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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/78

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ANIMISME

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D’où vient la Religion ? Avant Tj-lor, on avait donné (lifTérentes réponses peu satisfaisantes : les uns plaçaient l’origine de la Religion dans un sentiment de crainte vis-à-vis des phénomènes de la nature ; d autres dans les inventions intéressées des prêtres, ou dans la terreur de l’inconnu, etc., etc. Tjlor, Spencer et Lippert voient dans l’animisme le « principe de la Religion, depuis celle des sauvages jusqu'à celle des peuples civilisés ». Cette conception n’est en réalité ([ue la conséquence logiqiie, et une application à un cas particulier, de 1 hypothèse générale de révolution. Il s’agit d expliquer, en excluant l’idée de Révélation primitive, les commencements et le développement des Religions. « Nous savons maintenant, dit Pfleiderer, cfiie nous ne pouvons plus recourir à la Révélation divine comme à un principe extrinsèque à 1 esprit humain ; mais cette révélation ne se manifeste que dans l’esprit de Ihomme ; nous devons nous en tenir là, et, omettant tous les facteurs surnaturels, rechercher la marche historique de l'évolution purement naturelle par laquelle 1 homme parvint au développement de ses facultés religieuses. » (Pfleiderer, Zf/r Frage nach Aufaug und EnUvicklung der Religion. Leipzig, 1876, p. 68.)

Nous ferons simplement remarquer ici c{ue les animistes partent de principes a priori ; et que l’hypothèse évolutionniste dont ils se servent pour expliquer l’origine de la Religion est loin d'être prouA'ée. Yircliow, l’ami de Darwin et de Yogt, avoue lui-même qu’il n’existe en sa faveur aucun argument décisif. K Pour les anthropologistes, dit-il, le Proanthropos n’est pas un objet de recherches historiques. On peut l’avoir aperçu en rêve, mais, à l'état de veille, personne ne pourrait dire qu’il l’ait vu de près… Nous ne savons que ceci, c’est que parmi les hommes des temps primitifs il ne s’en est trouvé aucun qui ressemble au singe, plus que l’homme d’aujourd’hui. » {Correspondenzblatt der deutsclien Gesellschaft fur Anthropologie. 20 Jahrgang, Miinchen 188g.)

La méthode des animistes prête aussi à bien des réserves. Ils étiulient les sauvages d’aujourd’hui ; et ils attribuent à l’homme primitif toutes les observations qu’ils font chez les peuples non civilisés. Estil juste, est-il possible d’identifier complètement les Indiens ou les nègres, vivant de nos jours, avec l’homme primitif ? A-t-ondes raisons de le faire ? Les animistes ne le disent pas ; c’est une simple conjecture qui n’a d’autre valeur que l’allirmalion de ses auteurs. « On parle des sauvages d’aujourd’hui, dit Max Millier, comme s’ils venaient d’arriver dans le monde, sans penser cju’ils sont membres de l’espèce humaine, et que comme tels ils ne sont pas d’un jour plus jeunes que nous-mêmes… Les sauvages sont aussi âgés que les races civilisées, et ne peuvent pas être appelées l’Homme primitif. » (Max Mueller, Ursprung iind Entwicklung der Religion, p. 'y^-)

Encore faudrait-il, pour se faire une idée exacte des conceptions des sauvages en matière de religion, avoir sur eux des renseignements complets et sûrs, connaître à fond leur langue, leurs usages, leur manière de vivre. On ne peut saisir l’ensemble et le détail de leurs idées religieuses qu’en vivant de leur vie, en s’initiant aux nuances souA-ent délicates de leurs langues. Ce n’est pas en quelques jours, et par des procédés detouristes que se font des observations sérieuses. « Un indigène qui comprend un peu l’anglais ou qui parle dans sa langue maternelle avec un Anglais, — dit le Rev. Codrington dans une lettre du 'j juillet 18^ y, citée par Schneider —, un tel indigène trouve plus facile de répondre par un signe de tête alTirmatif ou négatif aux questions posées par le blanc ; ou bien il emploie les mots qui lui sont connus, sans se rendre compte de leur vrai sens ; il

préfère ne pas se tourmenter pour exprimer correctement ce qu’il pense. De cette façon, les voyageurs reçoivent des réponses qu’ils tiennent pour des renseignements absolument sûrs Acnant des indigènes eux-mêmes et racontent ensuite des choses qui paraissent ridicules aux vrais connaisseurs. » (Cf. Scuneider, Yrt/H/tô/Ae/', II, p. 368, ff.)

