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de nébuleuse, àme de prosolaire, àme de soleil, elle monte l’échelle des existences et devient « àme d’univers, de binivers, de trinivers, etc… Les métempsycoses auront lieu pour lai^rande àme passant de planète en planète, comme pour les petites âmes qui, en définitive, s’amalgament avec elle, fusion qui aura lieu au décès corporel de la planète, à l’époque vulgairement nommée lin du monde ». Ch. Fourier, Traité de l’Association. Prolégomènes, I"" partie. Pivot direct : Thèse de l’immortalité bi-composée. De pareilles théories trouvent dans l’extravagance même de leurs formules la meilleure des réfutations ; par contre-coup, elles peuvent constituer, en outre, au regard de la doctrine catholique, une excellente apologie de nos croyances.

En dégageant de ces fantasmagories le principe des épreuves indéfiniment poursuivies, remarquons seulement que l’idée même de probation implique un terme et qu’une série éternelle d’épreuves serait la négation même de la fin dernière. Il est de foi que la mort est le terme de l’épreuve, du mérite comme du démérite. Cf. Trident., vi, 16, Enchir., 810 (692) ; Bened. XII, De justis, Enchir., 530 (456) et les textes scripturaires, Eccli., xviii, 22 ; ti ; , -3 ; xi, 22 ; xiv, 13 ; II 6’or., v, 10 ; /ci., IX, l^. Pour le pécheur, le châtiment commence aussitôt après la mort, et il n’est plus pour lui de résipiscence. Hirscher (i’j88-i 865) a prétendu, sans autres raisons que celles du sentiment personnel, que les pécheurs peuvent se repentir dans l’autre inonde de certaines fautes graves, pourvu que tout germe de bon vouloir n’ait pas été étouffé en eux. Contre cette doctri-ne, professée par un grand nombre de protestants, un schéma avait été rédigé au concile du Vatican, et les théologiens du concile n’Iiésitaient point à qualifier d’hérétique « sine dubio hæreticani », Coll. Lac, YII, 760, cette assertion, dont s’est inspiré ultérieurement le professeur Schell en affirmant que le péché de malice, de révolte directe contre Dieu, méritait seul l’enfer. Schell, Katliolische Z)o^mfl^/A-, III, 721. Le Concile de Ti’ente, Sess., vi, c. 15, Enchir.. 808 (691), a condamné à l’avance cette eri-eur qui dénature le caractère du péché et détruit toute l’économie de la grâce. Tout péché mortel non remis par la pénitence avant la mort sera expié en enfer. C’est l’enseignement même du catéchisme. Cf.STUi’LER, Die Heili<(keit Gottes und der ewige Tod, }. 248 ; PEScn, Tlieol. Streitfragen, II, 47 5 Gerig, Wesen und Voraussetzungen der Todsiinde, p. 1 1 sqq.

Quant à la détermination locale de l’enfer, aucun document certain ne nous est fourni par la tradition catholicpie. Rien ne s’oppose à ce que l’on admette le sentiment des tliéologiens du moyen âge et d’un grand nomljre de Pères, qui plaçaient au centre de la terre le séjour des damnés. Mais leur opinion personnelle n’engage en rien la foi. « De hac re tcmere definire nihil audeo », déclare saint Grégoiue le Grand. Dialog.. IV, ^2, P. l.., LXXVII, 400. Le plus sage, pour l’apologiste, est de s’en tenir au conseil de saint. Ieax Chuysostomk : « Ne quæranius ubi sit, sed quomodo eiini f’ugiamus.y> InRoni., xx-s.i, P.G., LX, 6^4

Toutefois c’est une vérité théologiquement certaine que les damnés sont séparés de la société des élus et, contrairement aux théories des Ubiquistes protestants, qu’ils expient leurs péchés dans un lieu déterminé. Cette doctrine se déduit des textes scripturaires : Luc, XVI, 22, aC), 28 ; Mattti., v, 30 ; xxv, i ; Marc, IX, 44 ; f-itc, VIII, 31 ; Apoc, -lOi-v*^ ; XX, 9, /et des données traditionnelles, malgré le texte de’saint x.uousTix, Z>e Gen. ad liit., XII, 32.

