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DEMONS

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Nous devons ajouter cependant que chez les Assyriens on trouve une catégorie inattendue de démons formée des morts — nommés edimmu — qui n’ont pas reçu la sépulture ou qui ne reçoivent pas leurs offrandes funéraires. Ils forment une classe d’êtres spéciaux, les mauvais utukkii, qui voguent entre ciel et terre à la poursuite des vivants. On les rangeait en sept grandes catégories, qui se dédoublaient chacune en deux groupes, la méchanceté était leur essence, ils répandaient sur le monde les maladies et les fléaux, les magiciens cherchaientà les conjurer. Paul Dhorme, Le divin dans la Religion assyro-habylonienne, dans Revue des sciences philos. etthéoL, t. III (1909), p.^yô.

Pour ne pas trop allonger cet article, nous ne poursuivrons pas l’histoire des démons dans les autres religions et les autres pays depuis les anciennes littératures jusqu’aux récits des missionnaires, ni dans les fantaisies de la magie et de la Kabbale, ni tout particulièrement chez les Pères et les théologiens, ni dans l’iconographie et la sculpture ; il nous suffit d’avoir montré, par l’exemple de la Ghaldée, que les Israélites à toute époque, ont été entoiu-és de peuples qui craignaient et adoraient de nombreux démons, et, par l’exemple des plus anciens auteurs grecs, que les faits révélés ou traditionnels pourraient être suivis, malgré leurs déformations, dans les diverses littératures. Il est donc inexact que les Hébreux n’aient connu les démons qu’après la captivité : ils les ont connus de tout temps, c’est la révélation et les précautions prises par les écrivains sacrés dans la rédaction des événements, qui ont préservé les seuls Juifs, pendant très longtemps, de la crainte et du culte dégradant des démons.

II. Théologie. — I. Définitions de l’Eglise.

1. // r a des démons et ils ont été créés par Dieu, car Dieu a créé toutes choses, spirituelles et corporelles ; ils ont été créés bons et sont devenus mauvais par leur faute :

(Deus) sua oninipotenti virtute simul ab initio temporis iitramque de nihilo condidit creaturaiii, spiritualem et corporalem, angelicam videlicet et niundanain… Diabolus enim et alii dæmones a Deo quidem natura creati sunt boni, sed ipsi per se facti sunt mali. Conc. Lat. IV (1215), cap. I ; dans Denzinger, Eitchiridion, 428 (355). Le concile du Vatican fl8()’.)-1870) a renouvelé la première jiartie de cette définition, Ibid., 1804, 1805 (1651-1652}.

2. C’est le démon qui a porté l’homme au péché.

— Adam, pour avoir transgressé l’ordre de Dieu, a perdu aussitôt la sainteté dans laquelle il avait été établi, il a été captivé par le démon et sa faute a rejailli SUT ses descendants :

Homo vero diaboli suggestione peccavit (Lateran. IV, Ibid., I128 (355)). — Si quis non confitetur, [)rimuni liominem Adam, cuni mandatum Dci in paradiso fuisset transgressus, statim sanctitatem etjustitiam, in qua constitutus fuerat, aniisisse, incurrisseque per ofTensam prævaricationis hujusniodi iram et indignationcm Dei atque ideo mortem, qiiani antea illi comniinatus fuerat Deus, et cum morte captivitatem sub ejus polestate, qui niortis deinde habuit iuiperium, hoc est diaboli, totumque Adam per illam prævaricationis offensani secundum corpus et animani in deterius commutatum fuisse : analheina sit. — Si quis Adæ prævaricationem sibi soli, et non ejus propagini asserit nocuisse… anathcma sit (Conc. Trid., sess. v, Ibid., 788, 789 (G70, 671)}.

