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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/169

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GRACE

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I

gique, les assertions de l’Ecriture. Nous enregistrons des réalités, nous essayons de les systématiser, mais non de les concilier avec des données hétérogènes. Ces problèmes ne nous intéi-esseraient que dans la mesure où ils seraient soulevés ou résolus par les Livres saints eux-mêmes.

1. Anciea Testament. — Le théologien qui regarde l’Ancien Testament des sommets du Nouveau, est surtout frappé de la profondeur de l’abîme qu’il découvre entre les deux, que de nombreuses et marquantes anlitlicsesl U’un côté, la crainte des serviteurs de Dieu, de l’autre l’amour des enfants du Père céleste. Là, un particularisnieétroit éloignant jalousement Israël de tout contact avec l’étranger ; ici, un large et bienfaisant universalisme, rassemblant en une même communauté tous ceux qui, sous quelque ciel qu’ils vivent et à quelque race qu’ils appartiennent, accomplissent la volonté de Oieu. D’un côté le formalisme rigide de la loi ; de l’autre, la sainte liberté qui l’ait de la bonne intention le centre de la vie religieuse. Ou encore, la peine du talion, en face du pardon des injures ; le pessimisme désolant, parfois à peine dissimulé, en présence de la joyeuse assurance du salut, fondée sur la parole de Celui qui a dit : « Ayez conliance, j’ai vaincu le monde » (Juuii., XVI, ii).

Certes, il y aurait tort à vouloir supprimer la distance qui sépare les deux économies, et cependant il faut reconnaître avec S. Paul et l’épîlre aux Hébreux que le Nouveau Testament, selon la formule du Christ, loin de détruire l’. cien, le vérifie

et l’accomplit. On y trouve, en elTet, les assises fondamentales de la doctrine que le Nouveau Testament mettra en ])leine lumière.

Mais peut-on parler A’une doctrine de l’Ancien Testament’.'Ne faut-il pas plutôt saisir cette doctrine et la formuler à chaque tournant de l’histoire, à chaque stade bien marqué de l’évolution théologique’.’C’est ainsi, vraiment, que devrait procéder le critique entreprenant l’étude du développement des conceptions religieuses d’Israël. Pour nous, supposant clos le canon de l’.A.ncien Testament, nous nous demanderons surtout comment un Juif, en systématisant les données éparses dans ses documents, devait se représenter l’économie du salut.

Une dernière distinction servira à dissiper toute équivoqiie. La question ne sera pas précisément de déterminer ce ([u’était en réalité la position du Juif vis-à-vis du salut, mais de Hxer ce que nous pouvons en connaître par l’Ancien Testament. Pour résoudre le premier problème, le Nouveau Testament, l’analogie de la foi ou la raison théologique pourraient peut-être suppléer à l’insulHsance des données de l’.Vncien.

La Genèse débute par une profession d’universalisme : dérivant d’un couple primitif unique, to)is les hommes sont frères et au même titre créatures de Dieu {Œil., i, a’j-aS). Elle nous montre avtssi l’intérêt spécial, la paternelle sollicitude de Dieu pour l’humanité comblée de grâces dès le premier instant. Si, en toute rigueur de termes, l’on ne ()eut déduire de l’expression : Dieu créa l’homme à son image (Geii., I, 2-), qu’.dam fut élevé à la sainteté conférée par la grâce sanctifiante, qu’il fut rendu participant de la nature et de la vie divines et destiné à être associé dans la gloire à la béatitude même de Dieu, si l’on soutient que de telles conceptions dépassent de loin l’horizon de la Genèse, il résulte au moins du tableau de la condition primitive de l’humanité, tracé dans les deux chapitres suivants, que l’iiomme fut élevé par Dieu à une situation extraordinaire, à laquelle, de par sa nature, il ne pouvait aucunement pré tendre. Adam est l’ami de Dieu, vivant dans son voisinage et conversant familièrement avec lui ; il aie don de l’immortalité et l’immunité de la concupiscence ; il est soustrait aux atteintes de la maladie et de la souffrance et passe son existence terrestre dans un lieu de délices (Gen., ii, m). Peut-on nous refuser le droit de voir dans cette description, la peinture simple et naïve de l’élévation de l’humanité à l’ordre surnaturel ?

