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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/590

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DOGME

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harmonie réciproque. Il ne s’agit pas ici des synthèses systématiques, qui, d’un point de vue plùlosophique, coordonnent dogmes et conclusions théologiques, et, sur le prolongement de ces dernières, échafaudent les thèses et les opinions probables : elles relèvent de la théologie. Il est question des synthèses dogmatiques, qui rapprochent les dogmes en essayant de mettre en lumière le plan général de la rédemption, tel que la foi peut l’entrevoir. C’est proprement l’intelligence du Mystère, dont parle S. Paul. Cf. Prat, J.a théologie de S. Paul, in-8°, Paris, 1908, t. I, p. 129, 130, 429-433.

3° Progrès apologétique. — Il consiste dans la valeur croissante des démonstrations et des réfutations. Avec le temps, chaque dogme est appuyé sur des preuves meilleures et l’erreur réfutée par des réponses plus adéquates. A vrai dire, c’est ici non la foi, mais la théologie, qui jirogresse ; elle favorise grandement l’explicitation des dogmes, mais puisqu’elle n’entre pas dans le dogme, nous n’avons pas à en traiter.

Tels sont, ce semble, les divers modes du progrès dogmatique.

Il en résulte, si l’on veut apprécier le résultat général ; a. un progrès manifeste de promulgation, et, comme conséquence, une obligation stricte pour tous de se conformer à une loi officiellement publiée ; b. un progrès certain d’acquisition, si l’on considère les dogmes déduits des vérités révélées : quantum ad hoc potest fides quotidie explicari et per studium sanctorum magis atque ma gis explicata fuit ; S. Thomas, In IV Sent., 1. III, dist. 25, q. 2, a. 2, q. i. in-4, Paris, 1873, p. 394, 396 ; cf. Sum. theol., l, q. 36, a. 2, 2™ ; II, II, q. I, a. 7, c ; a. 9, 2™, 4™>5'" ; a. 10, i™ ; q. 170, a. 6, etc. Il n’y a point addition proprement dite. C’est la doctrine que la théologie catholique exprime, en reconnaissant un progrès non dans l’objet de la foi, mais dans la connaissance qu’on en a : progressas subjectivus non objectivus, fidelium non fîdei, cognitionis non cogniti, credentium non crediti. Cf. P. LomBAHD, Lib. III Sent., dist. 25, P. L., t. CXCII, col. 809 sq. ; Albert le Grand, in. h. /., in-4°, Paris, 1894, t. XXVIII. p. 4 ; ' sq. ; S. Bonaventlre, in. h. /., Quaracchi, t. III, p. 53 1 sq., et références aux scolastiques, SchoUon, p. 542, 54/.

La multiplicité des définitions conciliaires ou pontificales ne doit donc j^as prêter à illusion. Outre que

« le progrès des temps » ramenant fréquemment les

mêmes erreurs, beaucoup de définitions se répètent, on ne commence pas à croire, le jour où l’on définit, mais on définit, parce qu’on crojait déjà, de peur que les doctrines qui surgissent n’entraînent à abandonner la vieille foi. Newmax, Apologia, 1881, c. v, p. 253 sq.

Une comparaison vulgaire peut éclairer ce point. — La situation géographique de Rome est connue depuis longtemps. Qu’on l’exprime aujourd’hui par sa longitude et sa latitude précises, que l’on relève de plus la liste exacte de tous les renseignements faux fournis à ce sujet, qu’on donne à ce travail la difi’usion la plus large, voilà à peu près à quoi se réduisent bien des définitions : elles formulent le dogme en langage plus technique ou déterminent sa position à l'égard d’erreurs plus nombreuses. Dans les deux cas, c’est un service signalé ; pour un certain nombre de fidèles, ce peut être l'équivalent d’une révélation nouvelle. En fait, qui savait autrement, mais exactement, savait autant.

