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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/796

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EUCHARISTIE

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Ralschen, Flolilegiiim, p. 55, n. 1 ; Batiffol, L’Eucharhtie

  • , p. 348-351.

S. Grégoire de Nyssb affirme aussi énergiquement (^Orat. catech., xxxvii)la conversion du pain au corps du Christ ; pour l’expliquer, il compare ce changement à celui des aliments assimilés par le corps humain ; il note toutefois cette différence (P. G., XLY, 9^ A ; éd. Srawley, p. 150)que « ce n’est pas par la

« voie de l’aliment que le pain arrive à être le corps
« du Verbe ; il se transforme aussitôt en son corps, 
« par la parole, selon qu’il a été dit par le Verbe : 
« Ceci est mon corps ».

Sans doute, cette comparaison n’est pas de tout point exacte : en la reprenant, presque dans les mêmes termes, Dlraxd (in sentent., IV, ii, 3) arrivera à la théorie erronée delà transformation ; aussi M. Srawley peut-il dire dans son introduction (p. xl) :

« Le langage de Grégoire implique seulement un
« changement de « forme « ; il n’enseigne pas, comme
« font plus tard les scolastiques, un changement à
« la fois de matière et de forme. » Il semble toutefois

peu équitable d’identifier la doctrine de S. Grégoire et celle de Durand : la comparaison de la nutrition n’a pas au iv^ siècle la portée qu’elle aura au xiv^ siècle ; chez Durand, elle mai-que une réaction consciente contre une doctrine déjà clairement établie ; chez S. Grégoire, elle est un essai d’interprétation d’un mystère encore très imparfaitement exploré. Cf. TixEROXT, Histoire des dogmes, II (Paris, 190g), p. 183 : « S’il ne s’est pas expliqué aussi complètement qu’on le fera plus tard, il n’en reste pas moins

« qu’il a nettement orienté la pensée chrétienne vers
« l’idée de transsubstantiation. Et quel exemple
« aurait-il donc pu trouver dans la nature de ce que
« représente ce mot ? » 

En Occident, il faut recueillir surtout le témoignage de S. Ambroise, Be mrsteriis, ix, 62 :

K Sacramentuin istud, quod accipis, Christi sermoneconficitur. Quodsi tantum valuit sermo Eliae, ut igiiem de cælo deponeret ; non valebit Christi sermo, ut species mutet elementorum ? De totius mundi operibus legisli : Quia ipse dixit, et facta sunt ; ipse mandavit, et creata sunt. Sermo ergo Christi, qui potuit ex nihilo facere, quod non erat. non potest ea, quæ sunt, in id mutare, quod non erat ? Non enini minus est no vas rébus dare, quani mutare naturas… 53. Ipse clamât Dominus Jésus : Hoc est corpus meum ; ante benedictionem verborum cælestium alia species nominatur, post consecrationem corpus significatur. Ipse dicit sanguinem suum ; ante consecrationem aliud dicitur, post consecrationem sanguis nuncupatur. » (Malgré les doutes de Loofs, Realencyklopàdie, I, p. 61, l’authenticité du De mysteriis est très assurée ; v. Batiffol, L’Eucharistie’^, p. 324 sqq.)

On trouve une doctrine aussi explicite dans le De Sacramentis, iv, 14-15.

Ces textes sont d’autant plus remarquables qu’ils sont empruntés, comme ceux de S. Cyrille de Jérusalem, à des catéchèses populaires ; on n’a donc pas ici la spéculation personnelle de quelques théologiens se frajant leur voie vers une interprétation nouvelle du dogme, mais bien l’exposition de la doctrine élémentaire de l’Eglise, faite par des évêques à leurs néophytes.

Les controverses cbristologiques du v" siècle obscurcirent dans les milieux nestoriens et antiochiens la doctrine de la transsubstantiation. On a vu plus haut(col.l570) les liens étroits qui unissaient la théologie de l’Incarnation et celle de l’Eucharistie ; il n’est donc pas surprenant que Nestoiius ait eu recours aux analogies eucharistiques. Dans le Bazar d Iléraclide (Bethune-Baker, Natorius and his teaching (Cambridge, 1908), p. 145-146), il nie que le pain subisse aucun changement de nature (sjî-t’a). On retrouve un raisonnement analogue chez un évéque de la

minorité antiochienne, Eutherius de Tyane (Ficker, Eut /ierius l’on Tyana (Leipzig, 1908), p. 20-21 ; cf. Batiffol, L’Eucharistie^, p. 435 sq.}.

