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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/320

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CONCILES

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le vote ; à la ive session, Zabarella lut un texte différent et atténué ; mais, huit jours plus tard, à la nouvelle d’une seconde fuite de Jean XXIII, qui, en dérangeant tous les plans, mécontentait les représentants de toutes les tendances, le texte primitif fut repris ab iraio et adopté tel quel, dans le dessein de bien signifier au pontife fugitif qu’on l’atteindrait quand même et qu’on ne se tiendrait pas pour désarmé par son éloignement. Ces articles nous apparaissent ainsi et apparaissaient à leurs auteurs, sinon comme un expédient transitoire et adapté aux nécessités du moment, du moins comme le considérant théorique introductif d’une résolution pratique et comminatoire à l’égard de Jean XXIII. Et n’est-ce pas ce qu’insinuent ces termes mêmes des décrets, qui semblent marquer le but unique des déclarations de l’assemblée : Pro extirpatione præsentis schismatis, ad consequenditm facitius, securius, velocius et liberiiis unionein et reformationem Ecclesiæ ?

Un incident qui se produisit le 17 avril 1415) onze jours après la ve session, nous révèle mieux encore le sentiment intime et général des Pères. Il s’agissait de condamner "Wiclef et Jean Huss. Le cardinal d’Ailly proposait, argiiant de la supériorité du concile sur le pape, de porter la sentence de condamnation au nom du premier sans mentionner le second ; mais sa motion fut repoussée à une grande majoi’ité, et lui-même ne songea pas à invoquer les décisions de la session précédente. Cette dernière remarque s’impose aussi à propos du traité qu’il publia dans le courant de l’année suivante : De Ecclesiae, concilii generalis^ romani pontificis et cardinalium auctoritate. Eugène IV avait donc parfaitement raison, quelques années plus tard, lorsque à l’assemblée factieuse de Bàle, qui reproduisait les décrets de Constance comme des définitions de foi, il reprochait de travestir la pensée dont elle se prétendait l’interprète.

Rien ne sert d’objecter, avec certains gallicans, que les décrets de la v « session auraient reçu ultél’ieuremenl l’approbation de Martin V, pape universellement reconnu. Deux actes de Martin V ont été allégués dans ce sens : la bulle du 2a février 1418 (Mansi, t. XXVII, col. 1 204 sqq.), et vine déclaration orale du 22 avril de la même année, se rattachant, nous verrons comment, à la xlv » et dernière session (Mansi, t. XXVII, col. 1201).

La bulle Inter cunctas se rapporte aux erreurs des Hussites et aux moyens de les combattre. Elle prescrit notamment (Mansi, t. XXVII, col. 121 1) de demander à ceux qui sont suspects d’hérésie s’ils admettent, comme « ab universis Christi fidelibus approbandum et tenendum », ce que le concile de Constance « approbavit et approbat in favorem fidei et ad salutem animarum 1^. Cette expression : in favoreni etc., est de soi vague et indéterminée, et il semble bien qu’elle ait été choisie telle à dessein, pour ménager toutes sortes de susceptibilités. En tout cas, elle ne s’applique pas aux fameux décrets. Ceux-ci, dans leur sens absolu, ne pouvaient être regardés par Martin V comme portés in favorem fidei et ad salutem animarum. Que, de fait, ils ne l’aient pas été, c’est ce dont une nouvelle bulle, du 10 mars suivant, ne nous permet pas de douter, puisqu’elle interdit précisément tout appel de la sentence du pape au futur concile, et que la légitimité d’un semblable appel eût été la conséquence manifeste de la supériorité du concile reconnue.

