Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/523

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1029

DIEU

1030

dit le Concile du Vatican, sess. ni, c. i. Le premier moteur étant essentiellement immobile, supérieur au mouvement, est nécessairement distinct du monde corporel ou spirituel cpii, lui, est essentiellement changeant.

Bien plus, un pareil moteur doit exister par soi : cela seul peut agir par soi qui est par soi, operari sequitur esse et modus operandi modum essendi ; en d’autres termes, poiu- rendre compte par soi-même de l’être de son action, il faut avoir l’être par soi (la, q. 3. a. 1 et 2 ; q. 54, a. i et 2). Et enfin ce cpii est par soi doit être à l’être comme A est A (I^, q. 3, a. 4). Jpsnm esse stibsistens, pur être, pur acte, identité pure, opposée à l’absence d’identité qui est dans tout lieri ; ce dernier point sera d’ailleurs établi expressément a posteriori par la quatrième preuve.

Le principe d’identité apparaît dès maintenant, non plus seulement comme la loi suprême de la pensée, mais comme la loi suprême du réel. L’identité ici établie est celle d’immutabilité, la quatrième preuve établira celle plus profonde de simplicité.

b. — Pour soutenir l’imagination, on peut présenter la preuve par le mouA einent en prenant l’exemple de causes subordonnées donné par M. Sertillanges (Sources de la croyance en Dieu, p. 65) : « Un matelot porte une ancre à bord, le navire porte le matelot, le flot le naWre, la terre le flot, le soleil la terre, un centre inconnu le soleil. Mais après ?… On ne peut aller ainsi à l’infini dans la série des causes actuellement subordonnées. » Il faut une cause efficiente première, existant actuellement, d’où découle l’efficacité des autres. Inutile de remonter dans le passé la série des transformations de l’énergie qui a précédé l’état actuel de notre système solaire et de l’univers entier ; ces formes antérieures de l’énergie ne sont plus causes, elles étaient d’ailleurs transitoires et aussi indigentes que les formes actuelles, elles ont autant besoin d’explication ; si leur série est éternelle, elle est éternellement insuflisante. Il faut nécessairement admettre l’existence d’une cause non transitoire, immola in se permanens, non pas au connuencement de cette série, mais au-dessus, sorte de foyer permanent d’où s’échappe la vie de l’univers, source de tout devenir. Cette cause toute suflisante ne saurait être la matière, même si, avec les dynamistes, on la suppose douée d’énergie, de forces primitives essentielles. Ici en effet se pose une question, non pas physique, mais métaphysique. La physique, science particulière, considère la cause du mouvement en fonction du mouvement, il reste à considérer cette cause du point de vue métaphysique, en fonction de l’être. La question qui subsiste alors est la suivante : cette matière douée ti énergie est-elle un agent qui puisse rendre compte par lui-même de l’être de son action, c’est-à-dire un agent dont la puissance d’agir soit son activité même, per se primo a^ens.’(^, q. 3, a. 2, 3=* ratio, et q. 54, a i.) Impossible, car, nous venons de le voir, un pareil agent ne peut être sujet d’aucun devenir, et la matière est ce sujet par excellence.

c. — On peut prendre un autre exemple dans les mouvements spirituels, comme le fait S. Thomas I* II’», q.9, a. 4 al). « l’irumvoluntas moveatur aliquo e.rteriori principio. m Notre volonté commence à vouloir certaines clioses qu’auparavant elle ne voulait pas ; à la vérité elle se meut elle-même, in quantum per hoc quod vult finem, reducit seipsam ad s’olendum ea quæ sunl ad jinem : nous voulons ^oir le médecin pour guérir (cause finale), et voulant guérir nous décidons a|)rès dclibcralion de voir le médecin (cause efficiente) ; nuiis la volonté n’a pas toujours été un acte de ce vouloir supérieur de la fin, elle a commencé à vouloir la guérison parce que c’est un bien, mais ce vouloir actuel du bien est encore un acte distinct de la faculté

