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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/487

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DIEU

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démonstration non pas scientifique au sens moderne du mot, mais philosophique ou métaphysique. (Cf. ZiGLiARA, Suiiitna Philosopliica, t. I, p. 107.) Et si l’on remarque avec Aristote que la science ne se distingue vraiment de la connaissance vulgaire et n’est vraiment science que lorsqu’elle assigne le pourquoi ou la raison d’être nécessaire de ce qu’elle aflirme, on verra que la métaphysique mérite bien plus le nom de science que les sciences positives. « Scire simpîiciter est cognoscere causant propter quant res est et non potest aliter se habere. » (Post. Analyt., 1. 1, Comment, de S. Thomas, leç. 40 Les sciences positives ne parviennent pas à donner ce propter quid, cette raison d’être qui rendrait intelligibles les lois, qui ne sont après tout cjue des faits généraux. Pour employer une expression d’Aristote, elles restent des sciences du quia, c’est-à-dire qu’elles constatent que le fait est, sans pouvoir l’expliquer, sans pouvoir dire pourquoi le fait se passe ainsi et non pas autrement. Les procédés d’induction, qui reposent tous sur le principe de causalité, permettent de déterminer avec une certitude physique que la dilatation du fer a pour cause la chaleur, mais nous ne voyons pas pourquoi cet effet fait appel à cette cause plutôt qu’à une autre, nous ne dégageons le phénomène antécédent que par des procédés empiriques et extrinsèques, et cela parce que nous ignorons la raison d’être spécifique et de la chaleur et du fer. Dès que la science positive veut dépasser les faits généraux ou les lois, pour atteindre les raisons des lois, elle ne peut fournir que des hypothèses provisoires, qui sont bien moins des explications que des représentations commodes pour classer les faits. (Cf. travaux de MM.H. Poing are et Duhem.) On constate que tous les corps tombent en parcourant des espaces proportionnels aux carrés des temps, voilà le fait général ou la loi, mais quelle est la force qui fait ainsi tomber les corps, sont-ils poussés les uns vers les autres où s’attirent-ils mutuellement ? Comment concevoir celle attraction ? Mystère. On formule les lois de la propagation de la lumière, mais qu’est-ce que la lumière ? Est-elle une ondulation d’un milieu impondérable, l’éther, ou un courant extrêmement rapide de matière impalpable ? Aucune des deux hypothèses ne prétend être la vraie et exclure l’autre comme fausse, il importe seulement de classer plus ou moins commodément les phénomènes. — La part d’intelligibilité qui se trouve dans les sciences positives leur vient de l’application qu’elles font des principes métaphysiques de raison d’être, de causalité, d’induction, de Ônalité. Leur objet, parce qu’il est essenliellement matériel et instable, disait Aristote, est avix frontières de l’être, et par conséquent de l’intelligibilité (Phys., 1. 11, c. 1, et 1. VI, c. i). Les choses accessibles à nos sens sont peu intelligibles en soi. C’est le domaine de l’hypothèse, de l’opinion, Sd^y., disait Platon ; le monde intelligible est seul objet de la science véritable, irt^zc/xr,. — En effet la certitude proprement scienlilique grandit dans la mesure où ce qu’on adirme se rapproche davantage des premiers principes qui sont comme la structure même de la raison, principe d’identité impliqué dans l’idée, de toutes la plus simple et la i)lus universelle, l’idée d’être, principes de contradiction, de raison d’être, de causalité, de finalité. Si le principe d’identité et de non-contradiction n’est pas seulement loi de la pensée mais aussi loi de l’être, si les autres principes se rattachent nécessairement à lui (sous peine de tomber dans l’absurde), toute aflirmalion qui leur sera elle-même néccssairemenl rattachée sera inétuphrsiquement ou absolument certaine, sa négation impliquera contradiction. Toute atlirmation, au contraire, qui ne peut s’appuyer que sur le témoignage des sens, n’a d’autre certitude que la certitude physique, et toute allirmation