La chute paradisiaque n’a pas brisé du coup toute relation de bienveillance entre le Créateur et la créature. Immédiatement après l’annonce du châtiment, vient la promesse du triomphe final : le genre humain, désormais en lutte avec la puissance du mal, finira par l’emporter ; la postérité de la femme meurtrira la tête du serpent(6’e «., iii, lo). Dans la suite, nous voyons Dieu continuer à s’intéresser au sort de l’homme et à ses vicissitudes, multiplier ses avertissements à Caïn et aux contemporains de Noé, punir les coupables par les eaux du déluge et renouveler au profit du juste Noé et de sa postérité, l’alliance conclue avec Adam à l’aurore du monde (Gen., VIII, 20-ix, l’j). Les autres livres de l’Ancien Testament nous montrent de même l’intérêt constant de lahvé pour le salut des nations ; c’est en particulier une des thèses auxquelles tient le plus l’auteur du livre de Jonas. Mais c’est surtout dans les écrits prophétiques et dans les psaumes que nous trouvons décrite d’une façon brillante cette participation de tous les peuples au salut messianique : « lahvé des armées préparera sur cette montagne un festin pour tous les peuples… Il déchirera sur cette montagne le voile qui enveloppait tous les peuples et la couverture qui couvrait toutes les nations. Il détruira la mort pour toujours » (Is., xxv, 6-8 ; cf. Is., ii, 2 ss. ; XLli ;.l/i’c/i., vil, 16 ss. ; Ps., XLVi, g s. ; lxiv, 6 ss. ; Lxvi). La condition de cette participation, c’est le retour à lahvé, la connaissance et l’adoration du vrai Dieu, et puiscjue concrètement et aux yeux des Israélites, cette conversion ne pouvait se faire sans l’aHiliation au Judaïsme, il s’ensuit que les païens ne seront admis à goûter les joies du royaume qu’en se faisant préalablement Juifs (Is., lvi, G-8, et dans le même sens Ex., xii, 47-49).

Si l’Ancien Testament nous montre la bonté et la grâce de Dieu se répandant sur tous les peuples, il n’est cependant, à proprement parler, que l’histoire des tendresses de lahvé pour Israël. lahvé, maître souverain de l’univers et des peuples, voyant l’humanité s’éloigner de lui toujours davantage et voulant pourtant la sauver en conservant au milieu d’elle son souvenir vivant, se choisit librement un peuple dont il ferait lui-même spécialement l’éducation religieuse. Israël serait un peuple saint, c’est-à-dire totalement consacré à Dieu : les individus seraient incorporés à la communauté de lahvé par la circoncision et la cène pascale, le sol serait sanctifié par les dîmes, les prémices et les sacrifices, le temps lui-même serait dédié à Dieu par les fêtes (£’.r., xix, 6 ; [.ev., XX, 8, 24 ; 6’en., xvii, 10 ss. : ^.r., xir ; xiii, i ; Deiit., xxvi ; E.r., xxxiv, ai ss.). L’Ecriture multiplie les termes pour indiquer les étroites relations qui s’établissent entre Israël et lahvé : Israël est la propriété, l’héritage, le fils, l’épouse de Jahvé, son Jesurun (Dent., XXXII, 15 ; xxxiii, 5, 26 ; Is., XLiv, 2). La grande grâce pour Israël, la source de toutes les autres consiste donc dans son élection par Dieu : il est devenu le peuple de lahvé ; c’est sur cette élection que reposent toute sa foi et toute son espérance, c’est sur elle que se fonde le salut.

L’élection est scellée par l’alliance. C’est au Sinaï que l’alliance proprement dite a été conclue entre lahvé et Israël. C’est là que Dieu, après avoir multi-