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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/809

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ÉVANGILES CANONIQUES

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nos quatre Evangiles ; il les donne comme de tradition ancienne, seuls reconnus dans l’Eglise, u Cette parole, dit-il à un gnostique qui lui allègue une citation d’apocryphe, ne se lit pas dans les quatre Evangiles que nous a transmis la tradition, mais dans celui des Egyptiens. » Strom., Ill, xiii.

Ailleurs, il précise qu’on les tient pour œuvres d’apôtres ou de disciples immédiats des apôtres, et cite à ce sujet le témoignage de ses prédécesseurs dans l’école d’Alexandrie : « L’ancien disait que les premiers Evangiles dans l’ordre de la composition sont ceux qui contiennent les généalogies (c’est-à-dire ceux de saint Matthieu et de saint Luc). Voici à quelle occasion fut rédigé celui de Marc. Lorsque Pierre eut prêché publiquement le verbe à Rome, et promulgué l’Evangile sous l’inspiration de l’Esprit, beaucoup de ses auditeurs exhortèrent Marc, qui depuis longtemps l’accompagnait et savait par cœur ce que l’apôtre avait dit, à mettre par écrit ce qu’il avait entendu. Marc composa donc son Evangile et le donna à ceux qui le lui demandaient. Ce qu’ayant appris, Pierre ne s’opposa point au dessein de son disciple, mais ne lit rien non plus pour l’encourager. Quant à Jean, le dernier de tous, conime il vit que les autres évangélistes avaient fait connaître l’histoire corporelle du Christ, à la demande de ceux qui vivaient avec lui et inspiré par l’Esprit-Saint, il écrivit l’Evangile spirituel. )iIIypotrposeon, lib. Vil, dans Euskbe, Hist. eccl., VI, XIV ; cf. il, XV.

4. Tertiillien {200*). — Dans l’Afrique septentrionale, à Carthage, entre 190 et 220, Tertullikn tisse ses écrits de citations des Evangiles et fait allusion à une version latine déjà ancienne et largement usitée dans sa région. De monogamia, c. xi ; Adv. Praxeam, c. v. Comme Clément d’Alexandrie, il croit que les quatre Evangiles du canon, et ceux-là seulement, sont en possession de lusage ecclésiastique depuis le temps des apôtres, et il oi)pose cet argument de prescription juridique aux hérétiques contre lesquels il disserte. Ads Marcion., IV, v.

Il tient également pour un fait indiscutable que l’Eglise jouit de ses quatre Evangiles depuis l’âge apostolique et les regarde comme œuvres respectives de saint Matthieu, de saint Marc, de saint Luc et de saint Jean. « Nous soutenons avant tout, dit-il, que l’instrument évangélique a pour auteurs les apôtres, auxquels le Seigneur a contié la charge de promulguer l’Evangile ; ou, si ces auteurs sont des disciples d’apôtres, ils n’ont i)u l’écrire seuls, mais avec les apôtres, et d’après les apôtres. La prédication des discii>les, en elfet, aurait pu devenir suspecte de vaine gloire, si elle n’avait été assistée de l’autorité de leurs maîtres. Enfin, d’entre les apôtres, Jean et Mattliieu nous donnent la foi ; d’entre les disciples, Marc et Luc nous la renouvellent. » Adv. Marcion., IV, 11.

5. >'. Irénée (180*). — Dans les Gaules, saint Iuknf.e, évêque de Lyon, publie entre 177 et 189 son grand Traité contre les hérésies. Lui aussi se réfère si fréquemment au texte des Evangiles que l’on pourrait presque reconstituer la totalité de nos documents à l’aide de ses citations. Lui aussi tient le nombre de quatre Evangiles pour définitif et en quelque sorte sacramentel : il n’y a et « il ne peut y avoir que quatre I^^nngiles, ni plus ni moins » ; c’est « ^E^angile fjuadiiforme, qui est dominé ])ar un seul Esj)rit », et qui est figuré ])ar les quatre vents qui souHlent sur la terre, les quatre ])aities du monde, les quatre figures des animaux d’Ezéchiel. Contra Ilæres.. III, XI, 7-9, etc.

