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EUCHARISTIE

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saisir. Que l’on considère en effet la miiltiplieité et la diiricultë des interprétations sjmbolistes ; Bellarmix écrivait déjà (De Eachar., i, 8) : « Xuper etiani anno

« lôy’j prodiit libellus, in quo ducentæ nunierantiir
« bæreticorum vel expositiones vel depravationes
« Iiorumpaucoruniverborum : Hoc est corpus nieuni. » 

De nos jours ces essais d"inter[irétation se sont multipliés encore, et sans résultat : pour Juelicher (/. l. i. 244) le Christ a syml)olisé sa mort ; pour Spitta (p. 282), son règne messianique ; pour Pi-LEmEREU ( ! , II. 681), sa victoire prochaine ; pour J. Réville (p. J^^), son union avec ses disciples ; pour Goguel (p. 100), le don de soi ; Weizsæcker (p. S^ô) ne voit là qu’une parabole que Jésus a laissée sans solution. Quiconque relit sans prévention le récit de la cène et ces paroles si simples « Ceci est mon corps », (( Ceci est mon sang ». n"a pas de peine à décider si Jésus a vonlu proposer aux théologiens et aux critiques de l’avenir une énigme insolvible, ou s’il a voulu se donner réellement à ses disciples et à son Eglise.

Parmi les théologiens catholiques, Cajétan est le seul, semble-t-il, qui ait enseigné que le sens des paroles de l’institution ne pouvait être déterminé que par l’interprétation traditionnelle de l’Eglise ; on lit dans son commentaire de la Somme (édition de 1540), in III^"’, q. 76, a. i : « … Consistit vis re-’< probationis (negantium) in hoc quod verbaDomini .< intellecta sunt ab Ecclesia proprie, et propterea ( oportet illa verilicari proprie. Dico autem ab Ecclesia : quoniam non apparet ex evangelio coactivum aliquid ad intelligendum liæc verba proprie. » Cette doctrine a été réprouvée par S. Pie V, qui a fait elTacer ces mots dans les éditions postérieures. Dans sa session xiii (oct. 1551), le concile de Trente argumente à la fois de l’Ecriture et de la tradition [ch. I, Denz., 8^4 (^55)] : « Quæ verba a sanctis Evan-’< gelistis commemorata et a Divo Paulo postea repetita, cum propriam illam et apertissimaui significationem præ se ferant, secundum quam a Patribus intellecta sunt, indignissimum sane flagitium

« est, ea a quibusdam contentiosis et pravis hominibus

ad lictitios et imaginarios tropos, quibus

« Veritas carnis et sanguinis Chrisli negatur, contra
« universum Ecclesiæ sensum detor([ueri. » 

Objections tirées des paroles de l’institution :

Le pronom toOtî, lioc, signifie ce que le Christ tenait dans ses mains, c’est-à-dire du pain ; dès lors, si l’on admet la présence réelle, il faudra dire avec les luthériens : « Ce pain est mon corps », ou bien interpréter violemment le verbe « est » au sens de

« est changé en », « ce pain est changé en mon corps ».

(Calvin, Instit., IV, xvii, 20.) — Depuis longtemps les scolastiques avaient résolu cette objection ; v.S. Thomas, IIP, q. 78, a. 5 : le pronom hoc ne signifie pas la substance du pain ni la substance tlu corps du Christ, mais, d’une façon indéterminée, la substance qui est contenue sous les espèces du pain et du vin. Cette réponse est parfaiteuienl juste si l’on donne à rîûrc (hoc) toute sa valeur prououiinale. On peut aussi ne voir dans roùrd hn (hoc est) qu’une seule locution, équivalente à tSoù (ecce) ; cf. Exod., xxiv, 8, dans la LXX : îëyj ri v.l<j.’y. tô ; ô t « <// ; >/ ;  ; , d tin s Ilcbr., ix, 20 : tîOtî T9 v.iixv. rr, i Siy.ô/y.r, :. Dès lors r<d)jection n’a plus de raison d’être, du moins en tant qu’elle porte sur la formule de l’institution.

