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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/925

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EXEGESE

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où se lisent les termes de Fils et d’Esprit, qu’ils se rencontrent dans le Nouveau Testament ou dans l’Ancien. Une exégèse qui ne tient pas compte des précisions historiques concernant les origines du texte, qui envisage isolément les difîérentes propositions de l’Ecriture comme si elles se suffisaient à elles-mêmes en dehors de tout contexte ; qui confond la signification absolue d’une proposition avec le sens qu’elle pouvait avoir raisonnablement sous la plume de tel auteur, étant donné Tépoquc et les circonstances où il vivait ; une pareille exégèse n’est pas historique.

Le plus grave reproche, et disons aussi le plus fondé, que l’on ait adressé au commentaire des anciens est d’avoir été conçu d’un point de vue trop transcendant, sans tenir suflisamnient compte des contingences de l’histoire. Tout en convenant de leurs torts à cet égard (encore qu’on les ait beaucoup exagérés), il est juste de distinguer ici entre la pratique, qui a été défectueuse, et la théorie. En principe, les représentants les plus autorisés de l’exégèse traditionnelle ont sauvegardé les droits de l’histoire et les exigences du contexte. S. Jérôme et S. Augustin s’accordent à enseigner que l’objet de l’exégèse est uniquement de préciser la pensée de l’auteur que l’on explique. S. Aug., De doctr. christ., I, xxxvixxxvm ; II, v ; />. i., XXXIV, 35, 38 ; S. Jérôme, P. Z., XXII, 507 ; XXIV, 869, 38, 56 ; XXVI, 66, 155, 400. Quant au développement dogmatique, il a été expressément reconnu et même assez bien formulé par plusieurs d’entre les Grecs, notamment par S. Grégoire de Nazianze, S. Cyrille d’Alexandrie, et plus tard par S. Thomas.

b) D’ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que l’inspiration, qui fait de Dieu l’auteur principal de toutes les Ecritures, amène forcément l’interprète croyant à se demander, si en précisant le sens voulu par l’auteur inspiré, il a épuisé toute la signification de son texte, telle que Dieu lui-même l’a entendue ; si l’intention divine est adéquatement mesurée par l’intention humaine. La question a de tout temps soulevé des controverses, et récemment encore. Cf. Lagraxge dans la Re<, ue biblique, 1896, p. 506 ; 1900, p. 141 ; et F. Prat dans les Etudes, 1901, t. LXXXVI, p. 496 ; P. Perret, dans la Re ie thomiste, 1910, p. 8.

S. Augustin, Z ?e doctr. christ., 11, v, P.L., XXXIV.38, paraît autoriser la réponse afhrmative, tandis que S. Thomas, II^ Il^e, q. l’jS, a. ! ^, fait observer, en y insistant, que le prophète reste, entre les mains de Dieu, un instrument défectueux. A ce sujet, on peut, semble-t-il, se tenir aux conclusions suivantes. S’il s’agit du sens spirituel, il n’est pas douteux que l’hagiograplie ait pu l’ignorer. Quant au senslittéral, il y a lieu de distinguer. On ne a oit pas pourquoi l’hagiograplie n’aurait pas entendu pleinement son texte aux endroits où il ne présente qu’un intérêt historique. Les prophéties seules font difliculté.Mais peut-on raisonnablement douter qu’elles ne soient mieux comprises aujourd’hui qu'à l'époque où elle^ furent écrites ? Celte circonstance tient à deux causes : les diverses prophéties ayant un même objet sont allées en se complétant les unes les autres, l'événement a éclairé d’un jour nouveau la prédiction qui en avait été faite. Ce surcroit do lumière n’ajoute pas en signification au texte lui-même, seulement il permet de le pénétrer davantage. S. Jkrôme, in epist. ad IJph., ^u, b ; P.L., XXXI, 479 ; Encycl. Proi Deus, 16 ; Litt. apost. Leonis XIII, l’igilantiae, 30 oct. 1902.

L’exégèse, d’après « l’analogie de la foi r>, qui consiste à lire les Ecritures à la lumière du dogme catholique, envisagé à son point d’arrivée, est traditionnelle. Volontiers, les Pères ont entendu du Verbe incarne ce qui est dit, au livre des Proverbes, viii.