Pour tirer des observations, faites sur les peuples sauvages, un témoignage probant, il faut réaliser les conditions suivantes, exigées à juste titre par le D' Borchert (et dont les deux premières sont de Max Mûller) : « 1) Les auteurs cités à propos des races saiivages doivent être des témoins oculaires, dégagés de tout préjugé de croyances ou de race. 2) Les auteiu’s, cités à propos des coutumes, des traditions et surtout des idées religieuses des peuples non civilisés doivent posséder à fond la langue des indigènes dont ils s’occupent, et s'être assez familiarisés avec elle pour s’entretenir sans effort et sans gêne de ces objets difficiles. 3) Les auteurs cités à propos des conceptions religieuses des peuj)les civilisés ne doivent pas seulement posséder une grande quantité de documents ; il leur faut a^ant tout avoir l’esprit religieux et comprendre les particularités de la Aie des âmes religieuses. Un homme irréligieux parlera et écrira de Religion comme un avcugle le ferait des couleurs. » (Borchert, Der Animismits, p. 126, 127.)

Ces qualités nécessaires font souvcnt défaut aux Aoyageurs et aux observateurs modernes ; et A’oilà pourquoi les connaisseurs trouA’ent chez eux tant d’erreurs sur les croyances religieuses des sauA-ages. Ainsi, sur la foi de Aoyageurs mal renseignés, ou peu sagaces, on croyait encore il y a quelque temps à l’existence de peuples n’ayant aucune idée de la divinité, et absolument dépourAUs de religion ; on en citait toute une série : les Australiens, les Esquimaux, les Lapons, les Indiens du Brésil et du Paraguay, les insulaires de Samoa, etc., etc. Aujourd’hui, après des études plus approfondies de ces races, et une connaissance plus complète de leurs usages et de leur langue, on en est arriAé à des conclusions opposées. « L’ethnographie, dit Ratzel, ne connaît aucun peuple qui n’ait pas de religion. » ( Vulkerkunde, Leipzig, 1885. Bd. I, p. 31.)

Les animistes, dont nous avons étudié l’enseignement, ne sont pas non plus des auteurs à qui l’on puisse reconnaître chacune des qualités dont l’ensemble constitue un témoignage irrécusable. Ils ne sont pas dépourvus de préjugés ; au contraire ; ils commencent par poser comme indiscutable le principe de l'éAolutionnisme, et interprètent les faits à la lumière de leurs idées préconçues.

2° Critique de la doctrine animiste des âmes. — A) La découverte que l’homme aurait faite un jour de son àme n’explique pas l’excellence de cette àme. L’homme possédait une àme puisqu’il la découA’re en lui ; puisque c’est par la réflexion qu’il en prend connaissance, cette àme doit avoir la faculté de penser ; « mais, dit le D' Borchert, les animistes n’expliquent pas comment est Aenue à l’homme cette faculté de réfléchir ; comment l’hounne, qui descend de l’animal sans raison, est-il arrÎAé à posséder une àme raisonnable, qui réfléchit, qui pense, une àme spirituelle ? Les animistes ne le disent pas m. (Borchert, Der Animismus, p. 10.) Et il est à remarquer qu’ils basent toute leur théorie de la religion sur l'éléAation de ces âmes au rang des dieux.

B) La manière dont ils Aeulent que l’homme soit parvcnu à la connaissance de son àme ne saurait passer poiu> démontrée. L’emploi du mot souffle et respiration, cœur, pour désigner l'àme, n’est qu’une locution figurée. Dans quelle langue moderne le mot