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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/173

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GRACE

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lilierté humaine, que S. Paul mettra en pleine lumière.

Pour avoir accès au royaume, et surtout pour } appartenir pleinement, il faut réaliser certaines cohililiunx. La première est de croire au message divin et de le confesser courageusement(.l/c., i. 15 ; xvi, 16). Cette foi suppose 1 adhésion à la personne de Jcsus-Clirisl, docteuret médiateur du salut (.’/c, viii, 38 ; AJl., X, Sa-Sg ; X’xv, 40, ^5). Elle est inséparable de la pénitence, du changement de cœur (.’//., iv, i^ ; Me. I, 15 ; f.c, V, 32). Le comniandemont par excellence de la vie chrétienne, celui qui résume tous les autres et les perfectionne, c’est le précepte de l’amour de Dieu et du prochain (.1//., xxii, 37-40). En un mot, les chrétiens doivent faire la volonté de Dieu (.1//., vii, 21), ils doivent pratiquer lajustice (.l//., v, 6, 20).Pour accomplir leurs obligations, ils peuvent compter sur le secours divin qu’on obtient par la prière persévérante (. ! /<., VI, 5-15 ; Lc, XI, i-13 ; xviii, 1-8).

Les membres du royaume de Dieu sur la terre ne vivent pas isolés ; le petit troupeau de ceux qui entendent l’appel de Jésus et le suivent constitue une société (.1//., XVI, 18). On entre dans l’Eglise par le baptême (l/c, XVI, 16 ; ^1//., xxviii, 19). En liii, pour avoir part au festin messianique, il faut être revêtu delà robe nuptiale (.1/ ?., xxii, ii-14).

Sur certains points, la doctrine des synoptiques postulerait des éclaircissements ou des développements. Il est telles questions qui ne sont touchées qu’en passant, et qui ne sont pleinement comprises qu’après avoir étudié S. Paul ou S. Jean. C’est ainsi que le rôle de l’Esprit-Saint ne reçoit guère plus de relief que dans l’Ancien Testament : on ne voit pas encore clairement son action permanente de sanctilication dans la Aie chrétienne. C’est ainsi encore que les textes relatifs à cette vie nouvelle qui constituela réalité présentement saisissable du royaume, ne nous conduisent pas jusque dans les profondeurs de l’ordre surnaturel. Cette vie nouvelle est-elle purement d’ordre psychologique et moral ? N’est-elle qu’une nouvelle orientation dévie déterminée par la foi en la révélation divine, ou bien est-elle aussi une réalité cachée, uneparticipation deviedivine, comme un écoulement d’Esi)rit-Sainl ? Il estdillicile de trancher la question avec certitude à l’aide des seuls synoptiques. Ils insistent en tout cas beaucoup plus sur le côté moral de cette vie nouvelle que sur son côté mystique. Il en est de même aussi pour les.ctes des.pôtres, qui nous parlent souvent de la force agissante de l’Esprit de Dieu, mais nous la montrent surtout dans l’effusion abondante des charismes sur les lidèles. Le rôle de médialeui- du salut qu’il faut reconnaître au Christ, n’est pas pleinement mis en lumière dans les premiers évangiles : Jésus nous est surtout présenté comme docteur, moins souvent comme Sauveur. On trouve déjà des indications précieuses pourtant sur le caractère de rédemption et de délivrance qui affecte le salut chrétien. Tous les hommes sont pécheurs et ont besoin de conversion (U/., v, 12 ; Le., xm, 1-5 ;.Vc, i, 15). Le Christ est venu apporter le pardon des péchés, il est venu sauver ce qui avait péri (/.c, IV, 18-19 ; ^’^'’°)- Son royaume se fonde sur les ruines du royaume de Satan, c’est la victoire du bien sur les énergies du mal (Mt., ix, 1-8 ; /.c., x, 17). Pour avoir accès au royaume, les hommes doivent être réconciliés avec Dieu, une nouvelle alliance doit s’établir, qui luoditiera les relations entre Dieu et l’humanité. Cette réconciliation, le Christ l’accomplira en donnant sa vie pour nous ; cette alliance, il la scellera par l’elTusion de son sang (. ! /<., xx, 28 ;.l/c., x, 45 ; -’//., XXVI, 28 ; Me., XIV, 24 ; ic. XXII, 20). La mort de Jésus ojière notre délivrance : cette phrase nous transporte du coup dans l’économie paulinieniic du salut.