Après le concile de Chalcédoine, les théologiens d’Antiocïie et ceux qui ont subi leur influence se sont servis assez souvent de l’analogie de l’eucharistie pour combattre lemonoplivsisme : Ilhf.ouo’rb.t, Eranisles, [P. G., LXXXIII, 56), 11(165-169). III (26<f-272) ; lepapeGÉLASE, Tract. III, de duabus naturis (éd. Thiel, p. 541. 542) ; Pseudo-Chrt-SOSTO. ME, Episi. adCæsar. (P. G., LU, 758) ; Ephre.m d’An-TiocHE, ap. Phot., cod. 229 [P. G., CIII, 980). Le but immédiat de ces auteurs est d’établir que le Christ a conservé, même après l’Ascension, les propriétés distinctives de la nature humaine, de même que, dans l’eucharistie, on reconnaît, même après la consécration, la permanence d’un élément visible et tangible ; dans ces limites, cet argument était trèsjuste ; maisil pouvait entridner ces auteurs à confondre la permanence de la substance du pain avec celle des qualités sensibles ; et, en effet, Théodoret et Pseudo-Chrisostome semblent n’avoir pas évité cette confusion. Cf. J. LebketO’S. Le dogme de la transsubsiantiation et la christologie antiochienne du v° siècle jReport of the 19" Eucharistie Conqress [1908], p. 326-346 ; et Etudes, CXVII [1908], p. 477 sqq.).

La croyance à la transsubstantiation, que nous avons trouvée si clairement exprimée au ive siècle, se perpétue dans l’Eglise grecque et l’Eglise latine, V. g. S. Cyrille d’Alexandrie, In Matili., xxvi, 27 {P. G., LXXII, 452) ; S. Jean Damascène, Be fide 01thodoxa, IV, 13 (P. G., XCIV, 1144) ; cf. Batiffol, U Eucharistie, p. [bb sq. Ainsi, longtemps avant la définition de Latran, le dogme de la transsubstantiation est consacré par la tradition ; mais ce sera surtout à partir de cette date cjue s’en élaborera l’interprétation thcologique.

C. — Le sacrifice

L’historien protestant K. G. Goetz (Die Ahendmahlsfrage, p. 184) remarque que, dans l’interprétation de la tradition patristique relative au sacrifice eucharistique, les historiens protestants du dogme se sont bien rapproches des positions catholiques. Pour apprécier la justesse de cette remarcjue, il suffit de lire F. Kattenbusch, art. ^Jesse, dans Realencyklopàdie, xii, 664-685 ; même progrès chez les anglicans : M. GoRE(7’Ae hody of Christ, p. iS^) commence son chapitre sur le sacrifice eucharistique par ces mots : « Il est indubitable que, dès la date la plus

« ancienne, l’Eglise chrétienne a regardé l’Eucharistie

comme un sacrifice. »

Cette conception se rencontre, en effet, déjà dans la Didaché (xiv, i-3^ : « Au jour du Seigneur, dans

« votre réunion, rompez le pain et rendez grâces
« (£v ; ^a51JT/ ; (7aTï), après avoir confessé vos péchés, 
« pour que votre sacrifice ((/vt(k) soit pur » ; et l’auteur

confirme son conseil en citant la prophétie de Malachie (i, 11) sur le « sacrifice pur » qui sera offert en tout lieu. On retrouve la même idée chez S. Clément DE Rome : les oblations des prêtres chrétiens sont rapprochées par lui des sacrifices offerts par le sacerdoce juif (I Clem., xL-xLiv). S. Justin insiste davantage sur le caractère sacrificiel de TEucharistie : dans le Dialogue (xli, lxx, cxvi, cxvii) il lui applique la prophétie de Malachie (i, 11) et en même temps il spécifie que cette oblation eucharistique est faite en souvenir de la passion du Seigneur.

Ainsi qu’on l’a dit plus haut (col. 1566), M. Wieland pense que jusqu’à S. Irénée les chrétiens ne connaissent d autre sacrifice que la prière et l’action de grâces (Mensa und Confessio, p. 47-52 ; Der l’orirendische Opferbegriff, p. 34 131 ; cf., dans l’autre sens, Dorsch, Der Opfercharakterder Eucharistie, p. 220-276, et aussi Renz, Geschichte des Messopfer-Bes^riffs, I, p. 142-179). C’est une interprétation inexacte des textes : sans doute, les apologistes.