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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/775

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de pire état que l’anarchie : c’esl-à-dire l'état où il n’y a point de gouvernement ni d’autorité. Où tout le monde peut faire ce qu’il veut, nul ne fait ce qu’il veut ; où il n’y a point de maître, tout le monde est maître ; où tout le monde est maître, tout le monde est esclave. » (Politique tirée de VEcvituie sainte. 1. I, art. 3.)

Cette nécessité naturelle de l’autorité i)olitique a été, à plusieurs reprises, aHirniée et démontrée par le Souverain Pontife Liiox XIII. « Que dans toute communauté, dit-il, il y ait des hommes qui commandent, c’est là une nécessité, afin que la société, dépourvue de principe et de chef qui la dirige, ne tombe pas en dissolution et ne se trouve pas dans l’impossibilité d’atteindre la lin pour laquelle elle existe » (Encycl. Diuturiium, § Etsi lioino urrogantia). « Comme aucune société ne peut subsister, si elle ne possède un chef suprême, qui oriente d’une manière etlieæe et par des moyens communs tous les membres Aers le but social, voilà pourquoi l’autorité est nécessaire à la société civile pour la diriger. » (Enc. hnmoilale iJei, § ion est magni negotii.)

L’autorité est un pouvoir moi al : c’est-à-dire que l’Etat, pour diriger etïïcacement les volontés et gouverner d’une manière raisonnable, doit être armé du pouvoir de commander, du droit d’imposer l’obligation morale. Parce qu’elle est le principe directeur efficace des sociétés humaines, l’autorité doit se conformer à la nature de l’iiomme et respecter sa dignité d être raisonnable et libre. Or pour l’homme libre, la seule direction vraiment efficace et qui sauvegarde la dignité delà personne, est celle de l’obligation morale, s’exerçant par la contrainte immatérielle du devoir.

Sur ce point, les théologiens sont d’une parfaite unanimité. « Le gouvernement, dit Suarez alléguant le témoignage de l’Ecole, s’il n’est armé du pouvoir de contraindre, est inefficace et facilement exposé à la révolte. D’ailleurs le pouvoir de contraindre, sans le pouvoir d’obliger en conscience, est moralement impossible, car la contrainte, pour être juste, suppose une faute, et à tout le moins est-il très insuffisant dans un grand nombre de cas urgents » (De Legibus, 1. iii, c. 21, no 8).

2) Rôle de l’Etat en général. — Le rôle général de l’Etat consiste à diriger la société vers latin prochaine de celle-ci. Or, comme nous l’avons montré plus haut, la un prochaine de la société politique consiste à aider, dans la sécurité de l’ordre, le développement physique et moral des associés. Dès lors, à l’autorité suprême incombent l’obligation et la mission de maintenir la paix intérieure et extérieure par la protection des droits, et de contribuer positivement à la prospérité temporelle de la société. La mission générale de l’Etat se divise donc en deux attributions spéciales, à savoir : le rôle de protection et le rôle à ! assislance.

L’enseignement de la théologie catholique sur ce point a été exposé par le pape Lkon XIU : « L’autorité, dit-il, est le principe <pii dirige la société dans la poursuite de la lin pour laquelh' elle existe » (Enc. Diuturnani, ^ l-^tsi liomoarrogantia). « Le chef suprême orienlo dune manière efficace et par des mojens communs tous les nu-mbres vers le l)ut social « (l’nc. Immnrlale l)ei, i^ Non est niagni negotii). « Le bien commun est le [)rincipe créatenr, l'élément conservateur de la société humaine, d’où il suit cpie tout vr ; i citoyen doit le vouloir et le j)rocurer à tout prix. Or, de cette nécessité d’assurer le bien commun, dérive, comme de sa source jjropre et immédiate, la nécessité d’un pouvoir civil, qui, s’orientant vers le but suprême, y dirige sagenu-nt et constamment les volontés mulliples des sujets groupés en faisceau dans sa main » (Lettre du 3 mai iSija).

Dans l’Encyclique L’eram noi’arum, le pape traite ex professa du rôle de l’Etat dans la société, principalement dans l’ordre économique. « Ce que Ton demande d’abord au gouvernement, dit-il, c’est un concours d’ordi-e général, qui consiste dans l'économie tout entière des lois et des institutions. Le pouvoir doit favoriser la prospérité publique, c’est-à-dire la prospérité morale, religieuse, domestique et économique. Le concours général comprend, entre autres choses, une imposition modérée et une répartition équitable des charges publiques, le progrès de l’industrie et du connnerce, une agricultui’e llorissante et autres éléments, du même genre. « Léon XIII souhaite que la prospérité résulte spontanément de l’organisation sociale, et que « la pro’identia generalis de l’Etat produise le plus grand nombre d’avantages ». Lorsque ce souhait ne peut être immédiatement exaucé, il invoque alors en faveur des faibles, et en particulier des ouvriers, la proyidentia singitlaris de l’Etat. « Celui-ci doit faire en sorte que, de tous les biens que les travailleurs procurent à la société, il leur revienne une part convenable, comme l’habitation et le vêtement, et qu’ils puissent vivre au prix de moins de peines et de privations. » Les gouvernements sont les gardiens de l’ordre et des droits, « car ils détiennent le pouvoir, non dans leur intérêt personnel, mais dans celui de la société ». Or l’ordre demande que « la religion, les bonnes mœurs, la A’igueur corporelle soient dans un état ilorissant ; si donc ces choses sont en danger, il faut absolument appliquer, dans de certaines limites, la force et l’autorité des lois ». « Les droits, où qu’ils se trouvent, doivent être religieusement respectés. Toutefois, dans la protection des droits privés, l’Etat doit s’occuper d’une manière spéciale des faibles et des indigents. » Ainsi, d’une part, le pape recommande en termes énergiques aux gouvernants de protéger tous les droits des citoyens ; d’autre part, il rappelle au Pouvoir le devoir de contribuer à la prospérité publique, de favoriser le bien commun temporel, soit par un concours général (proyidentia generalis). soit par un concours Y>a.rliculiev(proyidentiasingularis). En d’autres termes, protéger les droits, aider les intérêts, telle est la mission complète de l’Etat, exposée dans l’Encyclique lieruni Aoarum.

3) liôle de l Etat en particulier. — A) Fonction de protection ; B) Fonction d’assistance ; C) Comparaison des deux fonctions.

A) Fond ion de protection. — La première fonction de l’Etat conq)rend ce que nous avons appelé la tutelle juridique. Cette tutelle comprend trois actes :

a) Déterminer les droits par la loi. — Le bien commun exige qu’une législation positive applique aux cas particuliers et détermine, suivant les conditionsspéciales de lasociété, les principes généraux du droit naturel, harmonisant dans une même obligation les volontés et les activités des citoyens. Tel est le rôle du pouvoir législatif.

h) Résoudre les conflits des droits. — Que l’ordre social réclame la solution des conllits(iui pourraient s'élever yiar l’exercice de droits opposés, c’est là une vérité incontestable. Les lois les plus sages, les règlements les plus utiles resteraient lettre morte sans l'établissement des tribunaux.

c) Assurer l’exercice du droit. — Un Etat dans le(piel le droit serait dépourvu de toute garantie efficace, de toute sanction, serait le théâtre d’une confusion sans issue, de l’insécurité générale, de la guerre de touscontre tous. Alors le trionq)he ap[)artiendrait au plus fort, la violence et la ruse <q)primeraient la vertu, toutes les énergies seraient paralysées, sino’ji étcmffées. Il est donc indispensable que l’Etat assure rcxcrcice dudroil, en protégeant celui-ci par la force