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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/643

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ÉGLISE (QUESTION DES NOTES)

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Précisons davantage : pour être utile à cet égard, il faut que le '< signe extérieur » soit une chose qui appartienne nécessairement à la véritable Eglise, une chose qui ne puisse pas ne pas se trouver dans la véritable Eglise ; bref, qu’il soit une propriété essentielle de la véritable Eglise.

Toute propriété essentielle de la véritable Eglise ne sera, d’ailleurs, pas une « note ». Pour être une

« note », il faut que telle ou telle propriété essentielle

soit vraiment un « signe extérieur », c’est-à-dire une ch.ose visible, une chose plus apparente et plus facile à reconnaître, non pas que l’Eglise, mais que la vérité même de l’Eglise.

Une propriété essentielle et visible, qui appartient nécessairement à la véritable Eglise, mais pas nécessairement à elle seule, constituera une note « négative », permettant d’exclure toute Eglise ou secte qui ne la posséderait pas. Une propriété essentielle et visible, qui appartient nécessairement à la véritable Eglise toute seule, constituera une note v positive », permettant d’affirmer que l’Eglise qui la possède est l’unique et véritalde Eglise du Christ.

f) Théorie protestante des « notes » de l Eglise. — Avec les chrétiens des autres Eglises hiérarchiques, les catholiques romains sont en désaccord suvVapplication des.( notes ». Mais avec les protestants, les catholiques romains sont en désaccord sur le choix même, sur l'établissement des « notes » de l’Eglise.

Les protestants disent volontiers, en effet, qpie la véritable Eglise est matériellement visible, mais formellement invisible. Matériellement visible, en tant qu’elle comprend tels et tels membres, ou possède tels et tels rites. Formellement invisible, en tant qu’elle ne vcriiie sa notion que dans la collectivité des âmes justes, qui est « l’Eglise des promesses », connue de Dieu seul. Et ce serait à « l’Eglise des promesses » que conviendraient exclusivement les propriétés caractéristiques de l’Eglise chrétienne : « une, 1 sainte, catholique et apostolique », par l’unité, la sainteté, la catholicité, l’apostolicité invisibles de la grande société des amis de Dieu.

Pareille théorie semble rendre totalement inutile une discussion quelconque sur les « notes » de l’Eglise du Christ, sur ses signes extérieurs d’identité. Les protestants libéraux en conviennent sans ombre d’embarras. Citons M. Harn’ack :

« Le protestantisme compte sur la nature de l’Evangile, 

qui est chose assez siniplf, assez divine, et par conséquent iissez vraiment humaine, pour se faire coiuiaitre sûrement, si on lui laisse la liberté, et pour faire nailrc aussi dans toutes les àrnes des expériences et dos convictions essentiellement identiques… Nous n’avons nul besoin d’autre chose, et repoussons même toute autre cliaine ; ceci du reste n’est pas une chaîne, c’est la condition de notre liberté. Et si l’on nous objecte : Vous êtes divisés ; autant de têtes, autant de doctrines ; nous répondons : C’est vrai ; mais nous ne désirons pas qu il en soit autrement ; au contraire, nous di’sirons encon- plus de liberté, encore plus d’individualisme dans la croyance ou dans son expression ; les nécessit(S historiques qui ont amené la fondation des Eglises nationales ou des Eglises libres ne nous ont imposé que trop de restrictions et de lois, encore que cellos-ci n’aient jamais été considérées comme d’institution divine. Nous désirons encore ])lus de confiance en la forcer intérieure et la puissance unificatrice de l’Evangile, car celui-ci agit plus sûrement au milieu du libre choc des esprits <pie sous la tutelle des Eglises. Nous voulons être un royaume spirituel, et ne regrettons pas le moins du monde i( les oignons d’Egy[)te ». Nous savons bien que la discipline et l'éducation nécessitent la création de communautés visibles ; de ces communautés, nous nous occuperons volontiers dans la mesure où elles répondront à leurs fins et mériteront qu’on s’occupe d’elles, mais ce n’est pas à elles que nous attacherons notre cœur ; debout aujourd’hui, elles peuvent, en effet, dans des conditions politiques ou sociales différentes, disparaître demain pour faire place