II. Nature des peines de l’enfer. — Le châtiment réservé aux réprouvés comporte une double peine : la peine du dam et la peine du sens.

1° La peine du dam. — Le supplice de l’enfer est constitué avant tout par la séparation définitive de làine d’avec Dieu, qui est son principe, son centre et sa fin, seul capable de la rendre heureuse et vers qui elle se sentira éternellement entraînée par un attrait puissant, invincible, mais sans espoir de s’unir jamais à lui. Repoussée, elle sent peser sur elle le poids de la réprobation ; maudissante, parce qu’elle a conscience d’être maudite. Cest la peine du dam, celle cjui fait les damnés. Quelques théologiens, à la suite de Capreolus, ont rattaché à la peine du sens la douleur qui résulte pour le damné de la privation effective de Dieu. Mais envisager cette séparation en dehors de ses effets psychologiques, c’est l’abstraire en c^uelque sorte de la réalité, c’est lui enlever proprement son caractère pénal. Aussi la plupart des théologiens ont-ils soin de spécifier que le dam et la peine qui en résulte constituent un tout indissolu])le, et c’est en ce sens qu’il convient d’interpréter la doctrine catholique.

Cette doctrine établit comme un dogme de notre foi que les damnés sont privés, en punition de leur révolte contre Dieu, de la vision béatifique. Cf. Concilii Florentini décréta, Enchir. 693 (588). Le protestant Reixhardt a soutenu que cette peine n’était nulle part statuée par les textes évangéliques. Elle est clairement contenue dans la sentence prononcée par N.-S. lui-même dans saint Matthieu, xxv, 41 :

« Discedite a me, maledicti. » Il importe seulement

d’observer : 1° qu’il s’agit bien dans ce texte de la parousie, du dernier avènement du Clirist, comme il ressort et de la question antérieurement posée à Jésus par les Apôtres, xxiv, 3, et des signes terrestres, xxiv, 14, 24, ou célestes, xxiv, 29, cjui accompag : nent le prodige, et de l’apparition même du Christ dans sa gloire, XXIV, 30 ; — 2° que le Christ fait ici office de juge, comme le prouvent, soit la doctrine générale de l’Ecriture sur la parousie et le jugement, I Cor., iv, 5 ; xv, 02 ; II Cor., V, 10, soit les paraboles contenues dans le discours du Sauveur, Matth., xxv, i-14, soit la description du jugement lui-même, xxv, 31, 46 ; — 3° que tous les méchants sont présents à la condamnation. On ne saurait se tromper sur leur caractère : ils sont à gauche, ce sont les boucs, 33, complètement séparés des bons, 32, et réprouvés par une même et unique sentence, v. [i. C’est bien le jugement universel, xxiv, 30 ; xxv, 32 ; où Jésus-Christ apparaît avec tous ses anges et où se trouAC signalée la présence de tous les élus, xxv, 40. Il s’agit donc également de l’universalité des pécheurs et d’une sentence suprême, définitive. Or, cette sentence pose en premier lieu la réprobation, le bannissement des damnés, exclus de la présence du Clirist et, parle fait, de la béatitude dont il est à la fois l’objet et le dispensateur. Discedite a me. La malédiction consacre cette sentence : les réprouvés sont voués au malheur, au nicalheur suprême, sans aucun droit à la bienveillance du Christ ; Dieu se retire et les laisse à leur châtiment, tandis qu’il réserve aux seuls élus les joies de sa présence, l’infini bonheur de la vision béatifique.

Du moment que le pécheur a renoncé de lui-même, dans la plénitude de sa liberté, à la possession de sa fin dernière, la raison ne peut trouver sa peine imméritée. Aussi les rationalistes n’ont-ils soulevé contre ce dogme que des dillicultés scrii)turaires, que les indications données sufiiront à résoudre.

2° La peine du sens. — A. l’existence du feu de l’enfer. — En deliors do la privation de leur fin dernière, peine ([ui surpasse infiniment toutes les autres, cf. saint AcGtsriN, Enchir., 112, P. L., XL, 285, les impies sont affligés d’une douleur sensible, au carac-