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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/706

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rapport d’inimitié avec Dieu, en un mot la tache du péché persévèrent aussi longtemps que le pécheur n’a pas rétracté son acte et accueilli le secours de la pénitence que lui offre la grâce divine. S’il meurt en cet état, le péché devient perpétuel, irrévocable, et appelle ainsi un châtiment perpétuel, irrévocablement lié à l’état du pécheur. Le principe invoqué par les adversaires se retourne contre leurs assertions, et nous pouvons l’invoquer pour justilier pleinement la justice divine et établir qu’il y a proportion parfaite entre l’intînie durée de la peine et la gravité infinie de l’offense faite à Dieu. Ainsi l’exige l’inviolal )ilité absolue de l’ordre moral.

3" La bonté et la justice de Dieu étant hors de cause, les difficultés de détail tirées de la nature même de la pénaUté ou des conditions morales de la vie dans l’au-delà seront aisément résolues en vertu des principes déjà invoqués. C’est se faire de la nature du châtiment une conception singulièreiuent erronée que de réduire ou même de subordonner son rôle à l’amélioration du coupable : ce n’est rien moins que supprimer son caractère sanctionnel ou le reléguer au second plan. Mais il est clair que la sanction est la raison première de la peine, puisque la faut* étant constituée essentiellement par une transgression, un désordre moral, la sanction apparaît comme la réaction de l’ordre. Que le châtiment puisse en même temps servir parfois à l’amendement du coupable, c’est une considération de valeur secondaire, subordonnée, puisque le caractère médicinal de la loi affiictive n’intéresse que le bien particulier, tandis que son caractère expiatoire ou sanctionnel intéresse le bien général, qui prime tout autre bien individuel. La conservation de la société exige, en effet, que toute infraction aux lois qui sont sa condition d’existence soit punie, quelque détriment qui en résulte pour le coupable : autrement toute loi perdrait son caractère d’inviolabilité, les droits individuels ne seraient plus protégés, le bien commun serait subordonné au bien particulier des fauteurs de désordre, ce serait le renversement de tout l’équilibre social. Sans doute la transgression de la loi entraîne aussi d’autres désordres, elle déprave la volonté du délinquant, et, par l’influence de l’exemple, elle tend à pervertir la mentalité du peuple. La peine étant destinée à réparer les désordres de la faute sera aussi, dès lors, médicinale et exemplaire : elle cherchera, autant que possible, à corriger le coupable et à détourner les autres du mal.

Mais ce but est secondaire, accessoire. Le grand désordre de l’infraction à la loi est d’être un attentat au bien comnum, de faire prévaloir le bien particulier sur le bien général. Sous peine de se nier elle-même et de consacrer le désordre, c’est-à-dire la ruine virtuelle de la société, la justice humaine est tenue d’affirmer le droit méconnu et d’assurer son triomphe. Voilà pourquoi, en édictant la peine, elle considère principalement la gravité du délit et non pas l’état présent du coupable. Que le criminel manifeste son repentir ou qu’il se glorifie de son méfait, la justice se place avant tout, et parfois exclusivement, au point de vue du bien social, de la réparation du mal : elle prononce, s’il y a lieu, la peine de mort, qui exclut tout amendement ultérieur du délinquant. Si la peine est à vie ou n’est que temporaire, elle pourra comporter quelque adoucissement ou une diminution de durée suivant les dispositions du condamné ; mais ce correctif imposé au châtiment dans un but moralisateur est tout à fait accidentel, il suppose que l’effet premier, essentiel, de la loi pénale est atteint et il se subordonne à lui.

Ces mêmes principes, dictés par la raison, la raison se doit de les appliquer à la justice divine, et à un 1

titre infiniment supérieur. Entre le bien absolu de Dieu et le bien relatif du coupable, il ne saurait } avoir de commune mesure, et celui-ci ne peut jamais balancer celui-là. Les exigences du droit divin que le pécheur refuse de reconnaître sont inconditionnées ; elles ne peuvent pas ne pas être satisfaites. La souveraineté de Dieu s’impose, et il ne suffit pas qu’elle soit, il faut qu’elle paraisse : un droit souverain qui ne serait pas effectif et ne s’aflirmerait point dans toute la plénitude de sa raison d’être, dans tout le rayonneuTent de sa force morale, ne serait pas un droit parfait comme il convient au droit divin. Or le caractère du droit divin est d’être infini. La souveraineté divine doit donc, sous peine de n’être plus elle-même, s’affirmer et se maintenir contre tout être qui s’insurge contre elle, qui lui oppose sa propre souveraineté et l’annihile ainsi dans sa pensée et son a-ouloir. C’est une nécessité de nature, et cette répression de l’offense n’est autre que la sanction, la sanction qui fait rentrer dans l’ordre la créature et lui fait ressentir, contre son gré, les effets de cette même souveraineté qu’elle a librement répudiée. Par elle se manifestent la souveraineté, la sainteté et la justice divines : c’est la glorification de Dieu par le pécheur lui-même et la réparation de l’ordre. Telle est la raison d’être fondamentale de la peine : elle est éminemment une sanction, c’est-à-dire une expiation, et si elle peut revêtir aussi un caractère médicinal et servir de remède, ce n’est que par surcroît, secondairement, autant que son caractère proprement pénal, expiatoire, comporte cette alliance.

Durant toute la vie du pécheur, alors qu’il peut user de sa liberté pour rétracter lui-même sa faute et accepter la pénitence, l’expiation, Dieu ne cesse de convertir en remèdes les peines qu’il envoie au pécheur. Et pourtant un seul péché grave rend le pécheur indigne de ces grâces, où seule intervient l’infinie bonté. Mais avec la mort, terme du mérite, dès que la volonté, irrévocablement, s’est détournée de Dieu, il n’est plus de remède possible, plus d’amendement ; la peine perd, d’elle-même son caractère médicinal ; il ne reste que la juste sanction. La raison s’accorde pleinement, sur ces données, avec la foi.

Telle est bien la pensée profonde de saint Augustin, qui distingue, de la part de Dieu, une double législation : l’une comprenant l’ordre de sa bonté, l’autre comprenant celui de sa justice. L’homme qui échappe librement à l’ordre de la bonté divine, veut par là même appartenir à l’ordre de la justice ; sorti de l’ordre jiar une voie, il doit y rentrer par une autre. La créature se rend méchante par le mauvais usage de ce qui est bien, mais le Créateur demeure toujours juste et bon en faisant servir l’ordre de la justice à celui de sa bonté. La perversité de l’homme a déplacé, interverti l’ordre : elle s’est fait du bien un mal. La souveraine sagesse de Dieu redresse le dérèglement en faisant un bien du mal. In loann., tract, ex, 6, P. L., XXV, 1924.

4° « Ce raisonnement suppose comme un fait acquis, poursuivent les libéraux après Hirscher, l’impossibilité de la cnns-ersion après la mort, et il ne Aaut que par cette supposition. Mais, précisément, jamais la raison ne démontrera qu’il n’y ait point place dans l’autre vie pour un bon mouvement de rétractation et de retour. Quand les horizons de l’audelà se décoiivrent et que l’homme, dégagé des passions et des préjugés qui obscurcissent son jugement moral, a la pleine connaissance de ce qu’il est et du but où il tend, il est au contraire raisonnable de penser que la conscience se ressaisit, que l’erreur nettement aperçue et mesurée inspire le regret et que la volonté se porte de tout son pouvoir vers la fin dernière pour laquelle elle est faite et qu’elle n’a