) Rien jusqu’ici ne démontre l’identité du jour sabattu (ou sapattu) et des jours dont il s"agit sous le n. 2.

3. — Un texte publié par M. Pixches en 1904 (Pruceedings of the Society of Biblical Archaeology, vol. XXVI, p. 51-56) désigne le 15e jour du mois comme sa-pat-ti. Si l’on doit voir dans ce terme le sabattu (ou sapattu) mentionné plus haut sous le n. i, il faut renoncer à identifier ce jour avec les 7’, 14% etc., (n. 2). Mais on discute là-dessus : Hommkl nie qu’il y ait rien de commun entre ce 15’jour et le sabattu (Orientalistische Litteratur-Zeitung, 1907, p. 482) ; Hehn pense le contraire (/. c, p. 112).

Innombrables sont les étymologies proposées pour le mot hébreu sabbâth, et pour le babylonien sabattu. Pour ce dernier Zimmern conjecture d’abord sabâtu cesser ou sabâtu frapper (KAT’^, p. 598) ; puis il renonce à expliquer l’origine du mot (ZBMG, 1904, p. 202). Delitzsch lisait en 1904 sa pat-ti = (jour) de la division (du mois). D. Nielsen rattache le mot à subtu station (lunaire). Hehn le rapporte à sebïï être rassasié (/. c., p. loi). Dhorme le fait dériver de nabâtu briller (RB, 1908, p. 465). St. Langdon le ramène à sapâdu se lamenter (ZDMG, 1908, t. LXII, p. 29 sqq. et SBP, p. xx-xxiii). Pinches remonte à une origine « akkadienne » (sumérienne) (/. c, p. 56). Pour quelle raison les Babyloniens distinguaient-ils les 7" jours ? (cf. texte n. 2). A. Jeremus et WiNCKLER disent : à cause des 7 planètes. Kugler et d’autres : à cause des phases de la lune qui divisent le mois en quatre périodes de 7 jours (F.-X. Kugler, Babylon und Christentum, dans Stimmen aus Maria-Laach, avril 1908, p. 878). Hehn adopte cette dernière explication pour rendre compte de l’origine du sabbat ; le sabbat des Hébreux viendrait du.sabattu babylonien transformé, en Israël, dès les temps anciens. Cet auteur repousse l’opinion de Jastroav, suivant laquelle « il y a de bonnes raisons de croire que le sabbat des Hébreux, qui doit avoir quelque rapport avec le rite babylonien [du jour sabattu], avait d’abord un caractère de deuil et de pénitence et qu’il a subi plus tard [après l’exil] une complète transformation », devenant un jour de repos et de joie (cf. /)/ ?//. Extra vol., p. 58n).

En face de ces données insuffisantes et de ces hypothèses peu concordantes, on peut conclure, avec Bezold, que le sabbat Israélite n’a point, jusqu’à présent, d’explication satisfaisante dans les textes cunéiformes ; et, avec J. Nikel, que, lors même qu’il se rattacherait par ses origines lointaines à quelque usage babylonien, il s’en séparerait nettement par son caractère rituel différent et son sens religieux plus élevé (C. Bezold, Die babylonisch-assyrischen Keilinschriften und ilire Bedeutung fiir das Alte 7’estument, 1904, p. 4’) J » - Nikel. Alte und neue Angriffe aufdas Alte Testament, 1908, p. 19).

La fête des Pourim, dont le livre d’Esther raconte l’institution (ix, 17-82), a-t-elle une origine babylo-nienne ? Cette question lient à celle de l’historicité du livre d’Esther, car « la plupart des interprètes, ne voyant que le texte hébraïque, disent que l’auteur s’est proposé simplement d’cxplifquer l’origine et la cause de la fêle des Pourim, el assez justement, parce qu’en effet on ne voit guère d’autre but, si on met