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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/931

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EXPERIENCE RELIGIEUSE
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et le Saint-Siège maintinrent le principe de l’exemption. Mais par une série de limitations de détail, ils ramenèrent en fait, dans une très large mesure, laction externe des réguliers sous l’autorité des évêques. Ceux-ci, en nomlire de points, furent établis délégués apostoliques et reprirent ainsi par délégation des objets qui étaient soustraits à leur pouvoir ordinaire. De plus, tout en conférant directement aux religieux d’amples facultés pour confesser, prêcher, administrer les sacrements et exercer divers ministères, on soumit à l’approliation ou au consentement de l’ordinaire du lieu l’exercice licite, et parfois valide, de ces pouvoirs. Les canonistes ont dressé de longues listes de ces dérogations : leur étendue même interdit de les reproduire ici. Mais elles sont telles que le Li<, ’re Blanc, pul>Iié par le Saint-Siège en 190"), au sujet des affaires de France, a pu très justement caractériser en ces termes l’état actuel de la discipline : « Ces instructions (de la S. Congrégation des Evoques et Réguliers, du lojuillet 1901) réfutent pleinement une accusation qui a été souvent répétée, spécialement dans les derniers temps de la guerre contre les congrégations religieuses. On reproche aux religieux de s’être soustraits à la juridiction des évêques ; le document autorisé qu’on vient de lire montre, au contraire, très clairement que même les ordres religieux à vœux solennels, qui jouissent d’une plus grande exemption, sont bien exempts pour ce qui concerne leur vie intérieure, mais qu’ils dépendent presque complètement des ordinaires pour tout ce qui regarde leur vie extérieure et publique. »

Il demeure vrai que la dépendance n’est pas absolue ; et. sur les points mêmes où ils sont assujettis aux évêques, les réguliers jouissent d’une sorte de recommandation apostolique, qui, dans la pensée du Saint-Siège, ne doit être déclinée que pour de justes motifs et selon les règles ûxées par lui. Mais, somme toute, si l’on considère ce sujet du point de vue élevé de la constitution de l’Eglise, de la saine observance des conseils évangéliques, du bon gouvernement des instituts religieux et du bien suprême des âmes, on reconnaîtra la légitimité et la sagesse de cette législation. Dans son ensendile elle arrive à concilier par un équitable tempérament les intérêts en présence. Il reste à la bienveillance, à la déférence et à l’esprit de paix et d’union de compléter la loi et d’aider à la tin qu’elle s’est proposée : le service de Dieu et des âmes. L’étude attentive de l’exemption est sa meillevire apologie.

Bibliographie. — De Buck, De exemptiune regulariuni, Bruxelles, 1869. — Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline de l’Eglise (t. I, I. III, ce. xxixxLi), Paris, 1725. — Ferraris, Prompta bibliotheca (ad v, Regulares, art. 2), Rome, 1 883-1889, — Zaccaria, Antifebronius vindicatus (p. iv, diss. 4. n. 2), Césènc, 1771, dans Migne, Cursus TheoL, vol. XXVII. — Gerdil, Animadversiones in Febronii vetraciationem (Œuvr., t. XIII, p. 350), Rome, 1808. — Bouix, De jure Regularium (t. II, p. 5, s. 2, c. 2), Paris, 1882. — Montrouzier, l’exemption des réguliers et le clergé de France (dans lie^ue des Sciences ecclésiastiques, 1864, t. X, p. 16). — Zitelli, Apparatus juris ecclesiaslici (p. 60), Rome, 1886. — Wernz, Jus Decretaliuni (vol. III, tit. 2^, § 6, II), Rome, i<}oi. — Vermeerscli, De religiosis (t. II, voir la table au mot Kxeniptio), Bruges, 1910.

