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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/519

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DIEU

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et incompréhensible (I^ q. 12, a. 4 et 8). — Nous verrons qu’à cette quatrième voie se ramènent la preuve par les vérités éternelles qui conclut à l’existence d’une Vérité suprême, et aussi celles par le désir du bien absolu et par le caractère oblii, ^atoire du bien honnête, qui concluent au Souverain Bien, source de tout bonheur et fondement de tout devoir.

La cinquième preuve précise la précédente, elle a pour point de départ vme multiplicité non pas quelconque, mais une multiplicité ordonnée, l’ordre du monde. Elle prétend conclure à une unité non pas quelconque, mais à une unité de conception, à une intelligence ordonnatrice. Elle peut partir de tout être dans lequel on trouvera une partie ordonnée à une autre, ne fût-ce que l’essence ordonnée à l’existence, l’intelligence ordonnée à son acte (potentia dicitur ad actum). — Par cette cinquième preuve, la cause première dont l’existence est déjà prouvée apparaîtra comme une intelligence suprême. — De cette intelligence considérée comme attribut de l’Etre même (la, q. 14) a- 0’se déduira la Sagesse et la Prescience (I », q. 14 en entier), la Volonté ((j. 19), la Providence ([’, q, 22). — Cette dernière voie, qui est un argument populaire, peut paraître plus simple que la précédente, en réalité elle la suppose, et de toutes c’est peut-être celle qui, en rigueur métaphysique, se ramène le plus difficilement à nos premiers principes rationnels, à cause de sa complexité. C’est probablement pour cette raison que S. Thomas la présente en dernier lieu.

Ainsi donc, d’une façon générale, le contingent (ce qui, par définition, peut exister ou ne pas exister) exige un être nécessaire (3"^ preuve) ; le mouvement, qui est l’incarnation la plus sensible de la contingence, exige un moteur immobile (1" preuve) ; l’être causé exige l’être non causé {"i" preuve) ; le multiple suppose l’un, le composé suppose le simple et l’imparfait le parfait (4^ preuve) ; une multiplicité ordonnée exige une intelligence ordonnatrice (5<^ preuve). — Or l’être nécessaire, premier moteur, première cause, absolument un, simple, parfait, intelligent, est l’être qui répond à l’idée qu’éveille en nous le mot Dieu (définition nominale) ; donc Dieu est.

De chacun des cinq prédicats divins auxquels on va aboutir, on pourra passer à l’être dont l’essence est identique à l’existence et qui pour cette raison est l’Etre même (I « , q. 3, a. 4)- Là s’achèvera vraiment la preuve de V existence de Dieu. Il restera à étudier la nature de Dieu, et Y Ipsum esse suhsistens deviendra le point de départ de la déduction des attributs divins. Nous verrons ainsi, comme l’a établi le Père del Prado, O. P., dans son traité de Verilate fundamentali philosophiæ christianæ (Fribourg-Suisse, 1899-1906), que la vérité suprême, non pas de l’ordre analytique ou d’invention, mais de l’ordre synthétique ou déductif, celle qui répond à nos derniers pourquoi sur Dieu et sur le monde, est : In solo Deo essentia et esse sunl idem, la définition même de Dieu : « Je suis celui qui est. w Ce sera la suprême réi)onse aux dernières questions métaphysiques : pourquoi y a-t-il un seul être incréé, immuable, infini, al)solument parfait, souverainement bon, omniscient, libre de créer, etc. ; pourquoi tous les autres cires ont-ils dû recevoir de Lui tout ce qu’ils sont et doivent-ils attendre de Lui tout ce qu’ils désirent et peuvent être ? Cette proposition

« fn solo Deo essentia et esse sunt idem » sera

ainsi la clef de voûte du traité de Dieu, le terme de la dialectique ascendante qui s’élève à Dieu, le i » oint de départ de la dialectique descendante qui part de Dieu.