m. Saint Paul. — L’idée juive du royaume, adoptée et spiritualisée par Jésus, se trouve encore à la base de la théologie de S. Paul. Pour lui aussi, le royaume et le salut sont deux quantités identiques : se sauver, c’est avoir part au royaume de Dieu, c’est contempler sa gloire dans le règne de la lumière. Le royaume est inauguré par le grand jugement de Dieu et ceux-là seuls y auront accès qui seront reconnus justes au tribunal de Dieu. Mais où le grand Apôtre creuse plus profondément le terrain que r.A.ncien Testament ou les s3noptiques, c’est en faisant pleinement ressortir l’impuissance radicale de l’humanité à réaliser la justice requise, c’est en montrant que cette justice est essentiellement une grâce, un moment dans la série des actes salviliqucs divins, c’est enfln en nous présentant le salut comme une délivrance et une rédemption.

.vanl de décrire les effets positifs de cette bonté divine se manifestant à riiumanité, considérons un moment l’aspect négatif du salut, ce qui le fait apparaître à S. Paul comme une libération, ce qui fait aussi que la justice nécessaire au salut est inaccessible aux forces de l’homme naturel.

L’humanité issue d’.dani est ennemie de Dieu, se trouve sous le coup d’une sentence de condamnation et d’exclusion du royaume. L’homme naît pécheur et esclave de la puissance du péché, puissance exlfèmement féconde, engendrant continuellement et partout une multitude d’actes mauvais. Cette puissance a à son service des agents nombreux et des auxiliaires puissants : la loi, les éléments supraterrestres, la chair, tout s’acharne à la perte des descendants d’Adam, en les maintenant sous le joug du péché. Qui brisera les chaînes ? Qui rapprochera l’homme de Dieu en réalisant la justice exigée ? Car aucune chair ne se glorilie en présence de Dieu, tous les hommes sont j)écheurs et privés de la gloire de Dieu (Honi., iii, 20, 23). Ce sont là des idées fondamentales dans la sotériologie de l’Apôtre. Le cri poignant de r.pôtre : Qui me délivrera du corps de cette mort ? (Hom., vii, 25) devrait être le cri de l’humanité juive et païenne. Il trouve même un écho lugubre dans la création inanimée qui tout entière souffre et soupire après l’heure de la délivrance (/l’om., vin, 19-22). Mais la réponse suit inimédialemeni : Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur (liom., vii, 25). Cette phrase contient les deux fondements objectifs du salut, la justice salvifique de Dieu et la rédemption du Christ. Le Fils accepte le rôle de Sauveur et même le désire, mais c’est le Père qui décrète le salut, toujours l’initiative lui en est attribuée (/foni., iii, 21, 24 ; Gui., li, "] ; II Cor.. V, ]8, 19 ; Eph.. 1, 6, 12, 14 ; Tit., iii, -).

C’est la justice salvilique de Dieu qui tolérait jadis les crimes des hommes ou ne leur infligeait que des peines sans proportion avec leur nombre et leur malice ; c’est elle qui dans l’Ancien Testament a donné gratuitement la Promesse à Abraham ; c’est elle qui, après la pédagogie de la Loi et des Eléments du monde, a opéré dans le Christ l’accomplissement de la Promesse. Si le Christ, par sa doctrine et par ses exemples, a tracé à l’homme la voie du salut — cet aspect de sa mission est principalement mis en lumière par les synoptiques, — c’est par sa mort et par sa résurrection qu’il nous a rendu le salut accessible, et il était réservé à Paul de développer jusque dans ses dernières conséquences, ce côté rédempteur de son rôle.

L’œuvre du Christ n’est pas celle d’un individu isolé de l’humanité, c’est l’œuvre du Messie, du second .dam, accomplie pour la communauté messianique, pour l’humanité nouvelle (Uom., v, 14). De même que le premier Adam fut le père de l’humanité