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GALLICANISME

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DB LA TouH (Aes origines de la Hé forme, Paris, 1909, l. II, p. gi), le gallicanisme n’esl pas une doctrine, mais un instrument i>, et il ajoute à propos désaccords intermittents de la couronne avec la curie romaine : Ce que le roi laisse à Rome, c’est la région théorique des doctrines ; ce qu’il garde, ce sont les avantages réels et tangibles. » De part et d’autre, ce n’était pas un marché de dupes : gardienne des doctrines, l’Eglise, pour les sauvegarder, peut parfois sacritier le reste.

Il ne faudrait pourtant pas pousser à l’extrême la tluse de MM. Hanotaux et Inibart de la Tour. Il a existé dans l’ancienne France une doctrine des droits spéciaux que possédait le Roi très chrétien, premier fils et protecteur de l’Eglise, comme écrivait Pithou à Henri IV, sur notre Eglise nationale ; elle est du reste compatible avec tontes les thèses ultramontaines. Ces droits étaient établis sur le triple fondement du sucre, qui en fait une personne quasi-ecclésiastique, des services très particuliers rendus par la monarchie /"r(in< « /se, soit aux Eglises locales (fondation et garde), soit à l’Eglise romaine (établissement de son pouvoir temporel), enfin des devoirs incombant à la fonction souveraine pour la protection de la foi et l’exécution des canons. Cette théorie constitue un des éléments les plus importants du gallicanisme polili(|Uc, le fondement même de « nos libertés » telles que Pithou les énuiaérait.

A un autre point de vue, le gallicanisme royal est l’expression, telle que la comportait l’époque, d’un gallicanisme qui n’est point mort tout entier avec l’ancienne monarchie ; ce n’est ni une pratique ni une théorie, mais un sentiment : susceptibilité, très tôt éveillée chez nous, contre tout ce qui [leut diminuer notre indépendance ; il se doubla longtemps d’un respect presque superstitieux pour la personne de nos rois, de ce que Renan appelle très heureusement

« la religion de Reims ». Ce gallicanisme

national est la source commune, mais non unique, de notre gallicanisme ecclésiastique comme de notre gallicanisme politique.

Le gallicanisme politique est en somme un compromis pratique, puis théorique, entre l’égoisme de notre patriotisme et l’universalisme de notre religion, un mouvement qui tend à nationaliser, aussi complètiMient (pi’il est possible de le faire sans cesser il’i’lre catliolii|ue, l’Eglise de France, et à la mettre si>us la tutelle du pouvoir séculier.

Si. — Tels qu’ils apparaissent dans leurs déclarations les plus olliciellos du xvii’siècle, le gallicanisme des politiques et celui des ecclésiastiques sont des systèmes composites. Quoi qu’en dise Pithou, entre nos deux maximes fondamentales, il n’j" a jias connexion logique, mais seulement historique et sentimentale.

On peut en elTet repousser toute dépendance du pouvoir temporel à l’égard de la puissance spirituelle, sans nier du même coup (lue la plénitude de cette [luissance réside dans le pape, et réciproquement l’allirmation que le pape est soumis au concile, s’accorde fort bien avec la thèse du pouvoir même direct de l’Eglise sur le temporel des rois. On conçoit aussi bien une Eglise aristocratique ou même démocrati (iue dont les rois tireraient toute leur puissance, qu’une Eglise strictement monarchique sans autorité aucune en matière temporelle. La première conception l’ut celle de Guillaume Durand II, évêque de Meiide, qui, dans son fameux traité De modo Concilii generalis celehrandi, partageait la puissance spiritvu’lle entre le successeur de Pierre et les évéques, pari consortio (Eglise aristocratique), et pour les relations entre les deux puissances renvoyait à

Gilles de Romk, le théoricien du pouvoir direct de l’Eglise sur l’Etat. La seconde conception, qu’on rencontre dans tout le moyen âge français, est très nette au XVII* siècle chez André DuvALetses disciples (et chez Richelieu). « Le Duvallisme, écrit Mgr Puvol, unit le gallicanisme politique à rultramontanismè ecclésiastique. » (Edmond Jliclier, II, p. 365, Paris, 1 87C.) C’est aussi celle de nombreux jésuites français : RiciiEOME, d’Avrigny, etc., etc.

Cependant si, au lieu de s’en tenir à la maxime négative que Pithou met en tête de son recueil, on considère la doctrine positive sur les droits du pouvoir civil en général à l’égard des matières mixtes ou spirituelles qu’on pourrait dégager de la suite de son exposé, alors on découvre une connexion logique entre cette conception des rapjjorls de l’Eglise et de l’Etat et l’une des conceptions ecclésiologiques professées par quelques gallicans ; rien n’autorise du reste à penser que Pilhou l’ait aperçue. Si l’Eglise était une société striclemenl démocratique, où les lidèles détiendraient toute l’autorité spirituelle, alors les souverains et les magistrats, représentants naturels et nécessaires de la communauté, auraient en matière religieuse les prcrogati^ es les plus étendues. Ainsi, s’il n’y a pas de connexion logiijue entre les deux thèses fondamentales du gallicanisme, il y en aune et fort étroite entre les théories multitudinistes et le Césaropapisme. En fait les théologiens qui ont imaginé des systèmes démocratiques sur la constitution de l’Eglise — Mahsile de Padoub, et bien des réformés duxvi’siècle — l’ont théoriquement et pratiquement soumise à l’Etat. Quelque chose de leur doctrine a survécu à la ruine de leurs systèmes, et c’est peut-être une des mulliples causes de la connexion de fait établie entre nos deux maximes gallicanes.

Dans tous les autres systèmes gallicans, le dualisme subsiste ; même quand, avec presque tous nos vieux auteurs, on fait entrer le i)Ouvoir civil comme tel dans la délinilion de l’Eglise gallicane. On verra plus loin la définition qu’en donne Le Va ver deBoutigny. Voici celle de Mahca (Concurdia, II, e. 1, ^ 3) : Consortium diiarum poteslatum : et d’après le même auteur, nos libertés doivent-être définies : Munera utriusque potestatis, lam ecctesiasticæ tjuam civilis quibusdam liinc inde finibus circnmscripta. Idée profonde, essentielle au gallicanisme, qui est un système non pas de séparation, mais d’union intime des deux pouvoirs dans la main du roi ; idée issue d’une situation dominante jusqu’à la Révolution : la France a été jusque-là une portion de la société chrétienne politi (iuement organisée ; mais idée qui n’empêche pas nos théories gallicanes d’être composites. Si l’on est en droit de définir le gallicanisme : un système des relations du chef de l’Ef ; lise avec ce membre de l’Eglise gallicane qui est le gouvernement français, aussi bien qu’avec cet autre membre qui est l’épiscopat français, il reste que c’est pour des raisons logiquement hétérogènes qu’on nie à la fois l’autorité souveraine du chef de l’Eglise sur cet épiscopat et son pouvoir indirect sur l’Etat. Il y a pourtant, comme je l’ai dit, entre nos deux maximes fondamentales une connexion historique : non pas que leur histoire coïncide dans toutes ses parties, mais parce que ces parties se compénètrent bien souvent et que les deux négations procèdent parfois des mêmes causes politiques ou sentimentales.

III. — DÉVELOPPEMENT IlISTORIQUB

DES THÉORIES G.I.LICANES

S’— Théories sur la Constitution de l’Eglise

A) Toujours les Gallicans prétendirent que l’ancienne Eglise fui gallicane, en pratique comme en