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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/28

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AGNOSTICISME

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la ie, la puissance, la science et la volonté, devraient comprendre que ces choses ne sauraient être attribuées dans le même sens à lui et à nous », p. 228. Ce n’est donc que par simple homonymie qu’on les lui attribue, « de manière qu’il n’y ait aucune ressemblance de sens entre les deux sortes d’attributs », p. 229.

S. Thomas, à la question 7 de potentia, commence par se mettre d’accord avec son adversaire sm- cpielques points préliminaires (voir les sed contra), tout en précisant ses positions. Dieu est simple, De Pot., q. ; , art. i ; en lui la substance ou l’essence est identique à r « xistcnce, ai-t. 2 ; il n’est pas dans un genre, parce qu’il est au-dessus de tous les genres, art. 3 ; les attributs absolus de Dieu, v. g. la science, ne sont pas en Dieu des accidents, art. ! , cf. art. 6, initio. Donc Maïmonide a eu parfaitement raison de ne pas admettre, avec les Motécallemin, que la science soit en Dieu réellement distincte de l’essence : ce qui est erroné et ridicule, Z>e Verit., quæst. 2, art. i.S. Thomas va plus loin : — a) et il concède à Maïmonide que, s’il s’en tient aux exemples physiques et mathématiques qu’il apporte, il a raison de dii-e, précisément parce que Dieu n’est pas dans un geni-e et n’a pas d’accidents, cju’il n’y a rien de commun entre Dieu et la créature. L’opinion d’Avicenne et de Maïmonide n’est pas contraire à la doctrine orthodoxe, si quis dictoruni rationes ex causis assumit dicendi ; I, dist. 2, quæst. i, art. 3. En effet : qiiæ habent diversum modum esse/idi non communicant in aliquo secundum esse quod considérât naturalis ; De Pot., q.’^, art. "j, ad 1. Xulla species quantitatis (matliematica) potest in rébus spiritualibus convenire, nisi secundum metaphoram ; de Pot., q. g, art. ;  ; q. j, a. 4 » ad 6. Ce qui signifie : si l’on veut transporter en Dieu les concepts du phjsicien et du mathématicien tels quels, on ne parle plus que par métaphores, parce que tous les concepts ainsi formés impliquent l’imperfection de la créature : Quæcumque nomina hujusmodi perfectionem désignant cum modo proprio creaiuris, de Deo dici non passant nisi per similitudinem et metaphoram (Cont. gent., i, 30). On ne peut donc appliquer à Dieu d’une façon propre aucun concept de la physique et des mathématiques. En cela Maïmonide a raison. Kant définit la connaissance : quantifier, qualifier ; Spencer, rattacher à un antécédent, à une classe ; et ils se déclarent incapables de connaître Dieu en lui-même. C’est, d’après S. Thomas, tout natiu’el ; et il ne peut même pas en être autrement. M. Le Roy voudrait appliquer à Dieu la notion de paternité avec « ce qui la constitue proprement dans le monde de notre expérience », et il aboutit à concevoir Dieu comme une réalité qui « d’une manière ou d’une autre » justifie son culte. Cet échec n’a rien qui nous étonne ; la conclusion de iI. Le Roy est conforme aux principes d’où il part. M. H. Laurent a proposé d’expliquer la présence de Dieu par les géométries non euclidiennes ; Grande Encyclopédie, avl. Philos, des sciences, p.’^22 ; l’intention est bonne, mais la méthode est défectueuse. Prenez n’importe laquelle de nos définitions physiologiques de la vie ; et essayez de l’appliquer à Dieu : vous n’aboutirez qu’à une métaphore, per quant quæ sunt unius rei, alteri soient adaptari, sicut aliquis homo dicitur lapis, propter duritiem intellectus ; ibid. La phj’sique, dit S. Thomas, serait la première des sciences, s’il n’y avait que des choses sensililes ; mais ce n’est pas son objet d’étudier Dieu ; si elle l’envisage, ce n’est pas en lui-même, mais seulement comme moteur, in Boeth., De Trinit., quæst. 5, art. 2, ad 3. Quant aux mathématiques, elles sont incapables de prouver l’existence de Dieu : aussi les objections qu’on en tire, ne prouvent-elles rien. La raison en est que, si

