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CORPUS JURIS CAXOMCl

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naturalisme a priori de cet auteur. Sous ce rapport, nous nous permettons de renvoj-er encore à notre article déjà rappelé ci-dessus.

Entin, quant aux effets préternaturels, il nous semble que l’appréciation de D. Lataste est très judicieuse. Voici quelques faits, parmi un grand nombre, que ce théologien croit devoir attribuer au démon. La veuve Thévenet « s’élevait de temps en temps à sept ou huit pieds de hauteur, et jusqu’au plancher ; et, en s’élevant, elle emportait à trois pieds de terre deux personnes qui pesaient sur elle de toutes leurs forces

« Evénement encore plus prodigieux en un sens, 

événement horrible. Pendant que Mlle Thévenet s’élève la tête en haut, ses jupes et sa chemise se replient comme d’elles-mêmes sur sa tête… »

D. Lataste signale ensuite le fait que les convulsions se produisaient au moment où la personne louchait le tombeau de Paris, et cessaient instantanément, quand on la retirait.

« La merveille est encore plus certaine dans certaines

expériences qu’on a faites. On appliquait des reliques du prétendu bienheureux, tantôt à des enfants, tantôt à d’autres personnes qui ne pouvaient s’en apercevoir, à des personnes même profondément endormies ; et cette application était suivie dans le moment de convulsions étonnantes. Retirait-on ces reliques, les convulsions cessaient soudainement’( Mei’veilles encore innombrables d’expériences cruelles qu’on faisait sur des filles convulsionnaires, sans les blesser… On battait la Nisette sur la tête avec quatre bûches. Quatre hommes déchargeaient de grands coups de poing sur la tête de Marguerite-Catherine Turpin, surnommée la Crosse ; et, d’une bûche si grosse qu’on ne pouvait la prendre qu’à deux mains, on la frappait sur le ventre, sur le dos, sur les côtés et quelquefois sur le visage, et on lui donnait ainsi jusqu’à deux mille coups. Et tout cela se faisait sans que ces tilles en fussent même meurtries. »

Il faut avouer qu’il y a une certaine distance d’ici à la compression ovarienne, et que l’anesthésie et l’analgésie sont poussées un peu loin.

Concluons. Les convulsions merveilleuses de Saint-Mcdard sont une réalité historique. Une partie des faits ou du moins des circonstances qui les accompagnèrent sont dus à la fourberie ; une partie s’expliquent par des causes naturelles, surtout par les maladies nerveuses et en particulier par l’hystérie. Certains phénomènes ne sauraient raisonnal)lement s’expliquer que par une intervention préternaturelle. Mais l’agent ne saurait être Dieu ni les bons anges, c’est évidemment l’esprit de ténèbres. Bien loin de trouver dans les convulsionnaires un argument quelconque contre la doctrine do l’Eglise, contre sa sainteté, contre les miracles ou le surnaturel en général, nous y trouvons une conlirmation de l’infaillibilité de son enseignement, une preuve de sa prudence et de sa réserve, un argument a contrario pour les manifestations surnaturelles dans les vies des Saints, un indice assez clair de l’existence du démon et de son intervention néfaste dans les choses d’ici-bas, non seulement occulte, mais manifeste, Dieu le permettant.

G. J. Waffelært,

évèquc de Bruges.


CORPUS JURIS CANONICI. — Division de cet artitle :
I..talion du « Corpus juris canonici » en général ; II. Décret de Gratien ; III. Décrétales de Grégoire IX : IV. Sexte de Jioniface VIII ; V. Clémentines ; VI. Extravagantes de Jean XXH et Extravagantes communes ; VII. Additions au « Corpus » ; VIII. Editions du « Corpus ».

I. Notion du « Corpus juris canonici ». — Par Corpus juris on entendait, en droit romain, une législation complète ou l’ensemble des collections qui renfermaient cette législation. La dénomination passa dans la langue canonique, où elle désigna, suivant les époques, des collections différentes : le Décret de Gratien, puis cinq collections (de la lin du xii* siècle et du commencement du xiii’) connues sous le nom des « Cinq compilations antiques » ; plus tard les Décrétales de Grégoire IX, ou le Sexte de Boniface VIII, ou les Clémentines, et, plus communément, la réunion de ces trois dernières collections. Enfin au xvi’siècle, elle reçut un sens en quelque sorte officiel dans la constitution de Grégoire XIII, Cuni pro munere (l’^'juillet 1580) où le mot Corpus juris comprend les six collections suivantes : le Décret de Gratien, les Décrétales de Grégoire IX, le Sexte de Boniface VIII, les Clémentines, les Extravagantes de Jean XXII et les Extravagantes communes. A partir du xvii « siècle, l’usage des éditeurs généralisa cette dernière signification ; c’est celle qui est communément reçue de nos jours et que nous retenons dans cet article.

Ainsi considéré, le Corpus juris représente l’ensemble de la législation canonique telle qu’elle a été recueillie par Gratien des grands répertoires juridiques des x « et xi" siècles et s’est développée du xii" au xv^. Tous les éléments n’en sont pas authentiques. De plus, un grand nombre des lois authentiques qui la composent sont aujourd’hui abrogées ou modifiées et le recueil lui-même sera prochainement remplacé par le code dont Pie X a ordonné l’élaboration (Motu proprio Arduum, 19 mars igo^)- Mais il sollicitera l’attention du canoniste et de l’historien, comme l’un des principaux monuments de la vie juridique du moj-en âge et des temps modernes et l’une des sources les plus notables de la nouvclle discipline. Sous ce double rapport, il intéresse aussi l’apologiste, qui y trouvera la pensée exacte de l’Eglise dans sa constitution et son gouvernement intérieur et dans ses relations avec la société ciA’ile : un grand nombre de controverses en reçoivent leur vrai jour.

A un point de vue plus modeste, une courte introduction au Corpus n’est pas sans utilité pour le travailleur qui peut avoir aie consulter ; si l’on n’a reçu quelques indications préliminaires, on aura de la peine à se retrouver dans cette masse un peu confuse ; en outre, l’inégale valeur de ses éléments exposera plus dune fois à des erreurs d’appréciation. Le but de cet article est précisément de faciliter le maniement du Corpus. Xous traiterons successivement de chacune de ses collections.

II. Décret de Gratien. — i* Historique. Cette collection. qui dans les éditions modernes occupe généralement tout le premier Aolume du Corpus, a été composée, entre iiSg et 1150, par Gratien (7 vers Il’59), moine italien du monastère camaldule des saints Félix et Nal)or à Bologne et professeur de théologie dans colle cité. Elle a pour titre, dans de très anciens manuscrits, Concordantia discordantium canonum (Concorde des canons discordants) ; et, comme ces mots l’indiquent, ce n’est pas une simple compilation ou classification méthodique des textes législatifs, mais un essai de conciliation d’antinomies juridiques. L’auteur reproduit d’abord, sur la question, les canons qui concordent entre eux, puis ceux qui paraissent y contredire ; il apporte ensuite les textes qui ouvrent la voie à une conciliation et il propose sa solution. On trouve donc, dans le Décret, une série de canons reliés par un bref commentaire