Voici en effet l’important : on peut multiplier les formules sans dire du neuf ; on peut déduire d’un principe des vérités multiples sans ajouter au principe, sans épuiser même tout ce qu’il contient.

De là l’image du germe ei celles dule’ain, étudiées plus haut, col. 1157.

En d’autres conjonctures, la germination, la fermentation dogmatique eût été quelque peu différente. D’autres dogmes auraient été dégagés plus tôt, promulgués en d’autres langues piiilosophiques ; les données théologiques se fussent agencées en synthèses différentes. C’est la loi ordinaire. Toute chose ici- bas, tout vivant même, sans perdre son type spécifique, porte, dans les détails de son individualité, la trace des multiples contingences au milieu desquelles il s’est développé.

XV. Facteurs du développement- — Dans la détermination de ces influences, les critiques rationalistes et protestants indiquent comme facteiu- principal la philosophie profane, l’hellénisme. Ils insistent aussi sur la poussée des foules imposant aux dogmes leurs idées, comme elles imposent au rituel leurs pratiques, les unes et les autres fortement teintées de paganisme. Telles sont les thèses de MM. Harxack, Ghcppe, Usexer, Reitzexstein, Coxybeare, Hatch, Loisy, Réville, sans parler de ceux qui les monnayent en pamphlets plus alertes, moins gênés d'érudition, vg. Ch. Guigxebert, L’Evolution des dogmes, in-12, Pai-is, 1910…

De l’influence philosophique nous dirons ici peu de chose, ayant expliqué déjà, col. 1 146 sq., que la spéculation philosophique n’entre pas dans le dogme, quoi qu’il en paraisse à des observateurs moins avertis.

On notera les graves divergences qui séparent la I)hilosophie d’Aristide de celle de S. Justin, de celle d’Irénée, de celle de Tertullien, de celle de Clément et d’Origène, de celle d’Ambroise, de celle d’Augustin et du Pseudo-Denys. Et pourtant ce sont les mêmes points de doctrine que tous se proposent d’expliquer et de justifier ; et ce sont ceux-mêmes que nous trouvons, dès le début, chez S. Clément et S. Ignace, qui ne sont pas philosophes. Voir Syncrétisme.

De plus, on étudiera avec soin la mentalité de ces docteurs : ils n’ont pris la plume que pour combattre au nom de l’orthodoxie, ils protestent contre l’intrusion gnostique de la philosophie dans la foi. et déclarent vouloir s’en tenir strictement à la tradition apostolique. Ce n’est pas celle de novateurs.

Enfin, contre toute théorie qui voudrait ramener révolution dogmatique à des facteurs purement humains, les observations suivantes, semble-t-il, constituent des objections encore sans réponse.

Le présupposé de ces thèses est le suivant, et il est ruineux. Le Christ n’aurait donné qu’un enseignement moral, sans dogmes positifs. La société chrétienne primitive n’aurait été qu’une pâle amorphe, réunie dans l’unité fluente de quelques sentiments communs.

Nous avons établi, col. 1 130 sq., l’existence de dogmes précis dans la prédication du Christ et des Apôtres ; nous avons indiqué, col. 1 155 sq., comment ces grandes idées, grâce à la méthode patiente et prudente adoptée par le Sauveur, étaient entrées, non dans la mémoire superficielle, mais dans la conscience profonde des premiers disciples ; on verra de plus, à l’article Tradition, comment cette petite société, dans un milieu adogmatique, se distingue par une théorie unique de la « tradition » et du « dépôt >). Si l’on ne trouve i^as, et pour cause, dans la Didaché, ou dans les lettres de S. Ignace et de S. Clément, le langage abstrait des écoles, on y reconnaît assez vite, dans im état concret d’involution, de quoi justifier l'évolution abstraite de l'époque suivante, à moins que l’Esprit ne soit rivé à la lettre et qu’on ne déforme une idée à inventorier son contenu.

Ainsi, ce qu’on donne pour une acquisition en cours de route est au moins en germe au point de départ.