à de nouveaux organismes. Que celui qui use d’une Eglise semblable en use comme n’en usant pas. Notre Eglise n’est pas la communauté particulière dont nous sommes membres, c est la socielas fidei, qui a des membres partout, même parmi les catholiques grecs ou romains. Voilà la réponse protestante au reproche à'émiettemeni, ci’voWh. le langage de la liberté à laquelle nous avons été appelés. » {Essence du, christianisme. Quinzième conférence. Trad. de 1907, pp. 327-329.)

Nous ne regrettons pas la longueur d’une telle citation, car il nous aurait été impossible de marquer avec plus de relief à quoi se réduit le rôle de l’Eglise visible, d’après la logique des principes protestants. Donc cette théorie supprimerait tout le problème des

« notes » de l’Eglise. Mais les protestants orthodoxes

n’admettent pas une conclusion pareille. Moins logiques et plus traditionnels, ils entendent opposer une liarrièrc aux abus trop criants du libre examen. Ils veulent établir une règle objective et apparente, qui permette de discerner entre les Eglises légitimes et les Eglises illégitimes, entre les Eglises conformes et les Eglises contraires au « royaiune de Dieu ».

C’est que les protestants orthodoxes ont en horreur les négations radicales, les hardiesses dogmatiques ou autres, cjue, depuis l’origine de la Réforme, se permettent beaucoup de sectes indépendantes. Pour enlever à de telles sectes le droit d'être considérées comme de véritables Eglises chrétiennes, il fallait trouver un critère d’exclusion. Mais il fallait encore trouver un critère assez large et assez compréhensif pour s’adapter à chacune des grandes variétés historiques de la Réforme et pour ne pas ramener la conception hiérarchique et catholique de l’Eglise.

On estima résoudre le problème en formulant ainsi le critère protestant : une Eglise chrétienne est légitime si elle se trouve d’accord avec l’Ecriture, par la prédication exacte de l’Evangile et par l’administration correcte des sacrements.

Au livre quinzième de l’Histoire des variations, BossuET transcrit les déclarations catégoriques, sur ce point, de la confession d’Augsbourg, de la confession helvétique, de la confession belgique, de la confession anglicane et de la confession d’Ecosse. Aujourd’hui encore, les protestants, orthodoxes revendiquent et justifient la double règle tîxce par leurs devanciers. (Cf. Jalac ; uier, De l’Eglise, Paris, 1899, in-8°, pp. 264-279.)

La première « note » serait donc : « la prédication

« exacte de l’Evangile » ; c’est-à-dire l’enseignement

des doctrines les plus certaines, les plus obvies, les plus capitales dans l’Evangile du Christ, quoi qu’il en soit des doctrines de moindre importance. Tel est le système que Jurieu a su compléter et affiner, dans sa tiiéoric fameuse des articles fondamentaii.r.

La deuxième « note » serait : « l’administration

« correcte des sacrements ^ ; c’est-à-dire la conformité

avec l’Ecriture au sujet des deux sacrements dont il est question bien clairement dans l’Evangile ; à savoir, le baptême et l’eucharistie.

Après avoir étudié comment se pose le problème (les <( notes » de l’Eglise, nous devons examiner la valeur du critère protestant, puis faire connaître les critères que nous estimons réellement aptes à identifier la véritable Eglise du Christ.

B. Le critère protestant

Pour qu’il y ait '( note » de l’Eglise, deux conditions, nous l’avons vu, sont manifestement nécessaires : que ce soit une propriété essentielle de la véritable Eglise ; et que cette propriété essentielle soit visible, soil chose plus apparente, plus facile à reconnaître que la vérité même de l’Eglise.