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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/521

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mation que le plus sort du moins, Têtre tlu néant, l’esprit de la matière. Hegel ne fait pas non plus de iliiriculté pour l’admettre, puisque pour lui le principe de contradiction est sans portée objective, l’être et le non être sont identiques.

De nombreux positivistes, comme H.eckel, s’inclinent devant le principe que le plus ne sort pas du moins, mais ils nient la supériorité de la vie, de la sensation, de la pensée, qui ne sont pour eux que la résultante des forces physiques convenablement combinées. La matière primitive, en ellet, disent-ils, n’est pas seulement la matière pondérable inerte et passive, c’est aussi l’éther, matière impondcraJjle, éternellement en mouvement. L’atome, qui se porte vers un autre atome, n’est pas sans posséder un rudiment de sentiment et d’inclination, c’est-à-dire un conimencement d’àme. Il en faut dire autant des molécules, qui sont composées de deux ou plusieurs atomes, ainsi que des composés de plus en plus complexes de ces molécules. Le mode de ces combinaisons est purement mécanique ; mais en vertu du mécanisme même, l’élément psycliique des choses se complique et se diversilie avec leurs éléments matériels. Cf. iï.ECKEL, Les Enigmes de l’L’nn-ers, c. xii, et la critique de ce système par E. BouTuoux, Science l’t Religion, p. iSg. De ce point de vue la contemplation philosophique ou religieuse n’est pas d’ordre supérieur aux fonctions du foie ou des reins. Ces positivistes-matérialistes sont encore réduits à dire que l’harmonie des lois de la nature n’a aucune cause intelligente, qu’elle est l’elFet du hasard ou d’une nécessité aveugle. Ils ont allégué en faveur de leur thèse les principes de la physique moderne, particulièrement le principe de la conservation de la force, dont l’énoncé vulgaire est que « rien ne se perd, rien ne se crée)>. Si rien ne se perd ni ne se crée, l’être vivant, l’être pensant ne peuvent que dépenser et restituer strictement les énergies motrices reçues du dehors, non seulement sans rien ajouter en quantité, mais même sans en modifier, de leur spontanéité propre, les directions fatales, car pour changer la direction d’une force il faut une force, et il ne s’en crée point ; la somme de force universelle est donnée, soit de toute éternité, soit dès l’origine des choses. La vie intellectuelle et morale n’est qu’un reflet de la vie physique. Cf. art. Ame.

Dans sa thèse sur la Contingence des lois de la nature (iS-j^) » M. E. BouTRoux répondit à cette objection en montrant que la conservation de la force, bien loin de pouvoir être alléguée comme une nécessité primordiale et universelle qui expliquerait tout le reste, n’est elle-même qu’une loi contingente et partielle, qui a besoin d’une cause. Contingente : « Les lois physiques et chimiques les plus élémentaires et le^ plus générales énoncent des rapports entre des dioses tellement hétérogènes, qu’il est impossible de dire que le conséquent soit proi)ortionnel à l’antécédent et en résulte, à ce titre, comme l’elfet résulte de sa cause… Il n’y a là pour nous que des liaisons données dans l’expérience, et contingentes comme idle… La quantité d’action physirpie peut augmenter ou diminuer dans l’univers ou dans des portions de l’univers. » (S’édit., p. 74.) Cette loi de la conservation de la force n’est pas une vérité nécessaire, une loi suprême à laquelle la nature serait enchaînée ; conlingenle, elle a besoin d’une cause. Fàl-elle d’ailleurs une loi nécessaire comme le principe de contradiction, elle n’expliquerait pas l’existence même de la nature, l’existence des êtres dans lesquels elle se réalise et qui peuvent être conçus comme n’existant pas. — De plus, ce n’est qu’une loi partielle, l’homme la constate dans un ordre déterminé, dans le domaine de la piiysique et de la chimie, et même

dans ce monde inorganique la vérification n’est-elle qu’approximative. « Gomment prouver que nulle part les phénomènes physiques ne sont détournés du cours ([ui leur est propre par une intervention supérieure’.’» (BouTuoux, ibid., p. 85.) La loi n’est vraie que d’un système clos, soustrait à toute action extérieure, en lui la somme de l’énergie potentielle et do l’énergie actuelle demeure constante ; mais comment prouver que l’univers physique est un système clos ? (Col. io33 et art. Déteumi.xisme.) — Dans le domaine biologique, la vérification de cette loi est impassible,