Le mot - : "(v. dans l’Ecriture, signifie souvent non une identité, mais une signification symltolique. A. Réville cite dans ce sens (Manuel, p. 260), Joan., XIV, G ( « Je suis la voie, la vérité et la vie ») ; x, 7 ( « Je suis la porte des brebis ») ; xv, i ( « Je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron ») ; Matih.. xiii, 3^-39 ( « Celui qui sèuie la bonne semence, c’est le Fils de l’homme… »). Cf. Calvin, Iiistit., IV, xvii.

21, — On A’oit sans peine que tous ces exemples sont sans portée : dans tous les textes cités le contexte indique assez que Jésus n’exprime qu’une allégorie ou une parabole, et, par conséquent, détermine le sens symbolique de èirtv : dans les paroles de l’institution on ne trouve rien de tel ; dès lors, il est tout à fait arbitraire de ne pas laisser à i^-i-j son sens normal.

Au début du xix* siècle, on a cru trouvcr un argument pour l’interprétation symbolique dans ce fait prétendu que la langue araméenne, dont se servait Notre-Seigneur, n’avait qu’un même terme pour exprimer l’identité réelle et la représentation symbolique. Cf. HoRN, An introduction to the critical studyand hioaledge of ihesacred Scripture (London, 1820). — Cette assertion a été amplement et délinitivement réfutée par Wiseman, Horæ sir/flcæ (ouvrage reproduit dans Migne, Démonstrations éyangélifjues, t. XVI), cf. J. Lamy, Dissertatio de Syrorum fi de et disciplina in re eucharistica (Louvain, 1809) ; Ber-NiNG. Einsetzung, p. 197-208 et surtout 204-205.

Chez saint Paul et chez saint Luc, la consécration du calice se lit sous cette forme : « Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang. » D’après Calvin {Instit., IV, xvii, 23), cette expression plus développée fixe le sens de l’expression plus concise : « Ceci est mon corps », c’est-à-dire : « Ceci est la nouvelle alliance en mon corps » ; dans les deux cas, ce qui est afiirmé n’est pas une identité substantielle, mais une présence spirituelle. Cf. Grétillat, Exposé. IV, p. 007. — Si l’on compare entre elles la formule de Matthieu-Marc ( « Ceci est mon sang, le sang de l’alliance ») et celle de Paul-Luc ( « Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang »). on constate que cette dernière accuse, par sa forme même, le travail de la réfiexion ; l’autre, plus simple et i^lus limpide, a toute chance d’être primitive (cf. Rivière, Le dogme de la Rédemption, p. 85-86 ; Berni.xg, Einsetzung, p. 130-132) ; c’est donc avant tout la formule de Matthieu-Marc qu’il faut considérer. Au reste, les deux formules ont même valeur, à cela près cque celle de S. Matthieu afiirme plus directement la présence de la victime, celle de S. Paul, plus directement la réalité du sacrifice ; mais ces idées sont nécessairement corrélatives et sont énoncées comme telles : le sang que le Christ présente, d’après saint Matthieu, c’est le sang du sacrifice de l’alliance ; et l’alliance qu’il affirme, d’après saint Paul, c’est l’alliance scellée par son sang. On constate ici une fois de plus l’intiissoluble unité de ces deux idées, du sacrifice et de la présence réelle.

î) L’enseignement de S. Paul. — On étudiera plus bas (col. 1 505-1 566) le texte (I To ; -., x, 16-21)0Il S. Paul décrit la couimunion au corps et au sang du Christ, et on constatera que cette communion suppose, dans l’Eucharistie, la présence réelle de ce cori)s et de ce sang.

On arrive à la même conclusion en considérant le chapitre xi, où saint Paul, pour corriger les abus qui s’étaient introduits à Corinthe, rappelle l’instilution de l’Eucharistie par le Christ, et conclut au respect dû au sacrement. La partie essentielle de ce texte se répartit en deux sections : la in-emière (23-26) contient le récit de l’institution de l’Eucharistie ; la deuxième (27-29), les conclusions pratiques cpie l’apO » tre en tire. Nous ne reviendrons pas sur la pi-emière, ayant déjà montré comment le récit de saint Paul nous garantit historiquement le fait de l’inslitufioii de l’Eucharistie (col. 1552), et comment les paroles du Christ, qu’il rapporte comme les synoptiques, nous assurent de la présence réelle de son corps cl de son sang (col. 1556). Les conclusions qu’ajoute l’apôtre