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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/485

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DIEU

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sance de l’être implique la nécessité de l’option ; l’être dans la connaissance n’est pas avant, mais après la liberté du choix. » (P. 4^5-’^ 36.) C’est la même doctrine que Ion retrouve chez M. Laberthonnière ; l’exposé qu’il en fait laisse voir les points vulnérables :

« Il n’y a point de preuves abstraites ayant

par elles-mêmes une efficacité inéluctable pour faire croire en Dieu. Et vraiment c’est chose évidente. Et à ceux qui prétendraient le contraire, nous ferons constater que malgré toutes leurs preuves il existe des athées. » Laberthonnière, Essais de Philosophie religieuse, 2^ éd., Paris, 1908, p. 77, note. — Le fait qu’une démonstration n’est pas acceptée de tous serait-il donc une preuve de son inefficacité ?e confondons pas efficacité et efficience, la possibilité d’être connu et le fait d’être connu, le droit et le fait, l’essence et l’existence, une faculté et son exercice. Des arguments de réelle valeur, comme des personnalités très hautes, peuvent être méconnus. On ne voit pas ce que vient faire en pareille matière le suffrage universel. Une preuve peut n’être pas saisie par tous, parce qu’elle est difficile en soi (cf. Il" part., ch. II, n" i) ou pai"ce que des préjugés et des dispositions morales contraires nous empêchent de l’étudier comme il convient et d’en percevoir la vraie valeur. Bien plus, certains sophistes n’ont-ils pas nié le principe de contradiction comme loi du réel ? A quoi Aristote se contentait de répondre : « Tout ce qu’on dit, il n’est pas nécessaire qu’on le pense. » {Met., 1. IV, c. 3.) — M. Laberthonnière continue :

« La certitude (de l’existence de Dieu) qu’on peut

avoir et qu’on doit avoir est une certitude qu’on acquiert par un effort de Tàme tout entière, et non seulement en raisonnant, mais en vivant et en agissant. Et quand on l’a, -<|uand par elle on a orienté sa vie vers la lumière, on peut aider les autres à l’acquérir et on le doit ; mais on ne peut la leur imposer : car elle ne s’impose pas du dehors, et elle ne vaut justement que parce qu’elle est personnelle et dans la mesure où l’on a concouru à se la donner à soimême. » (fbid., p. 78, note.) On voit que, selon M. Laberthonnière, l’effort de l’àme pour écarter les dispositions morales qui nous empéclient de considérer la preuve et d’en percevoir la vraie valeur, n’est pas seulement r-emovens pvohihens^ il ne consiste pas seulement non plus dans l’attention volontaire qui applique l’intelligence à la considération de la preuve, mais il joue un rôle spécificateur dans l’adhésion même, ajoute quelque chose aux procédés de démonstration qui objectivement sont insuffisants. En d’autres termes, la certitude dont parle ici M. Laberthonnière n’est plus celle de l’intelligence qui se sait en conformité avec la chose qu’elle a.llirnie(’e ri tas per confurniitatem ad rem), mais c’est celle de l’intelligence qui se sait en conformité avec la bonne volonté, veritas per conformitateni adappetitum /ec/ » / », disaient Akistote {Elhic, 1. VI, c. Il) et S. Thomas (Suninia Tkeol., la iiae^ q. 5^^ a. 5^ ad 3""’). Selon l’Ecole, cette espèce de certitude s’appelle c(’/7//H(/t’pralico-pralique, et n’a sa place ni dans la mélapli}’si((ue, ni dans aucune science spéculative, pas même dans la science morale, mais dans la prudence à l’égard des faits contingents dont il faut déterminer la mesure entre l’excès et le défaut, (k’tte certitude pralico-pratique suppose en effet la certitude spéculative des principes par rapports aux<piels la volonté est dite volonté droite, ou bonne volonté. De plus, cette vérité pratique, qui est la conformité avec la volonté droite, peut être en désaccord avec le réel. Tous les jours, des gens plus honnêtes qu’intelligents, avec la meilleure intention du monde et une parfaite bonne foi, soutiennent des ])ropositions spéculativement fausses. — Nous ne faisons pas de difficulté pour reconnaître que ce

