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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/876

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ÉVANGILES CANONIQUES

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cation. L’auteur s’est proposé de narrer un certain nombre de miracles saillants, particulièrement aptes à révéler la puissance du Christ età faire entrevoir, de sa part, d’autres œuvres plus merveilleuses encore. Cf. i, 50-51 ; V, 20 ; vi, 61-62. Le même point de vue apolojfétique peut se reconnaître dans les épisodes autres que des miracles.

Toute la question est donc de savoir si l’évang-éliste a entendu prouver la vérité chrétienne par le récit de faits empruntés à la réalité et dûment garantis, ou bien s’il a voulu l’établir sur des fictions pieuses purement imaginaires. Or la réponse à cette question ne saurait faire de doute.

S87. — 2° // a youlu la pvom’er par l’histoire. — L’hypothèse d’un roman apologétique doit être déclarée franchement inadmissible. Il est impossible, en effet, de supposer qu’un écrivain bien intentionné, comme on reconnaît qu’était l’auteur de notre Evangile, un croyant d’une haute élévation morale, qu’on ne peut se résoudre à traiter d’imposteur, ait prétendu fonder la foi des chrétiens asiates sur des Actions, en affectant cependant de donner à son œuvre les apparences de l’histoire, en paraissant vouloir compléter les Evangiles antérieurs, bien plus, en garantissant les faits racontés par le témoignage d’un disciple direct de Jésus, l’illustre Jean d’Ephèse, auquel il s’identifie lui-même (n°* 166-174).

Au surplus, dans l’hypothèse adverse, sa source d’information principale, sinon unique, aurait été les Evangiles antérieurs. Or, nulle part on ne voit qu’il les copie ; il en omet nombre d’épisodes qui auraient fort bien servi son dessein ; il ne s’inquiète pas de marquer l’accord de son histoire avec ces Evangiles traditionnels, ni de fournir des explications qui concilieraient leurs antinomies apparentes. Au contraire, en une foule de circonstances, il s’écarte de ses devanciers, jusqu’à paraître en désaccord avec eux, sans qu’il y ait à cela le moindre intérêt dogmatique ou apologétique, et sans que, d’autre part, il se préoccupe de l’impression défavorable que ces divergences pourront faire sur ses lecteurs. Une telle conduite est absolument inconcevable de la part d’un romancier chrétien qui tiendrait à donner à sa composition imaginaire les apparences d’une histoire digne de créance et capable de fonder la foi.

388. Reste alors l’hypothèse que l’écrivain ait possédé sur les faits évangéliques des renseignements ou des souvenirs indépendants, et qu’il ait puisé à cette source pour composer un Evangile parallèle, d’ai)rès sa tournure d’esprit propre et les besoins particuliers de ses lecteurs. Seule plausible après l’élimination des autres, cette hypothèse est pleinement confirmée par l’étude intime de l’ouvrage.

2° L’examen du livre révèle une tradition historique. — 1° Les détails topographiques. — L’évangéliste, nous l’avons vu (n"’160-164), fournit, à propos des épisodes qu’il raconte, de nombreux détails topographiques, touchant la Galilée, le lac de Génésareth, la Samarie, la Judée, Jérusalem. Ces détails sont pour la plupart inconnus des Synoptiques et des autres écrits du Nouveau Testament, qui, par contre, en contiennent d autres, non moins intéressants, laissés de côté par notre auteur. On peut en conclm-e qu’il fournit les siens en toute indépendance et de son fond. Or, ils sont reconnus remarquablement exacts, autant que précis. Ce fait nous garantit d’abord que l’évangéliste n’est pas aussi insouciant à l’égard du réel qu’on se plaît à le dire, et que, par conséquent, la vie remarquable, le réalisme intense de ses récits ne sauraient être attribués à la vigueur d’imagination d’un voyant, absorbe dans sa contem plation et indifférent à l’histoire. D’autre part, la manière très naturelle dont les détails topographiques se mêlent au récit, au fur et à mesure de l’occasion (par exemple, dans iv, 5, 6, 20, 35 ; cf. n"161, 163), tend bien à montrer que l’auteur n’est pas seulement bien informé touchant les lieux en question, mais possède des souvenirs évangéliques étroitement rattachés aux théâtres de l’activité du Sauveur,

