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APOCALYPSE

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APOCALYPSE'. — I Origine. — II. Composition. 111. Interprétation générale.

Trois groupes de problèmes sollicitent, relativement à l’Apocalypse, l’attention de l’apologète. Ils ont trait à l’origine de ce livre, à sa composition, à son interprétation générale.

I. — Origine de l’Apocalypse. — La discussion porte sur l’auteur et sur la date.

A. Auteur. Jean l’apôtre ou Jean le presbytre ? Malgré l’existence d’opinions divergentes, comme celle de Joli. Weiss, qui propose un clirétien inconnu écrivant sous Domitien (Die Offenharung des Johannes, 1904), telle semble bien être de plus en plus la nécessaire alternative. Mais tandis que l’Eglise catholique, sans cependant l’imposer à la foi, témoigne fortement en faveur de Jean l’apôtre, les critiques non catholiques se prononcent, en grand nombre, pour le presbytre. Leur accord est assez marqué et la difficulté du problème assez réelle pour qu’un savant anglais, qui ne donne pas du tout dans les excès de la critique radicale, H. B. Swete, s’en soit montré récemment impressionné. Tout en inclinant à maintenir Tattribution traditionnelle à Jean, lils de Zébédée, il avoue sa perplexité et qu’il faudrait peu de chose pour le gagner à la cause du presbytre (The Apocalypse of S. John, 1906). Essayons de saisir, dans leurs éléments essentiels du moins, les raisons qui ont persuadé ces critiques et demandons-en l'énoncé à W. BoussET dont le commentaire : Die Offenharung Johannis, 6* éd., 1906, jouit d’une estime méritée.

La provenance asiate ou éphésienne de l’Apocalypse est, pour Bousset, hors de discussion, ainsi que sa composition par un Jean d’Ephèse. La difficulté gît tout entière dans l’identitîcation de ce personnage. Le texte célèbre de Papias cité par Eusèbe {Hist. Ecclés., III, 89) mentionne, en effet, deux Jean. Le premier est qualilîé d’apôtre et c’est le fils de Zébédée ; le second reçoit le titre de presbytre et de disciple du Seigneur. Lequel des deux est ce Jean d’Ephèse auquel la tradition attribue l’Apocalypse ? En réponse à cette question, Bousset s’attache à établir, par ordre, les propositions suivantes, i* Les plus anciens écrivains ecclésiastiques ne connaissent, en fait de personnage important ayant vécu à Ephèse dans la seconde moitié du premier siècle, qu’un seul Jean. Denys d’Alexandrie (-|- 26/1) est le premier qui en mentionne clairement deux. Mais, ce faisant, il ne se réclame d’aucune tradition précise, et se contente d’alléguer que, de son temps, d’après les dires de ceux qui ont Aisité Ephèse, l’on montre en cette ville deux tombeaux (, uvv : y.Kra) au nom de Jean. L’argument est peu concluant. 2" Cet unique Jean d’Ephèse n’est pas l’apôtre mais le presbjtre. Divers indices rendent très vraisemblable que Jean l’apôtre, comme son frère Jacques, a souffert le martjre en Palestine, de la main des Juifs ou par leur fait, antériem-ement à 70. C’est d’abord un texte de Papias, que nous ont conservé l’auteur d’un Epitome (vii’VIII* siècle) de l’Histoire Chrétienne de Philippe de SiDE {'- 430)et le chroniqiu’ur Georges Hamartolos (ix* siècle). C’est ensuite le texte de Marc, x, 3g, qui a tout l’air d'être, au moins sous sa forme actuelle, une prophétie ex e<.-enfu. Le Jean qui vivait à Ephèse Acrs la iin du premier siècle n’est donc pas le lils de Zél)édce. En second lieu, il est remarquable que les écrivains du second siècle (sauf Justin) ne donnent jamais à leur Jean d’Ephèse le titre d’apôtre mais, avec insistance, celui de disciple. Cela s’explique si ("est-du presbytre qu’ils Aculcnt parler. Enfin, d’après la tradition, ce Jean d’Ephèse a composé le lY* Evan ;  : ile. Or l’auteur de cet Evangile ne peut être le fils