« il faudrait pouvoir mesurer un nombre infiniment

grand d’infiniment petits » (Rabiek, Psychologie, p. b’i'à). — Quant à étendre cette loi au monde de l’esprit, c’est une hypothèse, non seulement invérifiable, mais absolument gratuite. « Non seulement il n’est pas nécessaire que le monde de l’esprit soit régi par les mêmes lois que le monde du corps, mais il serait bien extraordinaire qu’étant de nature dilTérente, il n’eût pas ses lois propres, s (Mgr d’Hulst, Confér. de Notre-Dame, ’891, p. 396.)

La même thèse sur la Contingence des lois établissait également qu’il n’est point de nécessité inhérente aux forces physico-chimiques, en vertu de laquelle elles doivent produire cette combinaison qui a pour résultat la vie, la sensation, l’intelligence. Contingente, la réalisation de ces formes supérieures ; elh^ exige donc une cause et une cause différente des lois physico-chimiques. L’univers se présente sous l’as[)ect d’une hiérarchie de natures, dont les degrés supérieurs ne peuvent être conçus comme une simple production ou promotion de l’inférieur. Ainsi se confirme la preuve générale traditionnelle qui n’a rien perdu de sa valeur.

Les cinq preuves types de S. Thomas vont maintenant préciser et défendre scientifiquement, c’est-à-dire ici métaphysiquement, cette preuve générale.

3^^ Pï’euve par le mouvement. — A. La preuve.

— B. Objections. — C. Conséquences de la preuve.

A. La Preuve. — Nous exposerons d’abord cette preuve dans toute sa généralité, en partant du mouvement comme mouvement ( « ), nous l’appliquerons ensuite au mouvement physique (b), puis au mouvement spirituel (t). (Sur cette preuve, voir Aristote, Physique, 1. VII ; Comm. de S. Thomas, leç. i, 2 ; l. VIU, leç. 9, 12, 13, 23. Jean de S. Thomas, Cursus philosophicus ; Philosophiæ naturulis, q. i ! , a. 3, et Cursus Théologiens in 1’"', q. 2, a. 3.)

u. — Prise dans toute son universalité, cette preuve prétend établir l’existence d’un être immobile à tout point de vue et par là même incréé, car pour tout être créé, il y a au moins le passage du non-être à l’être, qui s’oppose à l’immutabilité absolue.

Le point de départ est l’existence du mouvement ou de la mutation, sans préciser mutation substantielle ou accidentelle, mouvement spirituel ou sensible, mouvement local, ipialitatif ou d’accroissement. U n’est pas nécessaire non i)Ius de supposer contre le panthéisme une pluralité de substances distinctes. Il suffit d’admettre l’existence d’un mouvement quelconque cl de l’étudier comme mouvement. Cette existence s’impose à l’expérience externe et interne ; si ZÉNO.v a montré l’impossibilité du mouvement, c’est seulement dans l’hypothèse gratuite et fausse que le continu est composé d indivisibles. Cf. Arist., Phys., 1. "VI ; sur la réfutation de Zenon par Aristote, cf. Bau-DiN, >i L’acte et la puissance », Revue Thomiste, 1899, p. 287-293.

De ce point de départ, on s’élève à un être absoh : ment immobile, à l’aide de deux principes : i" Tout ce qui est mû est mû par un autre ; 2° on ne peut

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