volilive ; notre Aolonté n’est pas un acte éternel d’amour du bien, de soi elle ne contient son premier acte qu’en puissance, quand il apparaît il est en elle quelque chose de nouveau, un devenir. Pour trouver la raison d’être réalisatrice de ce devenir et de l’èti^e même de cet acte, il faut remonter à un moteur supérieur qui soit son activité même, qui agisse par soi, et par conséquent qui existepar soi, qui soit l’Etre même. Seul l’Etre même peut rendre compte de l’être d’un devenir cpii n’est pas par soi. « Inde necesse est punere, quod in primuni mot uni s’oluntatis voluntas prodeat ex instinctu alicujus exterioris mosentis, ut Aristoteles concludit in Eth. Eudem. VII, c. 14. » I* 11*^, q. 9, a. 4-De même S. Thomas se demande, dans la I », q. 82, a. 4>ad. 3 si tout acte intellectuel suppose un acte de volonté appliquant l’intelligence à considérer. Il répond : « -Vo/i oportet procedere in infinitum, sed staturin intellectu, sicut in primo. Omnemenim’oluntalis mofum necesse est quod præcedat apprehensio, sed nonomnem apprehensionem præcedit motus volantatis : sed principium considerandi et intelligendi est aliquod intellecti-um principium altius intellectu nostro, quod est Deus, ut etiam Arislot. dicit in VII Ethic. Eudem : c. 14. Et per hune modum ostendit quod non est procedere in infînitum. » Voir aussi I^. q. 2, a. 3, ad 2"™ ; q. ^9, a. 4 ; q- loS, a. 5.

B. Objections. — Cette preuve a soulevé de nombreuses objections. Nous verrons d’abord celles qui portent contre la première proposition « quidquid mo’etur ab alio moie/f/r », cesont les plus importantes (rt). Nous examinerons ensuite celles qui nient la nécessité de s’arrêter à un premier dans la série des moteurs actuellement subordonnés (/>), et celles enfin qui portent directement contre notre conclusion et prétendent établir la répugnance intrinsèque d’un moteur immobile, ou la non identification de ce moteur avec le vrai Dieu (c).

a. — Le principe quidquid moetur ab alio moetur est contesté, pour ce qui est du mouvement physique, par nombre de physiciens modernes, mécanistes ( « ) ou dynamistes (î) ; pour ce qui est du mouvement spirituel, par quelques scolastiques, comme Suarez (y). Aujourd’hui, selon certains partisans de la philosophie du devenir, tels que M. Le Roy, cet axiome tirerait sa lucidité apparente d’une image spatiale et reposerait sur le postulat Imaginatif de la distinction substantielle des corps (ô).

Dans l’ordre pliysique, ce principe a soulevé des objections très différentes chez les mécanistes (a), chez les dynamistes (î).

c. — Pour les mécanistes qui procèdent de Descartes, et dans l’^jntiquité de Démocrite, le mouvement (ils entendent le mouvement local, le seul qu’ils admettent ) est une réalité distincte de l’étentlue, et, qui, restant toujours la même, enveloppe la matière étendue et passe d’un corps dans un autre. — Pour Démocrite, c’est un absolu connue la matière ; pour Descartes, Dieu à l’origine a versé une quantité inaugmentable de mouvement dans les choses, et le conserve comme il conserve les choses. Celte conception de uuthémalicien, qui rejette la question des rapports du uioun cmcnt avec l’être, celle par conséquent de l’origine du mouvement, pour ne considérer que ses transformations, est passée dans la physique moderne. Descaries en a très explicitement déduit le principe d’inertie : « Si une partie de matière est en repos, elle ne couuuence point à se mouvoir de soi ; mais lorsqu’elle a commencé une fois de se nu)Uvoir, nous n’avons aussi aucune raison de penser qu’elle doive jamais cesser de se mouvoir de même force pendant qu’elle ne rencontre rien qui retarde ou arrête son mouvement. » Principes, 11, 5’^ ; le Monde, Yll, Descartes ajoute même : « Tout corps qui se meut