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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/306

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CONCILES

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tion et le fonctionnement intime d’un concile œcuménique, la véritable portée de ses décisions. Là, chaque évêque concourt à un même acte d’autorité universelle ; cliacun devient réellement juge, législateur et docteur, non plus pour ses diocésains seulement, mais pour l’Eglise entière ; l’exercice de sa juridiction se trouve, de fait, étendu extraordinairement à toute la catholicité. D’où lui peut venir cette compétence sans limite locale ? Elle ne lui appartient ni en vertu de sa consécration, ni en vertu de sa nomination à un siège déterminé, il ne la détient pas de droit divin ; de droit divin, il n’est pasteur que d’un unique diocèse. D’autre part, s’il y a dans la législation ecclésiastique des dispositions permanentes et des coutumes qui expliquent les pouvoirs et les privilèges des métropolitains, des primats et des patriarches, il n’en est aucune qui fonde ou prévoie une extension, même momentanée, de l’autorité de chaque évêque à tous les diocèses et à tous les fidèles. Celui-là seul qui possède en propre semblable autorité petit y faire participer ses frères dans l’épiscopat. Cette conclusion est d’ailleurs indépendante de toute théorie spéciale sur la genèse de la juridiction épiscopale ordinaire. Que celle-ci descende directement de Dieu sur ses détenteurs ou qu’elle leur soit transmise par l’intermédiaire du souverain pontife, toujours est-il certain qu’elle demeure restreinte à un diocèse particulier ; pour l’élargir au point qu’elle puisse atteindre l’Eglise du Christ dans son intégrité, l’intervention du successeur de Pierre est indispensable. Or, cette intervention se produit quand le pape réunit les évêques en concile œcuménique ou quand, les trouvant réunis de fait pour une cause quelconque, il se les associe en vue de légiférer avec leur coopération active pour l’Eglise entière. Et qu’on n’objecte pas l’opinion de quelques auteurs d’après laquelle les évêques, une fois assemblés en nombre sufRsant, possèdent par là même ou reçoivent immédiatement du Saint-Esprit le caractère d’œcuménicité : cette théorie se concilie mal avec le dogme de la primauté, qu’elle met en péril ; elle introduit dans l’Eglise, à côté et en dehors du pape, une seconde forme de pouvoir suprême, elle affirme équivalemment que des lois partout obligatoires pourraient être portées validement sans le concours et peut-être contre le gré de celui qui est le fondement cîe tout l’édilice ecclésiastique, de celui à qui, selon la définition du concile de Florence, « N.-S. J.-C. a donné pleine puissance de paître, de régir et de gouverner l’Eglise universelle ».

3) Enfin, on peut encore faire appel à l’analogie théologique et canonique. De même, en effet, que la convocation d’un synode diocésain appartient sans conteste à l’évêque du diocèse, celle d’un concile provincial au métropolitain, et celle d’un concile plénier, sous réserve des dispositions du droit canon, au primat ou au patriarche, de même la convocation d’un concile œcuménique ne peut appartenir qu’au chef de l’Eglise. On ne saurait le nier sans nier aussi la primauté du souverain pontife. Quant à revendiquer pour le pouvoir civil un droit propre et inné de convocation, ce serait confondre l’ordre religieux et l’ordre civil, refuser à l’Eglise le caractère de société parfaite et indépendante, faire d’elle la servante et l’esclave de l’Etat.

2° Difficulté historique. — Les principes exposés sont d’une évidence lumineuse. Ils doivent paraître inattaquables à quiconque admet l’existence de l’Eglise comme société spirituelle et distincte, fondée paf le Christ. Pourtant on en chercherait vainement la confirmation positive dans l’histoire des huit premiers conciles œcuméniques. Les documents sont nombreux, qui nous présentent ceux-ci comme convoqués par la puissance impériale. Non seulement les empereurs

les convoquent, mais, ce faisant, ils déclarent remplir un devoir et user d’un droit propre et inhérent à leur charge. Bien plus, ce droit semble leur avoir été reconnu, et le plus souvent sans restriction exprimée, par le clergé contemporain, par les évêques, par les conciles eux-mêmes, par les papes aussi. En présence de ces faits et de ces déclarations, que deviennent les principes ? oîi sont l’autonomie et la dignité nécessaires à des assemblées qui prétendent régler souverainement les questions religieuses et imposer leurs déci’ets au respect de tout l’univers ?

