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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/208

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BAPTEME DES HÉRÉTIQUES

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Au début, l’auteur constate i’existencc d’une tradition très ancienne, contraire à la réitération du baptême ; tradition vénérable, garantie par l’autorité de toutes les Eglises : on aurait dû s’y tenir humblement, au lieu de se lancer dans les innovations téméraires {De rebaptismate, j) : NiiUa omnino potiiisset controversia aiit discepiatio eniergcre, si iiuusquisqiie nostrum contentus venerahiU Ecclesiarum omnium auctoritatc et necessaria humilitate nihil innovare gestiret, ciim locitm contradiclioni non quemlihet anima d’erteret. Il déplore l’influence néfaste exercée par un seul homme, dont quelques esprits légers glorifient inconsidérément la prudence et la fermeté, alors qu’aveuglé par un esprit hérétique il se plaît à en entraîner d’autres dans sa ruine, et qui pose, devant ses pareils, pour le redresseur de toutes les Eglises. Là-dessus il accumule les textes scripturaires pour montrer la <listinction entre le baptême d’eau et le baptême de l’Esprit, exalte celui-ci aux dépens de celui-là, et, en somme, fait bon marché du baptême d’eau, que supplée avantageusement, non seulement le baptême de sang (martyre), mais encore le baptême de l’Esprit, c’est-à-dire la confirmation (De rebaptismate, 18).

De son côté, Cyprien, très agité, essayait de se calmer lui-même en prêchant la patience. Il écrivait, Acrs la fin du De bono paiientiæ (20) : « C’est la patience qui nous gagne l’amitié de Dieu et nous la conserve… La patience est un ferme rempart aux fondements de notre foi, un principe sublime d’accroissement pour l’espérance, une règle pour l’action, qui maintient dans la voie du Christ les émules de ses souffrances, un gage de persévérance pour les enfants de Dieu, qui imitent la patience du Père. »

Le primat de Garthage devait être obsédé de lettres et de consultations. Les soixante et onze signataires de la dei’nière synodale avaient dû porter leurs convictions sur tous les points du territoire voisin de Cartilage ; mais l’opposition ne désarmait pas, du moins en Maurétanie. De cette province, un évêque nommé Jubaïen lui écrivait pour s'éclairer et lui communiquer un mystérieux document, dontCj’prien n’indique pas la provenance, mais qui dut lui causer de graves soucis, à en juger par le soin qu’il mit à le réfuter. La réponse à Jubaïen prend les proportions d’un véritable traité contre le baptême des hérétiques. Cyprien commence par s’appuyer sur la décision des soixante et onze évêques(/ij9. i.xxiii, i), puis il écarte une objection de son correspondant (Ib., 2) : que les schismatiques novatiens rebaptisent ceux qui Aiennent à eux, peu importe : il ne va pas chercher son inspiration chez les ennemis de l’Eglise. S’il leur plaît de singer le Arai christianisme, ce n’est pas une raison de l’abandonner. D’ailleurs, il ne fait que s’en tenir à la coutume déjà ancienne de son Eglise (3). Riais la lettre communiquée par Jubaïen renferme une assertion (4) qu’il a le devoir de relever : c’est qu’on n’a point à s’inquiéter de la personne qui baptise, la foi du baptisé important seule à la rémission des péchés. Cette assertion l’a ému d’autant plus A ivement qu’il a rencontré dans la même lettre le nom de l’hérétique Marcion et une approbation de son baptême. Si Marcion (5), qui ne croit pas à la Trinité, peut néanmoins l>aptiser validement au nom de la Trinité, pourquoi pas également les Patripassiens, les Anlhropiens, les Valentiniens, les Apelletiens, les Ophites, et autres pestes d’hérétiques ? Il n’en est pas ainsi (7) : Dieu n’a confié qu’aux mains des pasteurs établis dans son Eglise le pouvoir de remettre les péchés par le baptême, comme celui de donner le Saint-Esprit par l’imposition des mains. En défendant cette position (lo), Cj’prien a conscience de défendre l’unique et Aéritable Eglise. Pourquoi donc l’accuser (11) d’attentat à la A'érité,

