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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/860

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ÉVANGILES CANONIQUES

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commandalion de reproduire le même rite en mémoire de lui, s’il a soulTert enfin la mortelle agonie que les Evangiles racontent à la pensée de sa passion imminente (cf. ibid., p. 822 sq.), il faut bien lui reconnaître également une prescience d’ordre miraculeux et une véritable liberté dans son sacrilice. — De même encore, s’il est vrai qu’il a subi le supplice déconcertant de la croix, que son cadavre a été enseveli dans un tombeau, que néanmoins très peu après, à Jérusalem, à proximité de ce tombeau et du Golgotha, les apôtres ont été convaincus de la résurrection de leur Maître, au point de la proclamer en pleine ville sainte, à la face des Juifs et d’obtenir là le succès prodigieux que nous savons (cf. ihiJ., p. 83 1 sq.), force est Ijien d’accorder que le fait de la résurrection a pour lui les preuves les plus solides, et que ce fait surnaturel par excellence est aussi un fait historique bien constaté.

Ainsi, la critique rationaliste semble acculée fatalement à l’une ou l’autre de ces deux extrémités : ou de nier a priori l’historicité des Evangiles, au mépris des garanties incontestables qu’ils offrent du côté de leur origine scientilîquement considérée ; ou d’admettre l’historicité des documents dans une mesure qui rend impossible de réduire raisonnablement leur contenu à l’interprétation purement naturelle.

SS4. /( L’hypothèse, essentielle à toute interprétation rationaliste, d’un travail considérable d’idéalisation mythique est en contradiction avec plusieurs faits certains. — Que l’on prenne d’ailleurs le sj’stème radical de Strauss et de M. Loisy, ou que l’on s’en tienne au système plus modéré de la plupart des critiques indépendants, on n’arrive à éliminer le surnaturel des Evangiles que par l’hypothèse d’un travail considérable d’idéalisation mythique qui se serait opéré sur l’histoire-. Or, cette hypothèse, indépendamment de la question de l’origine réelle de nos documents, se trouve en contradiction avec un certain nombre de faits, nullement hypothétiques, mais certains, et dont la signification est très claire.

Lorsque nous avons voulu établir la sincérité de nos évangélistes (n°* 188-194), nous avons mis en avant que ces écrÎA’ains ont su faire abstraction de leurs idées personnelles, des tendances de leur milieu, des croyances de l’Eglise de leur temps, pour reproduire l’histoire dans sa pure vérité, sur plusieurs points importants, tels que le portrait moral des apôtres, la peinture de l’idéal messianique des disciples de Jésus, la personne même du Sauveur. Or, ces faits ne nous assurent pas seulement la sincérité de nos auteurs : ils nous garantissent également leur indépendance à l’égard d’un travail inconscient d’idéalisation.

Si quelque perspective ancienne risquait, en effet, d’être déformée sous l’influence des nouvelles conceptions, c’étaient assurément la condition imparfaite et grossière des apôtres du vivant de Jésus, l’état d’esprit des disciples par rapport à la destinée du Maître et à la nature du royaume, la condition humaine du Fils de Dieu aux jours de sa vie terrestre. Fatalement, sendjle-t-il, prédicateurs et catéchistes devaient incliner à laisser dans l’oubli ce qui était si fort en opposition avec les idées récentes, à voiler et dissimuler ce qui paraissait n’être plus en harmonie avec la foi actuelle, sinon à le corriger et remplacer par des réalités mieux en rapport avec les exigences du temps présent.

Rien cependant de mieux constaté que l’indépendance de nos évangélistes, et de la tradition qui est à leur base, à l’égard de telles préoccupations. Même les faits ou les déclarations synoptiques que Strauss et M. Loisy jugent particulièrement significatifs de

la divinité du Christ (cf. Re’ue prat. d’Apolog., t. X, p. 834 s<l-)> loiri d’infirmer cette constatation, ne font que la renforcer. Quelque expressifs, en eftet, que ces traits soient en réalité, ils n’en sont pas moins étonnamment discrets quand on les compare à la croyance attestée dans les Epîtres de saint Paul, et il demeure tout aussi incontestable que l’humanité du Sauveur est accusée, au contraire, dans nos Evangiles avec un relief très accentué.

Il reste donc vrai que les Synoptiques se tiennent indépendants de la foi nouvelle de l’Eglise, dans une mesure qu’on a le droit de trouver remarciuable. Et cette immunité de nos écrits par rapport aux idées ambiantes, sur des points où leur influence devait se faire sentir si puissamment, est extrêmement significative. La fidélité des évangélistes à s’abstraire des conditions présentes pour reproduire la vérité de l’histoire se constate là justement où on peut la contrôler d’une manière un peu précise : c’est une constatation qui rassure pleinement sur leur fidélité pour l’ensemble.

285. Critique des interprétations rationalistes portant sur les principaux points qui intéressent la foi. — Il nous faudrait maintenant critiquer directement les positions prises par les rationalistes à l’égard des principaux points des Evangiles qui intéressent la foi, savoir : la messianité de Jésus, ses miracles, sa prévision de sa mort et l’offrande qu’il en a faite en sacrifice, sa résurrection, sa divinité, sa conception virginale (n° 217). En nous plaçant sur leur terrain, nous pourrions nous rendre compte que leurs hypothèses, radicales ou modérées, destinées à éliminer de l’histoire évangélique les éléments surnaturels, sont sans fondement sérieux, et qu’au contraire l’historicité de ces éléments s’impose au point de vue même d’une critique strictement scientifique.

On trouvera cette critique détaillée dans la Revue pratique d’Apologétique, novembre 1910, t. XI, p. 166 sq., ou encore dans les articles spéciaux du Dictionnaire.


III. — VALEUR HISTORIQUE DU QUATRIÈME ÉVANGILE

Opinions des critiques

326. i"^ De Bretschneider â Eenan. — Le problème de l’historicité du quatrième Evangile a été mis à l’ordi-e du jour par Bretschxeidkr, en 1820, dans ses Probabilia de Evangelii et Epistolarum Joannis apostoli indole et origine. Bretschneider posait en principe l’autorité historique des trois premiers Evangiles ; comme il les estimait inconciliables avec le quatrième, il en concluait que celui-ci n’était pas un document digne de foi, par conséquent ne pouvait être l’œuvre de l’apôtre Jean.

C’est l’opinion qu’adopta Strauss, dans la i^e édi- | tion de sa Vie de Jésus, en 1835. Dans la préface à ! la 3’édition du même ouvrage, en 1838, il parut se rétracter. « Le Commentaire de De Wette et la Vie de Jésus-Christ de Xeander à la main, écrivait-il, j’ai recommencé l’examen du quatrième Evangile, et cette élude renouvelée a ébranlé dans mon esprit la valeur des doutes que j’avais conçus contre l’authenticité de cet Evangile et la créance qu’il mérite. » Mais, dans la 4’édition, en 1840, il se prononça plus i fortement que jamais contre l’origine johannique du document.

227. Baur. — Sur ces entrefaites, parurent les divers travaux de F.-C. Baur : Ueber die Composition und den Charahter des Joli. Esangeliums, dans