— Le Livre Blanc du Saint-Siège au sujet de la séparation de l’Eglise et de l’Etat en France (cli. Il et Docuni. vi), édition des Questions actuelles, Paris, 1905. — Blumenstock, Der papstliche Scfiutz im Mittelalter, Inspruck, 1890. — Iliifner, Dus Rechts-Dislitut der klosterlichen Exemtion in der

abendlandischen Kirche, Mayence, 1908. — Du Lac, Jésuites (pp. 155 et sqq.), Paris, 1901.

Jules Besson.


EXPÉRIENCE RELIGIEUSE. — En réservant les questions connexes (voir Foi, Immanence, Mysticisme, Pragmatisme), on voudrait seulement, dans l’étude suivante, distinguer la multiplicité des systèmes qui se réclament de l’expérience religieuse et, dans ces erreurs où la part de vérité est grande, l’exagération particulièrement pernicieuse, aider à reconnaître les limites de l’une et de l’autre.

I. Notion. — II. Thèses hétérodoxes. — III. Censures de l’Eglise. — IV. Illégitimité de l’appel à l’expérience comme critère exclusif ou principal. — V. Bôle important comme facteur subordonné. — VI. Analogies des expériences entre religions. — VII. Bibliographie.

I. Notion. —

Le mot expérience n’est pas à prendre ici au sens d’expérimentation scientifique, mais de donné expérimental, y.) Au sens large, il exprime tout fait d’ordre religieux que nous pouvons observer dans notre vie intime : secours providentiels, réponses à nos prières, visions, révélations… Cette qualiûcation des faits, impliquant toute une dogmatique, présuppose, la solution de questions en litige ; pareil emploi du mot est donc à éviter en apologétique. , 5).4 » sens strict, est expérience religieuse toute impression éprouvée dans les actes ou états que l’on nomme religieux : sensation de dépendance, de délivrance, illumination, sentiment de joie ou de tristesse, considérés dans leur aspect alî’ectif, indépendamment de toute interprétation spéculative.

L’expérience religieuse étant invoquée en réaction contre l’autorité extérieure et contre des tendances qualifiées de formalistes et d’intellectualistes, on a chance de mieux comprendre ce que le terme signifie en portant l’attention sur ce qu’il indique d’individuel, d émotionnel, de passif.

II. Thèses hétérodoxes. — Les théories hétérodoxes qui préconisent l’expérience religieuse ont un double fondement, l’un théologique, la chute originelle, l’autre philosophique, l’impuissance de la raison, tous deux en étroit rapport.

a) Leur source est en effet à chercher dans la conception protestante du péché d’Adam. Cette faute ajanl corronq^u notre nature, dit Luther, la raison est aussi incapable d’atteindre à la connaissance de Dieu, que la volonté impuissante à pratiquer le bien : connaissance du vrai et justification sont donc en nous l’œuvre immédiate de Dieu. Par une action intime, il révèle à chaque individu ce qu’il faut croire et il opère en chacun l’acte justifiant, c’est-à-dire la certitude sentie d’être sauvé par le Christ, cf. Denifle, Luther und Luthertum, in-8, Mayence, 2’éd., 1906, t. I, p. 630 sq., 728 sq., 786 sq., 748 sq., 756 sq.

L’élan donné par la Réforme a eu pour résultat de développer les théories philosophiques qui humiliaient la raison — dans la mesure où elles la convainquaient d’impuissance, elles confirmaient le dogme central du protestantisme, cf. Ciioss..t, dans Vacant, Dict. de théol. cath., art. Dieu, col. 766 sq.

— et de favoriser le subjectivisme et le sentimentalisme. Les théoriciens de l’expérience religieuse les plus en vue font eux-mêmes remonter à Luther les principes qu’ils professent, voir plus bas, col. 853, b.

b) Dès l’apparition du Jansénisme, on a dénoncé l’atlinité de ses thèses avec les dogmes protestants et signalé même des dépendances marquées, cf. Deciia.mps, De hæresi Janseniana, in-fol., Paris, 1728, spécialement, disp. I, c. 11, iii, iv ; disp. II, c. iv…