de trahison euvcrs 1 unité? Si l’on reconnaît aux hérétiques le pouvoir de conférer le baptême (12). y a-t-il rien qu’on puisse leur refuser ? En A’ain en appellerait-on à la coutume (13) : comme si la coutume poiiA’ait préA’aloir sur la Aérité ! L’erreur peut avoir des titres à l’indulgence, l’opiniâtreté n’en a aucun. Ici la tradition apostolique est seule reccA^able : or les apôtres n’ont enseigné qu une Eglise et qu’un baptême (14-15) ; ils ont constamment exécré l’hérésie, fidèles à la parole du Christ qui a a’ouIu prémunir les siens (16) contre les faux prophètes et les faux Christs. Mais que penser de ceux qui déjà ont été admis dans l’Eglise (28), sans autre baptême que celui des hérétiques ? Si déjà ils se sont endormis dans la paix de l’Eglise, ])aix à leur mémoire : la miséricorde dÎA ine a pu suppléer le déficit du sacrement. Mais il ne faut pas s’autoriser des errements passés pour errer toujours à l’avenir. La lettre s’achèAe par les déclarations ordinaires (26) de tolérance et de respect à ladresse des évêques qui pensent différemment. Cyprien n’aime pas les disputes entre collègues, et s’efforce de sauA-egarder, en toute patience et douceur, la charité, l’honneur de son collège, le bien de la foi, la concorde du sacerdoce.

Telles sont les grandes lignes de ce graA’e document. Nous savons par un témoignage postérieur qp^ie Jubaïen se rendit aux raisons déA^elopi^ées par Cyprien (Sententiæ episcoporum, prooemium). Et maintenant renoncerons-nous à pénétrer l’anonymat de cette pièce que Cyprien discute si longuement, en ayant soin d'éAdter ces personnalités qui d’ordinaire abondent sous sa plume, et que, sans doute, il ne se serait pas interdites si l’auteur eût été un membre quelconque de l'épiscopat maurétanien ? Toutes les raisons qui déjà nous ont fait cntrevoir dans la lettre Lxxi une arrière-pensée de controvcrse avec Rome, se présentent ici aACc plus de force, pour nous montrer dans le document communique par Jubaïen une lettre du pape Etienne à lepiscopat de Maurétanie, lettre portée par Jubaïen à la connaissance du primat de Carthage^. Cette impression générale, qui se dégage de la lettre écrite par Cyprien, est fortifiée par dÎA’erses obserA’ations de détail. On a a’u l’assimilation établie, dans la lettre de Quintvis (Ep. lxxiii, 2), entre le zèle anabaptiste des schismatiques novatiens et celui que témoignaient les éA'êques d Afrique : d’où Amenait une telle idée, sinon de Rome, foyer du schisme novatien ? Nulle part ailleurs on ne dcvait être plus porté à confondre dans une réprobation commune les puritains de toute nuance. On a a’u encore que le document anonyme contenait une approbation du baptême marcionite 2 : or le nom de Marcion reparaîtra dans deux lettres postérieures, en tête d’une liste d hérétiques dont le pape ne songe pas à réprouA’cr le baptême (Ep. i.xxn-, 7 ; lxxa% 5). On se rappelle en outre les qualifications séA'ères appliquées par cette lettre à Cyprien (Ep. lxxiii, 11) :

1. Ainsi en ont jugé anciennement Baronius, Pamf.l, GousTANT, Launoy, Maran, etc., de nos jours : Nelke, p. 101. — Voir à rencontre Ernst, Papsl Steplian I urid dcr Ketzertaufstreit, p. 23 et seq.

2. Ep. LXXIII, 4 : Cum in eadem epistula animadverterim etiain Marcionis fieri menlionem, ut nec ab ipso venientes dicat baptizari oportcre. Ibid., 5 : De Marcione intérim solo, cujus mentio in epistula a te ad nos Iransmissa facta est. — Cette considération suffirait à faire écarter la thèse de Be.nson, qui croit reconnaître dans le De rebaptismate le document communiqué h Cyprien par Jubaïen : Cyprinn, lus life, his tirnes, kis (vor/., p. 398, 399. D’ailleurs j’admettrais volontiers que C. prien avait dès lors connaissance du De rebaptismate. Mais ce traité ne renferme pas le nom de Marcion, et la lettre de Cyprien ne peut le viser qu’incidemment.