genre de certitude expérimentale se retrouve aussi dans les dons du Saint-Esprit (don de sagesse, don d’intelligence), mais ces dons supposent la foi et la charité. S. Thomas, et toute la théologie avec lui, distingue la sagesse spéculative et la sagesse expérimentale ou le don de sagesse. « La sagesse, dit-il, implique une rectitude de jugement conforme aux raisons divines. Or la rectitude de jugement peut provenir de deux causes : 1° elle peut résulter de l’usage parfait de la raison ; 2*’elle peut être le fruit d’une certaine conformité de nature que l’on a avec les choses que l’on doit juger. Par exemple pour ce qui regarde la chasteté, celui qui a appris la morale en juge d’après les lumières de sa raison ; mais celui qui a l’habitude de cette vertu en juge sainement par suite de la conformité de nsiinve l connaturaiitas) qvCiX a avec elle. Par conséquent, à l’égard des choses divines, il appartient à la sagesse, qui est une vertu intellectuelle, d’en juger sainement par la recherche intellectuelle ; mais s’il s’agit d’en juger d’après une certaine conformité de nature avec elles, ceci appartient à la sagesse qui est un don du Saint-Esprit. C’est ce qui fait dire à Denys (De diw nom., c. 2) que Hiérothée était arrivé à la perfection dans les choses de Dieu, non seulement en les apprenant mais encore en les expérimentant. 710n soluni discens sed et patiens di-iiia. Cette sorte de passivité ou de conformité de nature avec les choses divines est l effet de la Charité qui nous unit à Dieu, suivant cette parole de l’Apôtre (I Cor., iv, 17) : Celui qui s’attache à Dieu ne fait qu’un esprit a-ec lui. Par conséquent la sagesse, qui est un don, a dans la volonté sa cause qui est la charité, mais elle a son essence dans l’intellect, dont l’acte propre est de juger sainement. » 11^ IP% q. 4-^, ^- 2. Tel est le véritable pragmatisme, qui se moque du pragmatisme. La nature de ce jugement per moduni inclinationis connaturalis a été longuement étudiée par Jean de Saint-Tiiomas, Cursus Théologiens in IP™ 11^-", disp. 18, a. 4> dans ses belles dissertations sur le don de sagesse. Dans cette connaissance expérimentale des choses de Dieu, non seulement la volonté applique l’intelligence à considérer les choses divines de préférence à toutes les autres (ordre d’exercice), mais du fait que cette volonté est foncièrement et divinement rectifiée par la foi et la charité, les choses divines apparaissent à l’intelligence comme conformes au sujet, bonnes pour lui, et d’autant meilleures que la charité est jilus intense, s-raies enfin puisqu’elles répondent pleinement aux désirs les plus foncièrement rectifiés par la lumière divine de la foi qui s’appuie sur l’autorité même de Dieu proposée par l’Eglise. « Sic amor transit in conditionem ohjecti », dit Jean de Saint-Thomas, la charité colore l’objet d’un reflet divin. — Mais, de grâce, ne confondons pas cette expérience religieuse des dons, cpii suppose la charité, avec la foi qui est supi)osée par la charité, et surtout avec la connaissance natiuelle de Dieu, qui est encore antérieure à la foi surualurelle. — S’il y a dans l’ordre naturel une certitude expérimentale analogue, elle supi)Ose la certitude du sens commun ou de la raison sjiontanée, <|ui, elle, n’est pas expérimentale et ne diffère de celle des preuves classiques que par ce qui sépare l’implicite de Texplicite. — On voit enfin que pour M. Lauehtiionnière l’aflirnuiliou de l’existence de Dieu est une affirmation libre. Selon une pareille conception, eonune le remarque M. Cuossat (col. 867), c’est encore librement qu’on adhère à l’existence du devoir. Est obligé qui le veut bien. — Il ne faut donc pas s’étonner que, wnv avoir cette certitude de l’existence de Dieu, un secours surnaturel soit indispensable (Laberthonnière, Essai de Plul. ri’lig., p. 317), ’( non pas, écrit M. Iîlonuel, que le