le quantum concret est soumis à l’ordre causal, le quantum abstrait, que le mathématicien envisage exclusivement, échappe à cet ordre ; d’où il suit que les mathématiques ne prouvent rien par la cause eflkiente ni par la cause finale, Summa, I, quæst. 44> art. I, ad 3. Cf. Bergomo, Tabula aurea, x. Matliematica, 4- Et ainsi s’explique ce que nous avons dit jjlus haut, pourquoi le silence et l’impuissance des sciences et des méthodes scientifiques, telles qu’elles sont de fait constituées chez nous, ne prouvent rien du tout contre la théologie ou la théodicée, et d’une façon plus générale contre la métaphjsique. — b) S. Thomas fait une autre concession à Avicenne ou à Maïmonide, ou plus exactement se donne une autre explication de leur erreur. « Considérant les perfections finies, ils ont remarqué que la « sagesse » est en nous une qualité, que « l’essence >> signifie la nature abstraite (uni’ersale quod non subsistit, X Metaph. , lect. 3 sub finem) ; mais Dieu est subsistant, c’est une nature concrète et il n’a pas de qualité ; ils en ont conclu quod deus est esse sine essentia et quod non est in eo sapientia secundum se » ; I, dist. 2, q. i, a. 3. Ces philosophes ont mal raisonné sur le sens et l’emploi des mots ; mais, entendue au sens indiqué, leur doctrine est au fond orthodoxe, quia nec dicunt aliquem modum perfection is Deo dees.se.

Mais, ces concessions et observations faites, la cp^iestion est de savoir si, à côté des sciences physiques et mathématiques, il n’y a pas de place pour la métaphj’sique ; et si certains concepts métaphysiques ne s’appliquent pas à Dieu d’une manière propre. Si le lecteur a parcouru les articles que je viens de résumer, l’opinion de S. Thomas lui est connue : il a vu que le logicien fait des abstractions autres que celles du physicien ; qu’il y a une autre unité que l’unité numérique, quoi qu’en aient dit Pierre Lombard et Maïmonide ; que les attributs de sagesse, justice, se disent de Dieu non comme des qualités, mais comme des perfections substantielles etc. Cf. I. dist. 8, q. 4, art. i ; De Pot., q. I, ai’t. i, sub finem coi-p. Ce serait ici le lieu d’exposer comment nous arrivons à nous faire une idée de Dieu : on le trouvera à l’article Dieu ; et, en attendant, le De Anima de Suarez, lib. 4, cap. 4-6 ou ses Disp. Metaph., 30, sect. 12, résumeront les vues de l’Ecole sur ce sujet ; la même doctrine est exposée d’après S. Thomas, dans Pesch, hisi. psycholog., Friburgi, 1898, t. II, n. 871 ; cf. infra, col.Ç)5 et Contra gentes, I, 31. D’ailleurs, S. Thomas se garde bien de faire dépendre la valeur de notre idée de Dieu des détails de la psychologie péripatéticienne qu’il a adoptée. Il avoue expressément que, si Maïmonide et Avicenne gardaient l’idée de la « plénitude de l’être », de l’être infiniment parfait, ils diraient au fond la même chose que les chrétiens, I, dist. 2, q. i, art. 3 ; dist. 8, q. i, a. 1, Contra. C’est que S. Thomas se souvient que la théologie de Denys (qui pour lui était l’Aréopagite), a pour lioint de départ l’idée de la « plénitude de l’être divin » ; il se souvient aussi que S. Anselme a déduit toute la théodicée de Vens quo majus cogitari nequit ; personnellement, S. Thomas n’admet pas qu’on prouve par là l’existence de Dieu ; mais, cette existence démontrée jiar ailleurs, l’idée de l’être infiniment parfait permet de retrouver les attributs iil^solus qui sont de l’essence de la divinité. Cette remai’que explique pourquoi l’intellectualisme des cartésiens s’est, en théodicée, assez facilement concilié avec les exigences du dogme ; mais il est bon de noter que la concession hypothétique de S. Thomas ne peut servir de rien aux modernistes qui rejettent tout intellectualisme.

M. Skutillanges est ici d’un avis tout différent. Il nous apprend que, thomiste, ses opinions sont celles de S. Thomas ; et il conclut que son opinion person-