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GALILEE

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sans portée et des discussions oiseuses qui l’encombraient ; d’autre part, elle pouvait fort bien se plier aux exigences des découvertes nouvelles. Galilée ne sut pas le reconnaître, et un excès en amena un autre. Entre les représentants des doctrines péripatéticiennes, traditionnalistes par formation intellectuelle et un peu par devoir, et le turbulent champion des idées nouvelles, le conflit devait arriver à l’aigu. Il suffît de lire la correspondance de Galilée pour se rendre compte que, durant les trente années qui s’écoulèrent de 1610 à 1640, l’autorité ecclésiastique fut sans cesse harcelée des réclamations bruyantes des disciples fanatiquesd’Aristote. La pression morale qu’ils exercèrent sur elle hâta évidemment son intervention.

Les juges de Galilée condamnèrent-ils sa doctrine comme portant atteinte au péripatétisme ? Ce ne fut pas leur motif principal, mais ce fut certainement l’un de leurs motifs. Dans les consultations des théologiens du St.-Oflice, dans les actes d’accusation, dans les sentences, ce grief est souvent mentionné, et l’on blâme Galilée de vouloir parler en eosmologue tout en poursuivant de ses invectives le fondateur de la cosmologie. Agissant ainsi, les juges de Galilée eurent-ils tort ? Nous ne le pensons pas. La philosophie aristotélicienne avait été assez longtemps l’auxiliaire dévouée de la théologie, elle faisait trop corps avec elle, elle avait par elle-même fait d’assez belles découvertes pour qu’on lui p.Trdonnât des exagérations plus ridicules que nuisibles, et pour qu’on ne se hàtàt pas de la détruire avec une précipitation insensée.

Ce que nous concédons facilement, c’est que, entourés de théologiens vieillis dans l’école et péripatéticiens eux-mêmes, les juges de Galilée ont pu subir des influences qui n’étaient pas directement ordonnées au plus grand bien de la religion. Rien en cela qui ne soit excusable, puisque ces juges étaient des hommes,

3° Suites et conséquences de la condamnation du système de Copernic. — Rappelons d’abord les suites historiques de cette condamnation.

Le 30 juin 1633, le Souverain Pontife ordonnait de faire parvenir à tous les Nonces et Inquisiteurs copie de la condamnation et de l’abjuration de Galilée. Cet ordre s’exécuta et les destinataires, les uns après les autres, accusèrent réception de l’envoi.

Le 23 août 1634, le livre du Dialogo fut mis au catalogue de l’Index.

Le 8 janvier 16^2, Galilée mourait, et Urbain VIII s’opposait à ce qu’on lui élevât un monument dans la basilique de Ste. -Croix à Florence.

Le 14juin 1^34, le St.-Oflice accordait cette autorisation.

Le 16 avril 175^, la Congrégation de l’Index effaçait de son catalogue des ouvrages prohibés les livres enseignant le système de Copernic.

En 1820, Mgr Anfossi, Maître du Sacré Palais, ayant refusé au chanoine Settele Y imprimatur nécessaire à la publication de ses Eléments d’Astronomie, celui-ci en appela au pape, qui donna tort à Anfossi.

Le II septembre 1822, la Congrégation de l’Inquisition décida que l’impression des livres enseignant le mouvement de la terre serait désormais permise à Rome. Le 26 septembre, le pape Pie VII approuva ce décret.

Quelles furent, en second lieu, les conséquences de la condamnation du système de Copernic, au point de vue théologiijue et disciplinaire ?

Le décret de 1033 n’atteignait que Galilée seul ; mais les décrets de l’Index, de 1616 et de 163’i con cernaient tous les fidèles. Le premier prohibait tous les ouvrages traitant du mouvement de la terre. De quelle manière fut-il compris et accepté ?

Il fut pris pour ce qu’il était réellement, un décret disciplinaire, révocable par conséquent et auquel on devait obéissance extérieure. Voici quelques témoignages.

Citons d’abord des théologiens de profession :

En 1626, le P. Tanner, S. J., citant le décret, en conclut simplement que le système de Copernic ne peut être enseigné avec sécurité : a Tuto defendi non potest’. »

En 1631, Libertus Fromont, professeur de théologie à Louvain et ardent adversaire de Galilée, déclare expressément qu’il ne peut considérer le système de Copernic comme définitivement jugé, u à moins, dit-il, que je ne voie autre chose de plus précis, émanant du chef même de l’Eglise^. »

En iG51, le P. Riccioli, S. J., théologien et astronome, adversaire de Galilée, s’exprime ainsi :

K Comme il n’y a pas eu, sur cette matière, de définition du Souverain Pontife, ni d’un concile dirigé et approuvé par lui, il n’est nullement de foi que le soleil tourne et que la terre est immobile, du moins en vertu mciiie du décret, mais tout au plus et seulement à cause de l’autorité de l’Ecriture sainte, pour ceux qui sont moralement sûrs que Dieu l’a ainsi révélé. Cependant, nous tous catholiques, nous sommes obligés par la vertu de prudence et d’obéissance d’admettre ce qui a été décrété, ou du moins de ne pas enseigner le contraire d’une manière absolue’. Il

En 1651 également, le fameux Caramuel, évêque et théologien, combattant le système de Copernic, se posait cette question : Qu’arriverait-il si les savants trouvaient une preuve du mouvement de la terre ? Et il répondait : « Si cela se produit, les cardinaux permettront simplement d’expliquer les paroles du chapitre X de Josué comme des expressions métaphoriques’.)>

En 1660, le P. Fabri, S. J., s’exprimait ainsi : « On a souvent demandé aux partisans de Galilée s’ils pouvaient fournir une démonstration du mouvement de la terre ; ils n’ont jamais osé répondre aflirmativement. Rien ne s’oppose donc à ce que l’Eglise prenne et ordonne de prendre dans le sens propre les passages de l’Ecriture, jusqu’à ce que l’opinion contraire ait été démontrée. Si vous trouvez cette démonstration, chose que je crois dillicile, alors l’Eglise ne fera nulle dilliculté de reconnaître que ces passages doivent être entendus dans un sens métaphorique et impropre’. »

On ne connaît pas un seul théologien de profession qui ait considéré les décrets en question comme des décrets définitifs et irréformables. Berti avait prétendu ^ que cette opinion se trouvait défendue dans un ouvrage manuscrit du P. Inchofer, S. J., l’un des consulteurs du procès de 1633". Mais il est reconnu aujourd’hui que pas une syllabe de ce manuscrit ne peut donner lieu à cette interprétation.

Voici maintenant des témoignages moins autorisés, bien qu’intéressants encore.

En 1633, Boulliau écrit à Gassendi : a Je ne puis penser que le Pape, le Vicaire du Christ, veuille

1. Theol. scolasl.. 11, 6, 4.

2. Anti-Aristarc/ius, Anvers, 1631, p. 17.

3. Alma°€stum yoi’um, Bologne, 1651, t. I, p. 52.

4. Théo), mvrnl. fiindam., t. I, p. 273,

5. Bret’is annaiatio in systema saiurntnum Chr, Hugenti, Rome. 1660, p. 32.

6. // Proceaso di Ga/ileo Galilei, Rome, 1876, p, xciii.

7. Vindiciæ Sedis Apostolirae, Ms. XX-Mi-9 de la Bibliolhi’que Cosanalense, fi Rome, p. 201.