Nous répondons que les empereurs de Constantinople ont eu assurément une grande part à la convocation des conciles dont il s’agit, et que cette part, résultante naturelle et inévitable des circonstances spéciales de temps et de lieu, souvent ils l’ont élargie à plaisir et avec excès ; mais nous ajoutons que les papes y ont eu la leur aussi, laquelle, pour être demeurée parfois assez effacée et assez modeste, n’en a pas moins été toujours réelle, toujours indispensable, et d’ailleurs proclamée par les empereurs eux-mêmes. Auteurs de ce qu’on peut appeler la convocation matérielle, les princes ont expressément réservé à lEglise la convocation formelle. Ceci veut dire cpie, si les premiers ont rendu possible, s’ils ont procuré et parfois imposé le fait de la réunion des évêques en un lieu et à une date déterminés, le pape, en s’associant à leurs vues, en les inspirant ou en les agréant, en contribuant de plus à leur réalisation par l’envoi de délégués chargés de représenter sa personne, en conférant ainsi aux évêques réunis l’autorité que lui seul pouvait leur conférer pour délibérer et statuer sur les intérêts généraux de l’Eglise, transformait l’assemblée de fait en assemblée juridique et conciliaire. Les mêmes raisons historiques qui justifiaient, disons mieux, qui rendaient nécessaire dans une certaine mesure l’intervention du pouvoir civil, expliquent pourquoi les pontifes romains s’en sont longtemps accommodés sans protestation, en allant jusqu’à fermer les yeux ordinairement sur ce qu’elle pouvait avoir d’excessif.

i) Tout d’abord, nous ne manquons pas de textes anciens qui établissent la participation du pape à la réunion, à l’acte constitutif des conciles. Le Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. 1, p. 76, dit du l" concile de Nicée : Hujus (Sylvesti’i) temporibus factum est concilium cum ejus consensu ifi Nicæa : et le VI « concile (680). dans son /s/s ; 7 : , ciaj ; wv/ ; T£i<£ ; (Mansi, Conciliorum amplissima coHeciio, t. XI, col. 661), affirme que « Constantin et Sylvestre assemblèrent (Tjve>r/ov) le concile de Nicée ». Concernant le concile de Chalcédoinc, saint Léon, sous le pontificat de qui il s’est tenu, a écrit, Epist. cxiv (Mansi, t. VI, col. 227 ; P.L., t. LIV, col. 1029) : Générale concilium et ex præcepto christianorum principum et ex consensu apostolicæ sedis plaçait congregare. Un peu plus tard, les évêques de Mésie rappelaient à l’empereur Léon l’^r qu’à Chalcédoine le corps épiscopal s était réuni per jussioneni Leonis Romani pontificis, qui vere caput episcoporum, et venerabilis sacerdotis et patriarchæ AnatoUi (Mansi, t. VII, col. 546). Si, à l’exemple de plusieurs autres, le VIP’concile, dans toutes ses sessions, à l’exception de la dernière, se déclare simplement et absolument convoqué par autorité impériale, nous lisons, en revanche, à son sujet, dans une lettre d’HAoniEN I" à Charlemagne (Mansi, t. XIII, col. 808) : Et sic synodum istam secundum nostram ordinationem fecerunt. Relativement au VHP concile œcuménique, Hadrien II écrivait à l’empereur Basile (Mansi, t. XVI, col. 22) : Nous voulons que, par les efforts de votre piétéy un nombreux concile soit assemblé à Constantinople ; et Anastase LE Bibliothécaire, s’adressant à Hadrien II, disait