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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/374

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CREATION

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qu’il est produit par lui du néant à l’existence : il est créé.

IV. Quelle est la fin de la création ? — Puisque Dieu est infiniment sage, il avait évidemment une fin en créant le monde.

D’autre part, cette fin ne peut être que Dieu même. (Prov. XVI, 4 ; Apoc. XXII, 13.)

La volonté de Dieu, en effet, ne peut agir que pour une fin digne d’elle. Or il n’en est pas en dehors de l’Infini que Dieu est. Agir pour soi n’est donc pas. en ce cas, de l’égoïsme, c’est justice et devoir strict, a Etant le bien suprême, dit ScHEEBEN, ila droit à tout honneur et il ne le réclame que parce qu’il a pour lui-même l’estime qui est due au Souverain Bien. «  Dogmatique, trad. Bélet, t. iii, p. 64 ; Lessius, De perfect. moribiisque divinis, 1. xiv, c. iii, in fol., Anvers, 1626, p. 2^0 sq.

Par ailleurs, l’essence infinie se suffit ; elle n’a besoin de rien hors de soi et la création ne profite qu’aux seules créatures.

On voit par là en quel sens la théologie catholique enseigne que la fin du Créateur est premièrement sa gloire et secondement le bien des êtres créés.

Il a décrété l’acte créateur comme glorieux à sa personne, non que les louanges de mille mondes pussent enrichir d’un rien l’infinité de son honneur et de son bonheur, mais parce qu’il lui était beau et convenable de recevoir et donc de vouloir pour soi ces hommages.

Il la voulu pour le bien de ses créatures, parce qu’elles seules gagnent réellement à cet acte et le don de l’existence et celui de la récompense éternelle, qui doit la couronner.

La même action divine est ainsi à double effet : tout gain pour la créature, tout honneur pour le Créateur, et d’autant plus glorieuse à celui-ci qu’elle est, à bien juger des choses, plus désintéressée. Cf. MoNSABRÉ, Conférences de Notre-Dame, in-8’^, Paris, 1874. 2’conf., p. 290 sq.

Lorsqu’on ajoute que le monde matériel a été créé pour riiomme, on entend dire seulement que la Providence 1° a voulu pour l’homme l’utilité qu’il perçoit de toutes choses ; 2° qu’elle a voulu que l’homme se servît de toutes en maître, au lieu d’asservir son àme à des êtres qui l’écrasent souvent de leur masse, mais qu’il domine de toute la dignité de son intelligence.

Cette leçon, exprimée dès les premières pages de la Bible (Gen. i, 28 ; cf. Ps. viii, 7, 8), n’a aucun lien nécessaire avec les théories géocentriques avec lesquelles certains apologistes ont pu l’unir et certains controversistes la confondre.

Y. La création est-elle un acte libre ? — Le Concile du Vatican l’aflirme expressément. Il est aisé de justifier sa définition.

Dieu n’a été amené à créer par aucun besoin ; il n’y a été porté par aucun devoir.

Il est en effet le bien parfait, la plénitude de toute richesse. Comment pourrait-il avoir besoin de créatures en qui il ne pourra jamais que retrouver ce qu’il aura bien voulu mettre ?

Infinie perfection, il tire de lui-même la règle de ses actions, et cette règle ne peut pas prescrire la création comme obligatoire à celui à qui rien ne manque sous aucun rapport. Un devoir strict, en effet, suppose une exigence et un besoin. Rien de tel ici, ni à l’égard de Dieu : il est Tout ; ni à l’égard des créatures : il pourra se lier envers elles, en les créant ; il ne peut être tenu envers elles, avant qu’elles soient.

L’acte créateura donc été absolument libre ducôté de Dieu, soit quant à son exercice (créer ou s’abstenir).

soit quant à sa spécification (créer tels ou tels êtres, dans telles ou telles conditions).

Les difiicultés que présente cette doctrine sont ou spéciales aux actes divins ou communes à tout acte libre.

A la première classe appartiennent toutes celles qu’on pourrait tirer de la souveraine perfection de Dieu, qui semble l’obliger au mieux en toute chose. On observera, à ce sujet, que, si cette perfection interdit à Dieu tout acte proprement mauvais, elle ne lui impose déterminément aucun acte bon. A celui qui est l’Infini, sous tous rapports imaginables, aucun acte imaginable n’ajoute rien : il lui demeure donc indifférent.

On prendra même garde, à l’encontre des thèses de l’optimisme, que le « mieux absolu » est irréalisable, chaque fois qu’il s’agit d’êtres finis. Entre la qualité, la quantité, le nombre, l’espace, le temps, que l’on supposera le plus grand ou le meilleur possible, et l’Infini, il restera toujours une infinité d’autres grandeurs ou perfections possibles : toutes, en fin de compte, seront également infîmes à l’égard de l’Infini, et donc nulle ne s’impose spécialement à son choix.

Dans la seconde classe, on peut ranger les objections que fait naître le souci d’expliquer la rationabilité du choix divin. — On se souviendra que, s’il est essentiel à l’acte libre, humain ou divin, d’avoir des considérants, qui le rendent convenable et, à ce titre, préférable entre d’autres, au gré de l’agent, il ne lui est pas moins essentiel de n’avoir aucune cause nécessitante.

Tel est le champ de la liberté divine dans la création.

Créer ou ne pas créer sont partis qui s’imposent aussi peu l’un cjue l’autre.

Si Dieu crée, de toute nécessité les créatures, à cause de ce Aice radical qu’elles ont d’être tirées du néant, seront forcément limitées en perfection, et par conséquent, sous quelque rapport, passibles, faillibles, défectueuses.

Des spécifications diverses de mérite, de quantité, d’espace, de temps, aucune n’est nécessitée, en droit, plus que d’autres^ et ne s’explique, en fait, que par ses aptitudes à servir au plan général que la Providence a librement choisi.

VI. Le monde est-il éternel ? — Il est certain qu’il n’est pas éternel par la nécessité de sa nature, puisqu’il apparaît avec tous les caractères des êtres contingents ; Aoir plus haut, col. 726 sq.

Il est de foi que notre monde a été créé dans le temps, ou mieux a^ec l’origine des temps.

Etait-il possible que le monde reçût l’existence de toute éternité, qu’il fût créé sans avoir jamais commencé ?


Réduit à ces limites, le problème est sans portée dogmatique.

En effet, loin d’exclure l’action créatrice, comme le monisme moderne, on la suppose. On envisage une possibilité de droit, non la cquestion </e /"ai/, tranchée par la foi. On respecte les attributs de Dieu, car une éternité par participation ne semble pas plus injurieuse à ses prérogatives que la participation des autres perfections : elle resterait, comme celles-ci, analogue, non identique.

Il suffira donc de quelques indications qui puissent, le cas échéant, aider l’apologiste à maintenir la question sur son vrai terrain, et à éviter les argumentations inefficaces et les solutions hybrides.

Le vrai point à établir (comme l’ont précisé Albert

LE Grand, In IV Sent., 1. II, dist.i, a. 10 ; Sum.theol.,

p.II, lr. I, q. IV, m. 11, a. 5, et surtout S. Thomas, In IV

I 5en<., l.II, dist. I, q. i, a. 5, sol., et Cont. murmurantes :