3. Les démons sont soumis à Dieu ; le diable est un ange déchu, il n’a rien créé, ni le tonnerre et la foudre, ni le corps humain et la chair ; il n’exerce pas un pouvoir discrétionnaire sur la nature. En effet, parmi les erreurs de Jean Wicleff condamnées par le Concile de Constance, le 4 niai ll^lb, se trouve la proposition suivante : Deus débet obedire diabolo, Ibid., 586 (482). De plus au Concile de Braga, en 561,

les évêques espagnols ont porté les anathématismes suivants contre Manès et Priscillien :

(7) Si quis dicit, diabolum non fuisse prius bonum angelum a Deo factum nec Dei opificium fuisse naturam ejus, sed dicit eum ex tenebris eniersisse nec aliquem sui liabere auctorem, sed ipsuni esse principium atque substantiam mali, sicut Manichæus et Priscillianus dixerunt, anathema sit. — (8) Si quis crédit, quia aliquantas in mundo creaturas diabolus fecerit et tonitrua el fulgura et tempestales et siccitates ipse diabolus sua aucloritate faciat, sicut Priscillianus dixit, an. sit. — (12) Si quis plasmationem liumani corporis diaboli dicit esse figmentum et conceptiones in uteris matrum operibus dicit dæmonum figurari, propter quod et resurrectionem carnis non crédit, sicut Man. et Prise, dixerunt, an. sit. — ( 13) Si quis dicit creationcni universæ carnis non opificium Dei, sed malignorum esse angelorum, sicut Prise, dixit, an. sit. Ibid., 237, 238, 242, 243.

Un édit de l’empereur Justinien (Mansi, Concilia, IX, col. 488-534 ; Migne, P. G., t. LXXXVI, col. 945993), qui fut souscrit par le pape, les patriarches et un certain nombre d’évêques, portait, contre Origène et ses sectateurs, dix anathèmes, Mansi, IX, 534, qui semblent avoir été repris par le concile de Constantinople de 553. Dans des réunions tenues avant le concile, on a condamné en effet les propositions suivantes des Origénistes : (2) Des âmes préexistantes, égales, lasses de contempler Dieu, se portent vers le mal, chacune selon son penchant et prennent des corps plus ou moins subtils. (4) Les démons sont celles de ces âmes qui ont atteint le plus haut degré de malice et qui ont été liées à des corps froids et ténébreux. (5) Un homme peut être changé en ange ou en démon, et un animal en démon ou en homme. (6) Il y a deux catégories de démons, dont l’une formée des âmes humaines et l’autre des meilleurs esprits déchus. (12) Les anges, les hommes, le démon, les mauvais esprits et l’àme du Christ elle-même seront réunis au Verbe dans le futur royaume de Dieu ; Mansi, Concilia, t. IX, col. 396-400.

4. La peine des démons est éternelle. — Ceci résulte des canons portés en 543 contre les Origénistes :

(7) Si quis dicit aut sentit, Dominum Christum in futuro sæculo crucifixum iri pro dæmonibus, sicut et pro hominibus, an. sit. — (9) Si quis dicit aut sentit, ad tenipus esse dæmonum et iuipiorum hominum suppliciuni, ejusque finem aliquando futurum, sive restitutionem et redintegrationcni fore dæmonum aut impiorum hominum, an. sit. Enchiridion, 208, 211.

Les points définis sont donc relativement peu nombreux ; les théologiens ont toute liberté de discussion sur la nature et l’objet du péché des mauvais anges, la date de leur chute qui est cependant antérieure à la création de l’homme, leur nombre, leur rang, leur condition après leur chute et la nature de leur peine.

II. Sentiment commun des théologiens.

1. Chute des mauais anges. — Les anges, créés bons en plusieurs classes, sont tombés par orgueil. Quant à l’objet du péché d’orgueil, les opinions diffèrent. S. Thomas suppose Cque le démon a aouIu être semblable à Dieu, en voulant parvenir de lui-même à sa béatitude naturelle et en détournant son désir de la béatitude surnaturelle qui provient de la grâce de Dieu ; ou, s’il désirait comme fin dernière cette ressemblance à Dieu qui est donnée pai* la grâce, il voulait l’obtenir par la force de sa nature et non du secours divin ; I », qu. 63, art. 3. Pour d’autres, Lucifer a pu désirer égaler Dieu, non d’un vouloir efficace, mais d’un simple désir de concupiscence ; il a désiré son avantage, la béatitude, d’une façon immodérée et désordonnée. Il a poussé l’amour