Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/571

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1125

DOGME

1126

A rencontre de l’évolutionisme idéaliste de Hegel et de Guenlher, le Cardinal Fraxzeli ? » met en relief VexpUcitation logique.

Aux excès du criticisme philosophique ou historique, M. Blondel oppose les ressources de l’action morale et religieuse.

La note suivante éclairera ces assertions de quelques détails.

Théories particulières. — a) Newman a indiqué lui-même, comme initiateurs de sa pensée, J. de Maistre et A. Moehler.

Des spéculations du premier deux idées surtout se détachent : la conception de l’Eglise comme d’un « organisme social » et celle de raccroissement « insensible » de tout ce qui a vie. Les passages les plus marquants de ses œuvres ont été relevés par M. de Graxdmaison, Revue pratique d’apologétique, 1908, t. VI, p. 12 sq. On y ajoutera quelques notes inédites, publiées dans les Etudes, 1897, t. L.WIII, p. 5, 14 sq.

J. S. VON Dret, à Tubingue, en 1821, reprenait l’application de ces vues à la dogmatique chrétienne, G. Goyau, L’Allemagne religieuse, Le Catholicisme, t. 11, p. 23.

Elles sont poussées, dans le même milieu, par J. -A. Moehler. En même temps qu’il insistait sur le développement du dogme par adaptation continue aux besoins de la pensée catholique, cet écrivain signalait surtout le rôle de l’Espril-Saint dans la vie de l’Eglise. Il en est l’âme. Cf. Die Einheit in der Kirclie oder das Princip des Katholicismus, Tubingue, 1825. En présence des théories protestantes sur la révélation de l’Esprit, sur l’expérience immédiate du divin, cf.Xéander dans G.Gotau, J.-A. Moehler, in-12, Paris, 1905, p. 17 sq., il ramenait l’attention sur les Pères des trois premiers siècles, à la fois très voisins de cette thèse par leur insistance à rappeler la présence constante et les touches de l’Esprit-Saint dans les âmes, et très éloignés d’elles par leur doctrine sur le principe d’autorité. Son ouvrage, La symbolique, traduct. Lâchât, 2’édit., Paris, Vives, 3 in-8°, 1852-53, témoigne d’une préoccupation analogue, celle de mettre en lumière l’action intérieure de l’Esprit, et d’établir, contre le protestantisme, le rôle du Christ, à l’origine, et, dans la suite des temps, celui de l’Eglise, « son incarnation permanente )). Cf. 1. I, c. V, p. 1-150.

Le spéculatif profond et l’affectif qu’était ÎS’ewmax devait faire son profit de ces observations. Il a rapporté comment, demeurant dans son Eglise tant que le caractère schismotique de l’anglicanisme ne lui parut pas plus évident que l’idolâtrie du romanisme (1841), cf. Apologia pro cita sua, in-12, Londres, 1881, c. iii, p. 113 (trad. franc., in-12. Tournai, 1865], il en vint au cours de ses études historiques à modifier peu à peu ses préjugés, reconnaissant que tout était’< grossi » dans l’Eglise romaine, mais en respectant l’harmonie de l’ensemble. Apolos^ia, p. 196, n. 2. Mis sur la voie du développement dogmatique, il poursuit cette idée. En 1843, il en fait l’objet de son sermon célèbre, le XV des l’iiii’ersili/ sermons, trad. franc. R. Saleilles, La Foi et la liaison, in-12, Paris, 1905, p. 199 sq. Cf. Apologia, c. iv, p. 197, n. 3 sq. Les développements dogmatiques sont légitimés par la puissance d’expansion des idées rév(’-]ées : en les expliquant, ils ne leur ajoutent rien. Ainsi l’explicitation logique du dogme a sa raison cachée dans la continuité latente de la vie et de la piété chrétienne. A ce stade de son évolution personnelle, Newman n’est pas encore porté à jut’-ciser le rapport des illuminations intimi’S de la foi dans les âmes avec le magistère extérieur. Enfin, ses doutes augmentant, il se décide à étudier de f)lus près, en vue d’un livre, l’évolution du do^me chrétien. Apologia, c. iv, p. 228, 234. Avant que l’ouvrage fut achevé, sa conviction était faite. Il signe, en lft’15, comme catholique, son Essai/ on the dercloptuent of Christian doctrine. Les idées du « liscours d’Oxfoi-d sont d(’veloppéeset comi)létéeg. Dans une premièrepartie, Newman détermine en quoi consiste l’énergie vitale des idées, et par quel processus elles arrivent à la traduire au dehors, c. Il ; il établit la richesse hors pair des idi’-cs chrétiennes et la présence d’une autorité infaillible qui surveille leur évolution, c. iii, jv ; il examine enfin, au regard de l’histoire, leur mode d explicitation. Une seconde partie précise les caractères du développement légitime : conservation du tyj)e originel, continuité des principes, puissance d’assimilation, enchainemeiit logique, anticipation de

l’avenir, action conservatrice à l’égard du passé, énergie persistante ; elle montre leur vérification dans les dogmes chrétiens.

