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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/536

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DIEU

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excellente raison que notre intelligence le perçoit inimécliatenient dans Tétre, son objet formel. C’est de la pure lumière intellectuelle. Cette attribution analogique de l’intelligence à Dieu a la plus absolue rigueur : de même que la raison formelle d’existence est indépendante du mode créé (limite d’essence, mélange de potentialité), de même la raiso ?i formelle dintellection est indépendante du mode créé qui fait de l’intellection l’acte accidentel d’une puissance et la situe dans une catégorie, la catégorie « qualité », distincte de la catégorie « substance ». En Dieu, l’intellection est la nature même de Dieu, c’est-à-dire l’Etre même (la, q. 14, a. 2 et 4). Cette identification de l’être et de l’intellection n’est donc pas seulement requise par une preuve ex communihns (parce qu’il ne peut y avoir de dualité, de multiplicité dans l’Absolu), mais elle est requise e.r propriis, par la raison formelle de chacune de ces deux perfections : la pensée pure, de soi et dès toujours en acte, doit être l’être pur actuellement connu ; et l’être pur de soi et dès toujours en acte à tous points de vue, doit être intelligilde en acte et intellection en acte. A tel point que partout où il y a dualité du sujet et de l’objet, l’intellection est imparfaite et s’accompagne d’une certaine insatisfaction : lintelligencc créée voudrait toucher l’être directement, sans avoir à s’interroger sur la valeur de la représentation par l’intermédiaire de laquelle elle l’atteint. Cette insatisfaction, commune à toute intelligence créée, ne disparaîtra que dans la vision béatilique, où il n’y aura pas d’idée intermédiaire entre notre intelligence et l’essence divine (1^, q. 12, a. 2) ; elle n’a jamais existé pour Dieu, parce qu’en Lui seul l’intelligence est identique à l’être, et cela parce qu’en Lui seul l’intelligence est à l’état pur.

c. le Premier intelligible, la Vérité première, source de tonte vérité. — On s’étonne parfois de ne pas trouver dans S. Thomas la preuve par les vérités éternelles, si chère à S. Augustin (Co « </a Academicos, l. 111, c. XI, n° 25 ; de Trinitate, l. XV, c. xii, n. 21 ; de Vera lieligione, c. xxx fin à xxxu ; de Libéra arbitrio, 1. H, c. viii, n » 20 ; c. ix, n° 26 ; c. xii, n° 34 : c. XIII, n" 36, etc. Cf. PoRTALiÉ, art. « Augustin)>, Dict. de Tlieol. catli.), à S. Axselmb, à Desc.yrtes, à BossuET (Connaissance de Bien et de soi-même, ch. 4 ; Logique, I, c. 36), à Féxelox (Traité de VExist. de Dieu, II « partie, c. 4)>à Maledranciie, à LEiBMz(AoMf. Essais, l. IV, ch. ii). — Kant lui-même, en 1763, lorsqu’il écrivait son traité sur « l’Unique fondement possible de la preuve de l’existence de Dieu y^, voyait dans l’argument par les vérités éternelles la seule preuve rigoureuse. Le possible, disait-il, qui est donné avec la pensée même, suppose l’être, car « si rien n’existe, rien n’est donné qui soit objet de pensée ». Il établissait que l’Absolu, fondement des possibles, est unique et simple, et confirmait sa preuve en montrant l’unité et l’harmonie qui existent dans le monde infini des essences ou des possibles, par exemple en mathématiques ; les proportions, les connexions, l’unité que les sciences rationnelles découvrent, lui étaient une preuve que le fondement des possibles est unique et infini, bien plus, qu’il est une intelligence, puisque ces harmonies sont d’ordre intelligible. — L’argument par les vérités éternelles est soutenu aujourd’hui par beaucoup de scolastiques : Ki, EUTGE.v, « Philosophie scolastique », IV diss., ch. 2, a. 4 ; Lepidi, Elementa Philosophiæ christianae, Ontol., p. 35, Logic, p. 382 ; Schiki-i.ni, Princ. phil., i, n. 482 ; HoNTHEiM, Theologia naturalis, p. 133 ; de Mu.NNYNCK, Prælectiones de Dei existentia, p. 23. — M. Ser riLL.vNGEs a ad.nirablement exposé cette preuve dans un article delà /(’ef.T’/iom/Afe, sept. 1904 : « L’Idée de Dieu et la Vérité », reproduit dans son livre sur

« Les sources de notre croyance en Dieu ». Ce dernier

article a été très critiqué par la Bévue Xéo-Scolastique, il est pourtant absolument conforme, quoi qu’on en dise, à la doctrine de S. Thomas.