3 1, de la Sagesse divine, « mettant ses délices à habiter parmi les enfants des hommes ». Mais, ce faisant, ils n’ont pas prétendu que cette interprétation laborieuse fournit à la théologie de l’incarnation un point d’appui aussi ferme que la simple lecture du premier chapitre de S. Jean. Ils ne confondaient pas l’ombre avec la réalité, et, à maintes reprises, ils ont fait observer que l’Ancien Testament n’est tout à fait compréhensible que dans le Nouveau. C’est là un axiome sous la plume de S. Augustin : « In Veteri Voi’Hm iatet, et in iVoio Vêtus patet », Comme norme négative, pour écarter un sens erroné, l’analogie de la foi se suffit à elle-même ; mais, s’il s’agit d’en faire une norme positive, on n’avancera ici qu'à bon escient, avec toutes les précautions commandées par la nature même du procédé.

c) De ce qui précède, on peut conclure dan squel sens un croyant doit entendre et pratiquer l’exégèse purement historique. Il va de soi qu’il ne saurait prendre comme point de départ la négation de l’inspiration, ni, par conséquent, se faire une loi de rejeter positivement toute explication qui suppose l’intervention de quelque facteur surnaturel dans la composition des textes canoniques. Mais faire abstraction n’est pas nier. On peut s’attachera l'étude des Ecritures comme si elles étaient uniquement l'œuvre de l’homme. N’est-ce pas la position de l’apologiste chrétien dans le traité de la Religion révélée, quand il envisage dans les écrits des Prophètes et desEvangélistes des monuments du témoignage historique ? L’exégèse conduite d’après cette méthode n'épuise pas nécessairement la portée du texte inspiré, surtout elle ne conclut pas toujours avec la même certitude, puisque, de propos délibéré, elle s’est interdit l’usage de certaines ressom-ces d’ordre surnaturel, dont l’auteur pinncipal des Ecritures a accompagné son œuvre pour en assurer la pleine intelligence.

Même si l’on tient compte de l’inspiration du texte, il peut se faire que l’exégèse purement historique ne rejoigne pas l’exégèse dogmatique, celle de l’Eglise retrouvant l’expression de son dogme dans un texte donné. Cette extension, cette précision de sens, qui se rencontre dans le commentaire ecclésiastique, n’est pas arbitraire, ni apportée du dehors, puisque Dieu, l’auteur premier des Ecritures, avait prévu et voulu qu’elle fût un jour reconnue par une exégèse authentique. Soit, par exemple, la doctrine du péché originel dans les chap. Il et m de la Genèse, (cf Labauche, Z^fons de théol. dogm.. L’homme, i<^o8, p. 55) ; ou encore le caractère spirituel du Royaume messianique dans les prophètes de l’A. T. (Cf. Touzard, dans la Revue prat. d’Apologétique, t. VII, p. 88, 736 ; abl)é de Broglie, Questions bibliques, 1897, p. 377.) L’exégèse historique, réduite aux ressources d’ordre rationnel, n’est pas tenue de découvrir dans ces textes autre chose que ce que les premiers lecteurs pouvaient raisonnablement } trouver. D’autre part, elle ne saïu-ait arriver légitimement à un résultat qui soit contraire aux données de l’exégèse dogmatique. Voilà pourquoi l’Eglise a condamné récemment plusieurs propositions affirmant ou supposant qu’il y a un conflit irréductible entre l’histoire et les conclusions certaines de la théologie ; que le seul moyen d’accorder désormais la raison et la foi est de les confiner sur des terrains absolument séparés, sans rapi)orts possibles/ de l’une avec l’autre « parce que la foi n’est pas matière de science expérimentale, ni même d’histoire, à proprement parler, mais d’expérience morale ». A. Loisy, Simples ré/Je.rions sur le décret Lamentabib, 1908, p. 169. Voir les proposition, 1-7, 12, 23, 2li, 'd-2 du décrci /.amentabili sane exitu, du 3 juil. 1907.