qui ne s’appuie cjue sur le témoignage humain n’a qu’une certitude morale. C’est pourquoi, selon la philosopliie traditionnelle, la métaphysique, ou science de l’être en tant qu’être et des premiers principes de l’être, mérite le nom de science suprême, elle est plus science que les autres sciences. La démonstration de l’existence de Dieu doit donc être plus rigoureuse en soi que ce qu’on a coutume d’appeler aujourd’hui une démonstration scientifique. Elle ne doit pas seulement établir par des procédés extrinsèques que le monde a besoin d’une cause infiniment parfaite, elle doit dire pourquoi il a besoin de cette cause et non pas d’une autre. De plus cette raison ne doit pas être provisoire mais définitive ; elle doit se rattacher nécessairement au principe suprême de notre intelligence et à notre toute première idée, l’idée d’être.

Cette démonstration, plus rigoureuse et plus certaine en f : oi que les démonstrations empiriques, sera cependant moins facilement saisissable quoad nos, au moins sous sa forme savante. Selon la remarque d’AuisTOTE (Met., 1. I, Comm. de S. Thomas, leç. 2 ; Met., l. 11, leç. 5, — 1. Yl, leç. i), les réalités sensibles sont plus diflicilement connaissables en soi parce qu’elles sont matérielles et instables (la matière répugne à l’intelligibilité qui demande à en faire abstraction), mais elles sont plus facilement connaissables pour nous, parce qu’elles sont objet d’intuition sensible et parce que nos idées viennent des sens. Les vérités métaphysiques et les réalités purement intelligibles, tout en étant plus connaissables en soi, sont plus difliciles à connaître pour nous, parce que l’intuition sensible ne les atteint pas, l’image qui accompagne l’idée est ici extrêmement déficiente, et l’idée elle-même qui vient des sens ne peut exprimer la réalité purement intelligible que par analogie.

— Entre les sciences physiques (qui abstraient seulement de la matière individuelle et considèrent la matière commune, ex. : les qualités sensibles, non pas de telle molécule deau, mais de l’eau) et la métaphysique (qui abstrait de toute matière), il est une science, la mathématiqtie (qui abstrait des qualités sensibles et considère la quantité continue ou discrète), elle participe à la rigueur absolue de la métaphysique et à la facilité des sciences phjsiques, parce que son objet propre, la quantité, d’une part peut en soi se définir intellectuellement et immuablement, et d autre part peut s’exprimer adéquatement par nos idées venues des sens, et se traduire par des images proportionnées. Ce n’est encore qu’un aspect superficiel de l’être, bien différent évidemment de l’être en tant qu’être, objet de la métaphjsique. On ne peut prétendre donner une démonstration mathématique de lexislence de Dieu ; la définition nominale de Dieu nous ajiprend que s’il existe. Il n’est pas de Tordre de la quanlilé, qu’il est cause première el fin dernière, deux aspects de la causalité que la mathématique néglige pour ne considérer que la cause formelle dans l’ordre du quantum. — Notre ilémonstrationsera donc plus rigoureuse en soi qu’une démonstration empirique, mais elle ne sera pas si facilement saisissable qu’une démonstration mathématique ; pour en saisir la vraie valeur, il faudra une certaine culture philosophique, et des dispositions morales contraires pourront empêcher d’en percevoir l’ellicacité. — Quidam non recipiunt quod eis dicitur, nisi eis dicaiur per modum mathematicum. Alii l’C/o sunt qui nihil solunt recipere nisi proponatur eis aliquod sensibile : illud enim quod est consuetum est nobis magis notum quia consuetudo vertitur in naturam. Et ostendit Aristoteles quod non eadem certitudo quæri débet in phvsicis, in mathcmaticis et in metaphysicis. S. Tho-M. vs, // ; // Met., leç. 5.

Cette dilTiculté relative à nous n’existe d’ailleurs