de Zébédée. Le témoin de la vie de Jésus que nous y entendons est un Hiérosolymitain et nullement un Galiléen. Ce témoin est le « disciple bien-aimé ». Mais le disciple bien-aimé, identique à cet « autre disciple » qui introduit Pierre dans l’atrium de Caïphe et dont on nous dit qu’il était en relations (/vwTTo ;) avec le grand prêtre (Jo., xviii, 15), qui possède à Jérusalem une maison où il reçoit la mère de Jésus (ibid., xix, 27), s’affirme encore comme Hiérosolymitain et paraît appartenir à un tout autre monde que Jean, le pêcheur de Galilée. Ainsi donc, au témoignage même du IV' Evangile, Jean d’Ephèse n’est pas l’apôtre Jean ; ce ne peut être cque le presbytre. 3° De tout ceci il résulte que le presbytre Jean est précisément le « disciple bien-aimé » un Hiérosolymitain, peut-être de race sacerdotale et en tout cas de condition élevée.

Voici maintenant sur cette série de raisonnements quelques brèAes remarques. Beaucoup de savants catholiques, quoique par des considérations différentes, seraient assez disposés à admettre la première affirmation de Bousset. Plusieurs, comme tout récemment Lepin (L’Origine du quatrième évangile, 1907), ne reconnaissent pas dans le texte de Papias deux Jean, l’apôtre et le presbjtre, mais un seul, réunissant ces deux titres. Ladeuze, tout en admettant que Papias fait mention de deux Jean, ne voit aucune raison de considérer le presbytre comme un personnage éphésien, ou même asiate (L’origine du quatrième évangile, Rev. Bibl., octobre 1907). De fait, si vraiment il n’y avait eu qu’un Jean d’Ephèse, on s’expliquerait beaucoup mieux le peu de soin cjue prennent les écrivains du second siècle de préciser l’identité du Jean auquel ils attribuent le IV' Evangile et l’Apocalypse. Où Bousset se trompe, c’est quand il prétend que s’il n’y a eu qu’un seul Jean d’Ephèse, ce Jean est sûrement le presbytre. Les preuves qu’il allègue en faveur du martyre de Jean l’apôtre en Palestine et avant 70 ont bien peu de valeur. Si l’on considère d’une part les attaches romaines du second Evangile, et l’existence d’avitre part d’une tradition romaine relative à la mort naturelle de Jean l’apôtre dans un âge avancé, il devient impossible, ne fût-ce que de ce chef, d’admettre l’explication qu’il donne de Marc, x, 89. Le prétendu texte de Papias cité par l’abréAiateur de Philippe de Side et, peut-être, par Georges le Pécheur, semble bien avoir été ignoré d’Eusèbe qui, s’il l’avait connu, n’eût point manqué d’en tirer argument contre l’autorité de l’Apocalypse. C’est enfin un véritable paradoxe d’avancer que les écrivains du second siècle, Irénée, Polycrate, etc., quand ils parlent de Jean d’Ephèse veulent désigner non l’apôtre, fils de Zébédée, mais un autre Jean, disciple du Seigneur, le presbytre. De cela non plus Eusèbe ne s’est pas douté. Bousset lui-même paraît d’ailleurs avoir conscience de ce que cette hypothèse offre d’invraisemblable, et il est obligé d’en venir à l’explication habituelle d’une confusion. Il le faut bien d’ailleurs pour Justin qui est formel (Dialogue, 81). Mais cette confusion, si Jean l’apôtre n’a jamais vécu à Ephèse, est singulière. Enfin, comme l’a noté Saxday, c’est à l’identification du presbytre Jean avec le « disciple bien-aimé >> que l’attribution des écrits johanniques à ce personnage est redcvable de ce qu’elle peut « ivoir, à première vue, de séduisant. Seulement cette identification se heurte à d’insurmontables diftîcultés. Les synoptiques semblent bien exclure la présence à la Cène de tout disciple en dehors des Douze. D’autre part, ce disciple mystérieux, associé si intimement à Pierre dans les deux circonstances rapportées plus haut et encore Jean, xx, 1-18, puis xxi, 1 5-23 (en Galilée), il est bien difficile que ce ne soit pas celui-là