S. Thomas ne doute pas un instant que les vérités nécessaires demeureraient comme vérités objectives alors que toute réalité contingente disparaîtrait :

« liemotis omnibus singularibus haminibus adhuc remaneret

rationabilitas atlribuibilis humanæ naturae. » Quodlibet, viii, q. i, a. 1, ad i""^, « Si omnes creaturae deficerent, adhuc natura humana remaneret talis quod et competeret rationabilitas. » Ibid., ad 3 (lire cet article, qui distingue bien la nature humaine, 1" dans les individus, 2° en soi, et 3" dans lintelligence divine). — Sur ces vérités éternelles, indépendantes de toute existence contingente, cf. Albert le Grand, Tract, de prædicanientis, c. g ; Capreolus, I, dist. 8, q. ! , concl. i. — II, dist. i, q. 2, a. 3 ; Cajetan, in De ente et essentia, c. 4. < ! 6 (distinction du réel en réel possible et réel actuel, le possible n’est pas seulemente pensable ou l’être de raison) ; SoNciNA, in IX Met., c. 4 et 5, in V Met., q. 30 fin. — Ferrariensis, in C. Génies, 1. II, c. 52 et c. 84. — SoTO, Dialectica Aristotelis, q. i* à la fin. — Suarez, Disp. Met., t. 1, p. 230 ; t. II, p. 23 1, 294 à 298. — BaBez, in Ia>", q. 10, a. 3. — Jean dk Saint-Tho.mas, Logica, q. 3, a. 2 ; q. 26, a. 2. — Goudin, Logica, p. 265. — On comprend que Leibniz ait écrit dans ses ^Vof/c. Essais, 1. IV, c. 1 1, et Theodicée, § 1 84 : « les scolastiques ont fort discuté de constantia subjecti, comme ils l’appelaient, c’est-à-dire comment la proposition faite sur un sujet peut a^-oir une vérité réelle si ce sujet n’existe point ».

Baiiez in /am, q. 10, a. 3, a nettement formulé cette doctrine commune dans l’Ecole, il l’a réduite à trois propositions : « 1° Essentiæ rerum quæ signi/icantur per illa complexa enuntiabilia non sunt ab aeterno, quantum ad esse existentiæ 1 hoc est de /ide : , nec quantum ad esse essentiale, quia essentia sine existentia nihil est. — 2° Quod homo sit animal est ab aeterno, si est dicat esse essentiale et connexionem animalis cum hoinine. ^t’am animal est ab aeterno de essentia hominis. Nota tamen quod hoc esse non est esse simpliciter respecta creaturae, sed essk secundum quid, nam est esse in potentia. — 3° I/om.neni esse animal non est ab aeterno nisi in intellecta divino, si est dicat veritatem proposilionis, nam veruni est in intellectu, sed ab aeterno non est alius intellect us nisi divin us. » Les écrivains de la Revue yéo-Scolastique, qui refusent d’admettre la preuve par les vérités éternelles et la prétendent étrangère à S. Thomas, n’ont pas avi que c’est dans le sens de la 3 « proportion de Banez que parle S. Thomas dans le de Veritate. q. i, a. 4. 0, 6, et I », q. 16, a. 6, 7. 8, tandis qu’il parle dans le sens de la seconde proposition au Quodl., VIII, q. I, a. I, ad ! "" et ad 3"™. S. Thomas admet donc la dernière conclusion énoncée par Banez : « Ex his conclusionihus sequitur quod essentiæ rerum antequam existant sunt EyTixiEA.i.J ut ens reale distinguitur contra fictitium (être de raison ou pur pensable), non tamen ut distinguitur contra non existens in actu, secundum distinctionem Cajetani in l. De ente et essentia, c. 4> <I 6.

Suarez remarque très justement « Quidam moderni theologi concédant propositiones necessarias non esse perpetuæ veritatis, sed tune incipere verasesse cuni res fîunt, et veritatem amittere cum res pereunt. Sed hæc sententia non solum modernis philosophis sed etiani antiquis contraria est, imo et I^atribus Ecclesiae. .. suivent des citations de S, Augustin et de S. Anselme ». Disput. Met., t. II. p. 294. — Les propositions

« Tout être est d’une nature déterminée », 
« Tout a (est ayant) sa raison d’être », « L’homme est