Lui aussi insiste auprès des hérétiques sur ce fait que l’usage de nos quatre Evangiles et la croyance en leur origine apostolique sont un legs de la tradition.

« Parmi les Hél)rcux, dit-il, Matthieu écrivit, dans

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leur propre langue, l’Evangile, tandis que Pierre et Paul prêchaient à Rome et fondaient l’Eglise. Après leur départ (yîTà ôi tvj-oj-zwj Èçiôsv), Marc, disciple et interprète de Pierre, mit aussi par écrit la prédication de Pierre. A son tour, Luc, compagnon de Paul, publia en un livre l’Evangile prêché par celid-ci. Enfin, Jean, le disciple du Seigneur, celui qui avait reposé sur sa poitrine, donna lui aussi son Evangile, tandis qu’il résidait à Ephèse, en Asie. » Contra Ha ères., III, I, I.

6. Canon de Miiratori (d*). — A Rome, le document généralement appelé Canon de Muratori (du nom du savant italien qui l’a découvert et publié en 1740), et <’l’on trouve énumérées les Ecritures du Nouveau’lestainent, telles qu’elles étaient lues dans l’Eglise romaine entre 170 et 200, atteste que dès cette époque, en cette contrée, les quatre Evangiles faisaient partie du recueil biblique. La pièce, mutilée, débute par la mention de l’Evangile de saint Luc, mais désigné expressément comme le troisième. « En troisième lieu, l’Evangile selon Luc. Ce Luc, médecin, après l’ascension du Christ, avait servi de compagnon à Paul dans ses vojages. Il écrivit en son propre nom, avec ordre, sans pourtant avoir lui-même au le Seigneur en sa chair ; mais, selon qu’il put se renseigner, il commença son récit à la nativité de Jean. En quatrième lieu, l’Evangile de Jean, d’entre les disciples. Celui-ci, exhorté par ses condisciples et évêques, leur dit : Jeûnez avec moi, aujourd’hui et ces trois jours, et ce qui aura été révélé à chacun, nous le reproduirons chacun pour notre part. La même nuit, il fut révélé à André, d’entre les apôtres, que Jean fît de toutes choses une relation en son nom, qui serait ensuite approuvée de tous. >- E. Preuschen, Analecta, p. 12g ; Th. Zahn, Geschichie des neutest. Kanons, t. II, p. iSg.

7. l’Appréciationdes témoignages. — Ce qui ressort de ces nombreux documents, c’est que, dans toutes les Eglises du monde romain à la fin du 11’siècle : 1° nos quatre Evangiles canoniques sont connus et employés d’une manière intense : ils sont lus officiellement dans les assemblées chrétiennes, témoin le Canon de Muratori ; ils sont lus couramment par les fidèles, témoin le Diatessaron, les anciennes versions syriaques et l’antique version latine ; ils sont cités abondamment par les écrivains ecclésiastiques, témoin les œuvres de saint Irénée, de Clément d’Alexandrie, de Tertullikn ; — 2° on les tient pour un patrimoine sacré dans les Eglises, et, en se basant sur la tradition même, on les croit et on les proclame iiautenient d’origine ajiostolique, à la différence des apocryphes.

Or, un usage aussi universel et aussi solidement établi, une croyance aussi générale et aussi sûre, |)iésentée aux hérétiques mêmes comme croyance traditionnelle des Eglises, ne se comprendraient évidemment i>as, si les Evangiles étaient récents à cette époque. L’état de la tradition au dernier quart du 11’siècle oblige, de toute rigueur, à les rapporter à une époque déjà éloignée, au moins à la seconde, sinon à la troisième génération antérieure, c’est-à-dire au moins à la fin du 1" siècle.

8. Cet argument prend une signification encore plus spéciale, si l’on observe que la tradition des Eglises, au cours du 11’siècle, n’était pas quelque chose de vague et de vaporeux, mais au contraire de précis et de bien assuré. On n’était, en cflVt, qu’à un siècle des temps apostoliques ; l’histoire des Eglises j>arliculières ne se ])erdait ])as dans la nuit d’un long passé ; la tradition y était vivante ; les presbytres ou anciens en étaient les dépositaires et les gardiens ; rien n’était plus facile que de suivre les courtes étapes de cette tradition jusqu’aux origines. On savait,

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