Mais on a voulu faire état de quelques paroles dites par Martin V le jour de la clôture du concile. Le pontife y afïirme qii’ilveut respecter inviolablement « omnia et singula determinata, conclusa et décréta in materia fidei per præsens concilium conciliariter….

ipsaque sic conciliariter facta approbat et ratificat et non aliter nec alio modo >> (Mansi, XXVII, col. 1201). Pour expliquer cette déclaration, je ne saurais admettre, comme quelques-uns l’ont fait, que le mot conciliariter vise le concile en tant qu’œcuménique et pour l’époque seulement où il a été tel ; je crois plutôt qu’il s’oppose simplement au mot nationaliter. Je ne dirai pas non plus que les paroles du pape ne contiennent pas autre chose qu’un refus aux Polonais, parce qu’elles sont la réponse aux instances pressantes faites par eux en vue d’obtenir une condamnation solennelle du livre de Jean de Falkenberg, déjà condamné par les nations, qu’elles n’impliquent donc aucun jugement sur le concile en général ; et pourtant cette interprétation, défendue parFuNK (Kirchengeschichte, 4* éd., p. 872 ; trad. de Hemmer, 2* éd., II, p. 26), peut se prévaloir de deux circonstances notables : d’abord, l’occasion de la réponse en question ; puis, surtout, ce qu’il y aurait d’étrange, de choquant même dans une pareille approbation papale, non seulement donnée de vive voix, mais improvisée et lancée au milieu d’un grand tumulte et après que la clôture officielle du concile avait déjà été proclamée par la formule sacramentelle iDomini, ite in pace, à laquelle l’assemblée avait répondu : Amen (Mansi, t. XXVII, col. 1200). Sans entrer dans cette discussion, nous pourrions nous borner à remarquer que les décrets n’étaient pas in materia fidei, puisqu’ils n’avaient pas été portés comme des définitions dogmatiques. Ajoutons toutefois qu’ils sont loin aussi de remplir clairement la seconde condition, qu’exprime le terme conciliariter, précisé d’ailleurs par l’opposition à nationaliter.’SovLS relevons, en effet, dans la ^ session plusieurs particularités qui compromettent singulièrement son caractère conciliaire ; c’est à savoir : l’absence volontaire de quatre cardinaux et la protestation préalable des sept autres, portant qu’ils assisteraient à la séance pour éviter le scandale, mais sans vouloir s’associer à ce qui y serait décidé (Mansi, t. XXVII, col. 694) ; l’opposition d’une partie de l’assemblée ; le caractère tumulteux du vote sans suffrages exprimés ; enfin, la participation à ce vote de gens qui n’y avaient pas droit. D’ailleurs, le cardinal d’Ailly, qui fut le personnage le plus considérable du concile, qui en resta toujours grand partisan, autant qu’ardent défenseur des « libertés gallicanes », a laissé échapper sur la V session un aveu significatif : « Cette délibération des nations faite en dehors de l’assemblée, sans votes exprimés en séance commune, parait à beaucoup de personnes ne pas devoir être considérée comme une délibération du concile général, conciliariter facta… Quoi qu’il en soit, je soumets la définition de cette affaire à la volonté dvi saint concile. » (De Ecclesiæ auctoritate, inter 0pp. Gersonii, t. II, col. 940, 960.) Si le docte cardinal conclut par l’expression d’un simple doute, il mérite d’autant plus une confiance absolue dans ce qu’il affirme touchant la manière dont les choses se passèrent en session. Son témoignage, d’une valeur si exceptionnelle, se trouve pleinement confirmé par le compte rendu officiel, où toute l’action conciliaire relative aux cinq décrets tient en deux ou trois lignes (Mansi, t. XXVII, col. 590) : « Surrexit de mandate istius synodi Andréas electus Paznaniensis, et cerla capitula per modum constilutionum s

odalium, prius per singula.-i

quatuor nationes conclusa et deliberata, legit etpublicavit, quorum tenores sequentur. » Il n’y a là, ce me semble, rien qui permette de conclure que les cinc] points qui nous intéressent aient été determinata, conclusa et décréta co « c//m7"j7e/, au contraire. Et cette conclusion n’est pas sensiblement affaiblie par ces autres paroles du compte rendu (Mansi, t. XXVII, col. 598), qui semblent s’appliquer à nos décrets en