2" Pi’euve générale qui englobe toutes les autres. Son principe : le plus ne peut sortir du

moins. Le supérieur seul explique l’inférieur.

— Avant d’exposer chacune de ces cinq preuves-types, nous donnerons une preuve générale qui les englobe toutes et qui, croyons-nous, représente le mieux la démarche essentielle du sens commun lorsqu’il s’élève à Dieu. Le principe de cette preuve générale : « le plus ne sort pas du moins », condense en effet en une seule formule les principes sur lesquels reposent nos cinq preuves-types : le devenir ne peut provenir que de lêtre déterminé, l’être causé que de l’être non causé, le contingent que du nécessaire, l’imparfait, le composé, le multiple que du parfait, du simple, de l’un, l’ordre que d’une intelligence. Les principes des trois premières preuves mettent surtout en relief la dépendance du monde à l’égard d’une cause, les principes des deux dernières insistent sui* la supériorité et la perfection de cette cause ; tous se résument donc en cette formule : « Le plus ne sort pas du moins, le supérieur seul explique l’inférieur. »

Cette preuve généx’ale demandera à être précisée scientifiquement par les cinq autres ; mais tout en restant en elle-même un peu confuse, elle est forte de la force de toutes les autres réunies. En elle nous voyons se réaliser ce que les théologiens enseignent de la connaissance naturelle de Dieu. « Quoique l’existence de Dieu ait besoin d’être démontrée, dit ScHEEBKX (Dogmatique, II, n" 29), il ne s’ensuit point que sa certitude ne soit que le résultat d’une preuve scientifique, réllexe et consciente, fondée sur nos propres recherches ou sur l’enseignement d’autrui, ou que sa certitude dépende de la perfection scientifique de la preuve. Au contraire, la preuve nécessaire à tout homme pour acquérir une pleine certitude est si facile et si claire, qu’on s’aperçoit à peine du procédé logique qu’elle implique, et que les preuves scientifiquement développées, bien loin de donner à l’homme la première certitude de l’existence de Dieu, ne font qu’éclairciret consolider celle qui existe déjà. Déplus, comme la preuve, dans sa forme originelle, se présente en quelque sorte comme une démonstration ad oculos et trouve de l’écho dans les plus profonds replis de la nature raisonnable de l’homme, elle fonde, à ce titre, une conviction plus forte et plus inébranlable que n’importe quelle conviction artificiellement obtenue, et ne peut être ébranlée par aucune objection scientifique. » Ainsi se vérifient les paroles de l’Ecriture, qui accuse les païens non pas d’avoir négligé les études nécessaires pour parvenir à la connaissance de Dieu, mais d’avoir violemment opprimé la vérité divine qui se découvi-e manifestement à l’homme. Itom., i, 18, 11, 14. La négation de Dieu est une offense à la nature, iJ.v-a.ioi ^Ù7ît. Sagesse, xiii, 1. et une offense à la raison : Ps. xiii, « Dixit insipiens in corde suo : non est Deus ».

Cette preuve générale peut être exposée comme il suit :

Nous constatons des êtres et des faits de différents ordres : ordre physique inanimé (les minéraux), ordre de la vie végétative (les plantes), ordre de la vie sensitive (les animaux), ordre de la vie intellecluclle et morale (l’homme). Tous ces êtres naissent et meurent, leur activité a un commencement et un terme ; ils n’existent donc pas par eux-mêmes. Quelle est leur cause ?

S’il y a aujourd’hui des êtres, il faut que dès toujours il y ait eu quelque chose ; « si un seul point du tenq)S rien n’est, éternellement rien ne sera » (e.r nihilo nihil fit, le néant ne peut être raison ou cause de l’être ; principe de causalité). — Et il importe assez peu que la série des êtres corrui)til)les ait eu ou n’ait pas eu de commencement ; si elle est éternelle, elle est éternellement insuffisante : les êtres corrup-