589. 2° Les récits cl^pisodcs communs aux Synoptiques. — Si l’on prend les épisodes qui ont leur équivalent dans les premiers Evangiles, tels que la multiplication des pains, vi, i-15, la marche sur les eaux, VI, 16-21, Tcxpulsion des vendeurs du temple, II, 13-22, l’onction de Béthanie, xii, i-ii, et le reniement de saint Pierre, xviii, 17-27, la comparaison des récits parallèles montre avec évidence que, nulle part, notre évangéliste ne dépend véritablement de ses devanciers ; multiples sont les divergences, soit pour les détails fom-nis, soit pour les expressions. Or, ni celles qui ont quelque importance, ni celles qui sont insigniûantes, n’ont leur raison d’être dans une préoccupation tendancieuse ou un procédé artificiel ; elles ne s’expliquent raisonnablement que de la part d’un écrivain qui est en possession de renseignements indépendants et peut aller de pair avec les autres évangélistes sur le terrain de l’histoire.

590. 3° Les références à la tradition synoptique. — Que notre auteur soit à même de compléter les Evari’iles antérieurs, c’est bien ce que montrent les racco. ds implicites de sa narration avec l’histoire traditionnelle. On dirait qu’il s’attache d’une façon générale à compléter les Evangiles antérieurs d’un point de vue personnel. S’il reproduit la multiplication des pains et la marche sur les eaux, déjà racontées par ses devanciers, c’est à cause de leur liaison avec le discours sur le pain de vie qu’ils ont omis et que lui tient à souligner. S’il reprend le récit de l’expulsion des vendeurs, c’est pour le situer à sa vraie place et expliquer le propos tenu plus tard par les faux témoins ; ceux de l’onction de Béthanie et de l’entrée à Jérusalem, c’est à cause de leur connexion avec la résurrection de Lazare et avec la démarche des Grecs. Dans l’ensemble, l’auteur semble omettre délibérément ce que les premiers Evangiles ont déjà relaté : et on le voit bien par l’omission qu’il fait de l’institution de l’eucharistie, tout en racontant la dernière Cène.

Néanmoins il a maintes références implicites à la tradition antérieure. Jean-Baptiste fait clairement allusion à la scène synoptique du baptême, i, 31-34. Le ministère galiléen est expressément supposé, iv, 43, 54 ; VI, 1 sq. ; VII, i sq. Bien plus, l’évangéliste note, à propos du dernier témoignage du Précurseui", que celui-ci

« n’avait jias encore élé jeté en prison », iii, 24 ; 

à propos de la comparution de Jésus devant Anne, que ce fut sa <( première » station, xvii, 13. Ces indications n’ont aucune portée dogmatique : il n’y avait aucun intérêt à séparer si notablement le dernier témoignage de Jean-Baptiste des deux premiers ; la scène qui se passe devant Anne aurait pu se jiasser tout aussi bien devant Caïphe. Les renseignements de l’évangéliste n’ont de Aaleur qu’en histoire et ils ne se comprennent que s’il a l’intention de compléter ses devanciers et se sent en mesure de le faire. De même, le pluriel : « nous ne savons », attribué à Marie-Madeleine dans le récit de sa visite au tombeau, XX, 2, paraît bien supposer la scène synoptique parallèle, où elle figure en compagnie d’autres personnages.

291. 4* Le cadre chronologique et topographique du ministère. — Notre assertion trouve une preuve particulièrement remarquable dans l’information donnée par l’Evangile johannique sur la durée et le