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EUCHARISTIQUE

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Acta et decr. concil. receiitior., t. ii, iS^G, col. ^Sg- 1 440, 551.)

Outre ces déclarations de TEglise, il faut rappeler ce principe théologique très important, que la transsubstantiation est un acte instantané, comme, du reste, tout changement substantiel. Il y a donc pendant la célébration de la messe, un moment précis où s’opère le changement du pain et du vin au corps et au sang de J.-C, et l’on ne saurait reproclier aux scolastiques d’avoir cherché à déterminer cet instant. Dès lors, si les paroles de l’institution, d’après l’intention de l’Eglise et aussi d’après l’intention même du Christ telle qu’elle ressort du récit des synoptiques et de S. Paul, sont la forme de l’Eucharistie, on ne pourra pas dire que l'épiclèse joue également ce rôle.

III. Données liturgiques. — Nous nous bornerons à dire un mot de l’extension liturgique et de l’origine de l'épiclèse. Bien que la lumière ne soit pas encore complète en ces matières fort complexes, nous pouvons, avec un groupe assez nombreux de liturgistes (HoppE, Probst, Dcciiesxe, Fcxk, Cabrol. Cagix, etc.) admettre l’existence de l'épiclèse, à la place que nous avons dite, dans toutes les liturgies anciennes d’Orient et d’Occident, au moins à partir de leur période de fixation, c’est-à-dire au iv' siècle.

Pour l’Orient, toute démonstration est superflue : il suffit de parcourir les recueils de Rexaudot, Daniel, Hammoxd, Brigiitmax. Bornons-nous à signaler ici le fait d’une épiclèse très explicite, après les paroles de l’institution, dans les anaphores les plus anciennes, comme celle des Constitutions apostoliques, celle de S.Jacques, celle de S.Marc. L’anaphore de Sérapion de Thmuis, qui représente la liturgie égyptienne du milieu du iv' siècle, a de même son épiclèse après le récit de la cène, avec cette particularité qu’au lieu de solliciter l’intervention eucharistique du S. -Esprit, elle sollicite celle du Verbe. Mais ce détail mis à part, son contenu est identicjue à celui des autres épiclèses. Notons aussi, à propos des liturgies égyptiennes, que, tout en ayant leur épiclèse normale après les paroles de l’institution, elles possèdent, en outre, entre le Scmctus et ces paroles, une sorte de prolepse de l'épiclèse, plus ou moins explicite suivant les cas. Cette caractéristique, déjà remarquée par Hoppe et par Renaudot, empêche de voir i e exception à l’universalité liturgique de l'épiclèse dans le fragment découvert en 1907 à Deir Balyzeh. Ce fragment grec, écrit sur un papyrus du Ail' ou du VIII siècle, comprend la lin de la préface, le Sductiis avec la prolepse d'épiclèse dont nous venons de parler, le récit de la cène et l’anamnèse ; mais la suite reste encore à trouver. Que cette suite possédât l'épiclèse proprement dite, la chose ne me parait pas douteuse, étant donnée l’analogie que présente la nouvelle anaphore avec les autres liturgies égyptiennes déjà connues. Voir Echos (V Orient. t. Xn. nov. 1909, p. 829-335, où j’ai exposé les raisons de ce jugement, contrairement aux vues de Dom P. DE PcxiET, qui a publié le manuscrit de Deir Balyzeh à l’occasion du Congrès eucharistique de Londres, en 1908. Voir aussi dans le même sens un article de Mgr Batii-i-ol, dans la He<, 'iie du Cler<(é français, le"" déc. 1909, p. 528-530. — L’universalité liturgique de l'épiclèse est donc certaine pour l’Orient.

