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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/879

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ÉVANGILES CANONIQUES


301. fa résurreclioji de Lazare et l’entrée triomphale à Jérusalem. — L’émoi que cause la résurreclion de Lazare aux portes de Jérusalem, peu avant la dernière Pàque, rend heureusement compte de l’enthousiasme qui accueille le Christ à son entrée dans la ville. Dans les Synoptiques, on est un peu surpris de la réception, si spontanée et si unanime, faite au Sauveur : qu’est-ce qui a donné naissance à ce mouvement insolite ? Comment la foi messianique est-elle parvenue tout à coup à ce degré d’intensité ?


Le fait nouveau a dû être amené par des événements récents, considérables, que passe sous silence la narration incomplète des premiers évangélisles. Saint I-ac. xix, 3y, y fait en quelque sorte allusion lorsqu’il montre la foule des disciples louant Dieu à haute voix pour tous les prodiges dont ils ont été les témoins, et que l’évangéliste, si l’on en juge par son récit antérieur, sous-entend. Il semble d’ailleurs difficile d’expliquer l’entrée triomphale par l’attitude bienveillante des seuls Galiléens venus à la fête. Si le gros des partisans de Jésus s’était uniquement composé de ces provinciaux du nord, on ne comprendrait guère qu’ils aient eu pareille audace à Jérusalem, en face des pharisiens.

L’enthousiasme général de la réception ne se conçoit bien que si le Sauveur avait précédemment acquis grand renom dansia capitale mèmeouaux alentours. C’est précisément ce que suppose le quatrième Evangile, quand il fait dépendre en bonne partie l’entrée triomphale du miracle de Béthanie.

302. Art parole sur la destruction du temple, à l’expulsion des vendeurs. — Le récit de l’expulsion des vendeurs, nous l’avons vu (n° S55), fait preuve de la meilleure information, en rattachant à cette circonstance la parole sur la destruction du temple, que reprocheront au Sauveur les faux témoins. La forme sous laquelle est reproduite cette sentence convient elle-même exactement au Christ, tout en donnant la clef des modilications que lui font subir ses accusateurs.

Le rôle de Judas dans l’épisode de l’onction. — De même, le rôle attribué à Judas, dans le repas de l’onction, donne la raison du lien qu’établissent les deux premiers Synoptiques entre ce repas et la résolution suprême du traître (n’^ S58).

303. Le lavement des pieds. — L’épisode du lavement des pieds explicjue également bien la parole cjue saint Luc, xxii, 26, 28, fait prononcer à Jésus, au moment de la dernière Cène : « Que le plus grand parmi vous devienne comme le plus petit, et celui qui commande comme celui qui obéit ; car qui est le plus grand, de celui qui est à table, ou de celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Or, moi, je suis au milieu de vous comme le serviteur. » L’opposition que le Sauveur établit, dans cette sentence, entre celui qui est à table et celui qui sert, d’autre part l’appel qu’il fait à son propre exemple, paraissent supposer nécessairement que, dans la circonstance, il a réellement fait, au milieu de ses disciples assis, oflice de serviteur.

304. Je caractère de Simon Pierre. — L’attitude prêtée à Simon Pierre dans cet épisode johannique, son indignation à la pensée que le Seigneur veut hii laver les pieds, son empressement à offrir ensuite plus fju’on ne lui demande, xiii, G -9, sont très conformes au tempérament impétueux, à l’humeur vive et primesautière, qui le caractérisent dans l’histoire synoptique : Marc, viii, 82 =.Vattli., xvi, 22 ; Marc, XIV, 29, 68 sq., et parall. La même remarciue s’applique aux autres récits du quatrième Evangile où le chef des apôtres est en scène : xiii, 87 ; xviii, 10, 17, 25 sq. ; XXI, 7. Or, il semble dillicile d’attribuer un

tel accord à une imitation réfléchie de la part de notre écrivain.

305- L.es soldats romains à l’arrestation du Christ.

— Il n’est pas jusqu’au détail fourni sur la troupe qui vient arrêter le Christ, xviii, 3, et à la parole prêtée au Sauveur à cette occasion, xviii, 9, qui n’expliquent le signe du baiser indiqué par Judas et la liberté laissée aux disciples, malgré leur essai de résistance.

Dans les premiers Evangiles, Judas se croit, en effet, obligé d’indiquer d’avance à ceux qu’il conduit le signe qui leur montrera Jésus. Or, la chose est étonnante si la bande se compose uniquement de valets juifs : n’ont-ils pas vu fréquemment le Christ dans le temple ? Ils sont capables, semble-t-il, de le reconnaître aisément. Mais il n’en est pas de même si le gros de la troupe, ceux qui marchent en avant et doivent avoir le rôle principal, sont, comme le déclare notre évangéliste, des soldats romains, récemment transportés de Césarée à Jérusalem pour les fêtes pascales. On comprend que Judas, devançant le bataillon, s’approche de Jésus et le trahisse par son baiser, Marc, xiv, 45 et parall., puis que le Sauveur, aux soldats qui s’approchent pour le saisir, pose la question : « Qui cherchez-vous ? » Jean, xviii, 9.

La participation des soldats romains à l’arrestation du Christ paraît d’ailleurs assez naturelle, quand on songe qu’au témoignage même des Sjnoptiques, la circonstance de la Pàque, la présence de la cohorte dans la capitale, la crainte d’un soulèvement des Galiléens, partisans de Jésus, amenèrent les autorités juives à saisir Pilate de cette affaire et à tout remettre entre ses mains, comme s’il s’était agi d’un agitateur politique et d’un séditieux.

306. La défense faite par Jésus d’inquiéter ses disciples. — Si les premiers Evangiles ne signalent pas la participation des soldats romains à l’arrestation du Christ, ils parlent néanmoins d’une foule, et d’une foule nombreuse, bien armée, Marc, xiv, 43 et parall. : comment, malgré une force si imposante, la petite troupe des apôtres réussit-elle à s’échapper ? La chose est bien extraordinaire, étant donné que les disciples essaient d’abord de résister et vont jusqu’à blesser un serviteur du grand-prêtre. Ce fait surprenant s’explique au mieux par l’intervention de Jésus, que signale le quatrième évangéliste. Le Sauveur veut subir seul sa passion : à sa demande réitérée, les soldats déclarent et répètent que c’est lui qu’ils cherchent ; il les invite dès lors à laisser ses disciples en paix. Subjugués par l’ascendant de celui qui leur parle, heureusement surpris de le voir congédier lui-même ses défenseurs, on comprend que les soldats n’hésitent pas à obéir. Sur ce point encore, notre auteur apporte un complément de valeur au récit de ses devanciers.

En somme, la partie narrative du quatrième Evangile accuse, dans son ensemble et tout particulièrement en nombre de ses détails, une tradition historique qui marche de pair avec les Synoptiques, confirme leurs données, les explique ou les complète.

2. — Pour les discours et les idées

307. 1° Les discours et leur liaison avec les récits. — « Bien chélive est la critique qui conteste toute base traditionnelle aux discours et qui en retient une pour le cadre iiistorique et les récits. Faits et discours se tiennent dans l’œuvre johannique. » Cette parole est de M. Loisy, op. cit., p. 45, au sujet de la position prise par Kenan (n° S28). Nous pouvons la faire nôtre, en la détournant de sa portée tendancieuse et en en renversant les termes : l’his-