Dès l’abord, on notera ces points, qui suffisent à distinguer ces théories de tout système hétérodoxe : cf.) l’origine du dogme est une révélation divine, extérieure, de telle richesse malgré l’état d’enveloppement dans lequel elle a livré son apport, que les âges suivants ne l’ont pas encore K réalisé « tout entier ; /3j un magistère extérieur, d institution divine, maintient le développement dans de justes limites et garantit infailliblement sa valeur. C’est bien à tort que le modernisme essayerait de revendiquer ce patronage, cf. J. Lebretox, dans la Rei’. prat. d’apol., 1908, t. VL p. 630 sq. ; Mgr Û’Dwyer, Card. Newman and the Encyclical Pascendi, Londres, 1908 ; L. Gougald, Le Modernisme en Angleterre, g iii, dans la Rev. du clergé, 1909, t. LVIl, p. oGO sq.

Les idées de ce docteur n’ont pas eu dès leur apparition la vogue qu’elles obtiennent aujourd’hui. C est en dehors d’elles que s’est débattue la question du développement dogmatique soulevée par le semi-rationalisme allemand et tranchée au Concile du Vatican, sess. ni, c. 4. Cf. DenziNGER, n. 1795 sq. (1643 sq.).

b) Franzelix, alors théologien consulteur, avait mis la dernière main au schéma prosynodal, cf. Acta et décréta, t. VII, p. 508, 513 et les annotations, p. 534, n. 20 scj., 537, u. 24. Son beau livre, De dicina Tradiiione et Scriptura, 3" édit., in-8°, Rome, 1882, thés. 22-26, p. 263 sq., reste le meilleur traité scolastique surle sujet. îloins fouillé que les écrits de Newman, moins séduisant dans l’allure rigide de ses thèses, éclairant de manière peut-être trop exclusive le côté logique de l’expansion dogmatique, il accentue avec plus de fermeté les grands traits de la doctrine catholique : plénitude de la foi apostolique, clôture de la révélation à la mort des apôtres, implicitation des développements futurs, soit dans la doctrine, soit dans la vie chrétienne, explicitation progressive, et donc intelligence exacte du canon Lérinicn : point de nouveautés, c’est-à-dire. rien de contraire à la foi traditionnelle, et non pas rien de plus clair que la doctrine de tel ou tel âge.

c) M. Blondel a voulu opposer d’une partau criticisme agnostique les données immédiates de toute action humaine, d’autre partà l’immanencepanthéistiqueles traces detranscendance que nous découvrons en nous-mêmes, cf. Revue du Clergé, 1904, t. XXXVIII, p. 407. En 1893, sa thèse de L’Action, in-8°, Paris, montrait comment, sans violenter une certaine autonomie de la volonté. Dieu se révèle dans l’action qu il dirige, p. 400 sq., et pour amener à accepter les vérités qu’il a en vue, nous façonne lui-même par les pratiques qu il nous impose, p. 408 sq. C’était dire qu’agir prépare à connaître, et qu’il peut y avoir dans nos actes des éléments qui n’arriveront que lentement à la pleine conscience. En 1904, dans la Ç « t « zrt/nc, 3 articles, il signalait

« dans l’action fidèle l’arche d’alliance où demeurent

les confidences de Dieu », p. 443..yant formé ses apôtres à une vie nouvelle,.lésus comptait sur la persévérance de cette vie, jjour maintenir dans leurs âmes le sens précis des quelques paroles riches de sens, dont ils n’auraient pu à la première heure pénétrer toute la portée. La tradition vivante, c’est-à-dire les affections et les pensées auxquelles il les avait formes, soutenue par la pratique chrétienne, devait donc su]>pleer à la concision et à l’imperfection des textes : « L’Evangile n’est rien sans l’Eglise… l’exégèse rien sans la tradition », p. 445. L’action chrétienne, qui se continue à travers les Ages, est donc le lien niystérieux par où se rejoignent les faits chrétiens primitifs et les définitions dogmatiques de tous les temps. « Les dogmes ne sont pas justifiables par la science historique seule, ni par la dialectique la plus ingénieusement appliquée aux textes, ni par l’effet de la vie individuelle, mais toutes ces forces y contribuent et se concentrent dans la tradition, dont l’aulorite divinement assistée est l’organe d’expression infaillibl.-).. p. 448 sq. Il soulignait ailleurs sa [lensée : « Une tradition doctrinale est humainement inii>lelligible. si elle ne se comi>lète par une tradition ascétique, et réciproquement. Toile est la vérité essentielle que j’ai eu à cœur de mettre en lumière. » Revue du Clergé, 1904, t. XXXVIII, p. 518. 519.

M BiONDFL a nommé lui-même sa philosophie un <( pragmatisme ». Rev. du Clergé, 1902, t. XXIX, p. 652. Mais il a souligné les divergences qui le séparent des vues de M. Le Roy : « Nous n avons, dit-il, la même conception initiale ni des relations de la pensée et de l’action, ni de la