Quant à l’Occident, la conclusion la plus probable des recherches pratiquées à travers les textes, c’est qu'à partir d’une époque difficile encore à préciser, l'épiclèse y a été atténuée, déplacée ou môme supprimée. Mais son existence antérieure n’en doit pas

moins, croyons-nous, être tenue pour assxirce. Elle était générale au a" siècle dans la liturgie gallicane, à laquelle se rattache la liturgie Avisigothique ou mozarabe, comme dans celles de Milan et de Rome (RausciiEX, Eucharistie und Busssakrament in den ersten sechs Jahrhund., Frihonrg-en-B., 1908, p. 87 ; trad. franc, par Decker et Ricard, Paris, 19 10, p. 108). Pour l'épiclèse gallicane et mozarabe, on trouvera une imposante série de formules très explicites dans l’ouvrage de Hoppe, Die Epiklesis, SchafFhouse, 1864, p. 71-92. Les noms mêmes qu’on leur donnait, Post mrsterium, Post sécréta, Post pridie, indiquent que ces oraisons occupaient, après le récit de la cène (Qui pridie), une place exactement correspondante à celle des épiclèses orientales dont elles reproduisent le sens général. A Milan, l'épiclèse n’a disparu qu’au Aine siècle (Ralschen, op. et loc. cit.). A Rome, une lettre du Pape S. Gélase (492-496) à Elpidius de A’olterra atteste son existence (Thiel, Epist. roni. poniif. ^enuinae, t. I, p. 486). On a cru longtemps que cette épiclèse romaine était aA-ant le récit de la cène et échappait ainsi à la difficulté rjue présentent les autres liturgies. D’après ceUe opinion, qui garde encore quelques partisans, ce serait l’oraison Quant ohlationem cpii représenterait l'épiclèse. Mais l’analogie générale entre le canon occidental et les anciennes anaphores d’Orient, les similitudes remarquables du canon romain et du canon gallican, permettent d’affirmer, malgré toutes les opinions contraires, que le Supplices te rogamus représente l’ancienne épicièse romaine, « dont la forme a été légèrement modifiée pour cviter les erreurs d’interprétation auxquelles a donné lieu l'épiclèse dans certaines liturgies « (Cabrol, Dict. d arch. chrét. et de lit., art. Anamnl-se. t. I. col. 1885). Toutefois, il est possible que le canon romain ait eu jadis, comme l’anaphore égyptienne, une double épiclèse : l’une, plus courte, avant le récit de la cène (= Quant ohlationem) ; l’autre, plus explicite, l'épiclèse normale (^ Supplices te) après ce récit. Voir mon article /^'épiclèse dans le canon romain de la messe, dans Revue Aus ; ustinienne. mars 1907, t. XIV, p. 303 318. On peut donc soutenir, croyons-nous, que l'épiclèse existait dans toutes les liturgies au ia « siècle. Est-ce à dire qu’elle ait été absolument primitiAC ? Cette universalité porterait à le penser, et plusieurs liturgistes l’ont admis. L’analogie générale des anaphores suppose, en effet, un fonds commun de la liturgie primitive, dont l'épiclèse pourrait bien avoir fait partie (Cabrol. op. cit.. art. Anaphore, t. I, col. 191 2, et Canon, t. II, col. igoo). Quelques auteurs, ScHERMAXX. Baiaistark, Buchaa’ald, auxqucls semble se rallier Raischex, — Batiefol A^oit dans l'épiclèse du S. -Esprit une évolution de l'époque constantinienne — ont essayé récemment de prouvcr que l'épiclèse du S. -Esprit datait seulement de l'époque des pneumatomaques (fin du iv^ siècle). Cette hérésie a provoqué sans doute l’addition de la série plus ou moins longue d'épithètes dont le Saint-Esprit se trouvc qualifié en maintes liturgies, comme celles de S. Jacques et de S. Marc, mais « l’existence de l'épiclèse est incontestablement antérieure « (Cabrol, op. cit., t. I, col. 1918). En tout cas, l'épiclèse du "Verl)e qui, d’après ces auteurs, aurait précédé celle du S. -Esprit, laisse la difficulté intacte, puisqu’elle a même place et même sens. — S’il était prouAé que la Constitution ecclésiastique égyptienne fût antérieure au livreVIII des Constitutions apostoliques, on pourrait supposer que l'épiclèse priinitiAC, tout en aj^ant sa place après le récit de la cène, ne sollicitait que l’effet spirituel du sacrement et du sacrifice, sans mentionner la demande de transsubstantiation. La ' conclusion serait, certes, intéressante pour la théo-