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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/206

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GRECS (RELIGION DES)

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coup J’arljres y étaient tenus pour snrrés. Sans parler de ceux qui agréaient davantage à telle ou telle divinité, — le chêne à Zeus, l’olivier à Athéna, le laurier à Apollon, — d’antres étaient vénérés comme résidences des dieux eux-mêmes. A Carye, en Laconie, Artémis habitait un noyer, à Boiæ un myrte, à Orchomèneun cèdre. Les Hamadryades se fixaient dans les chênes, les Mélies dans les frênes. Suivant la conception la plus commune, incorporées à l’arbre, elles vivaient et mouraient avec lui. Ce culte remontait à des temps très anciens. Homère, il est vrai, ne connaît point la dénomination d’Hamadryades, mais avec les divinités des sources et des fleuves, il mentionne, sous le terme générique de Nymphes, les déesses qui peuplent les prairies et les bois oml>reux. De même, en Crète, le culte des arbres est attesté par de nombreux monuments, beaucoup plus nettement que le culte des pierres : le palmier, le pin, le cyprès, la vigne, le figuier, l’olivier étaient tenus pour sacrés. Gruppe rattache le culte des arbres à un autre culte très antique, celui du feu. La vénération serait remontée du foyer aux arbres servant à l’alimenter. La relation n’est point évidente. Le culte des arbres peut s’expliquer plus simplement par la tendance à prêter une personnalité vivante aux forces productrices, souvent mystérieuses, du monde végétal. D’ailleurs, à mesure qu’on s’éloigne des origines, des légendes se forment pour expliquer ce culte des arbres, et le rattacher à quelque épisode de Ihistoire divine ou héroïque : c’est ainsi qu’à Trézène, Pausa-NiAS vil un myrte sacré, dont chaque feuille était percée d’un trou. Ces trous, disait la fable, provenaient des coups d’épingle à cheveux que Phèdre y avait donnés quand elle se consumait d’amour pour Ilippolyle.

Les Grecs connurent aussi les animaux sacrés, comme l’attestent les survivances du culte à l’époque historique. Entre tous, les serpents élaienl un objet de vénération : tel le serpent de Démétcr à Eleusis, le serpent de l’Acropole d’.Vthènes, à qui l’on offrait chaque mois des gâteaux de miel. Les serpents étaient spécialement associés au culte d’Asclcpios ; le dieu de la médecine se plaisait à emprunter leur forme pour se manifester à ses fidèles. Les autres dieux avaient leurs animaux favoris : l’aigle est l’oiseau de Zeus, la colombe csl dédiée à Aphrodite, la chouelle à Athéna. D’ailleurs, ce domaine n’est pas exclusif, et le même animal, par exemple le dauphin, pourra appartenir ù.pollon comme à Poséidon. Tantôt CCS préférences sont fondées sur les attributs de la divinilé, tantôt elles sont ducs à des circonstances purement fortuites : c’est ainsi que la chouette ne semble avoir été associée définitivement au culte d’.Vthéna, que parce que les Athéniens l’adoptèrent comme frappe monétaire, à la fin du vii « ou au début du vi" siècle avant Jésus-Christ. (Cf. PoTTiiiu, rSulletin de correspondance hellcniqiic, novembre-décembre 1908, p..5-29 sqq) Dans les représentations, on juxlaiiosait d’ordinaire le dieu et l’animal qui lui était consacré. Parfois |)ourtant, les formes humaines et les formes animales se mêlent pour donner des êtres monstrueux, qui font songer aux Horus ou aux lois de l’Egypte. La Crète a fourni une ample série de sceaux ou d’empreinles. portant des représentations de minotaures, déesse-lionne, déesse-aigle, etc. Des figurines féminines à tête de vache ou de brebis, — de date relativement récente,

— ont été aussi exhumées à Lycosoura, en Péloponnèse. On n’est pas encore arrivé à déterminer exactement le caractère de ces étranges personnages : il semble pourtant qu’on doive les ranger, non dans la catégorie des divinités proprement dites, mais dans celle des esprits, des ôai’wjys ; , que la supersti tion populaire redoute et vénère (cf. Karo, Arch. fiir Beliiiionsivissenschaft, 190^, p. 153-154). Salomon Reixach s’est appuyé sur ces faits et d’autres du même genre pour allirmer l’existence du totémisme dans la Grèce antique. La plupart des historiens des religions n’ont point cette assurance : Holwerda, Farnell, Van Gexnep, Hubert et Mauss, Toutain se tiennent sur la réserve, trouvant l’hypothèse plus ingénieuse que solide. Dans son étude sur les survivances du fétichisme en Grèce. Ch. Michel s’est prononcé nettement contre, ajoutant que « Frazer, qui a tant fait pour la connaissance ilu totémisme, est arrivé pour la Grèce à une conclusion identique ». (Revue de l’histoire des lieligions, t. LX, septembre 190g, p. 159.)Sans recourir au totémisme, le culte des animaux peut s’expliquer par la croyance soit à des incarnations < occasionnelles » de la divinité dans certains animaux plus redoutables ou moins connus, soit à la présence permanente d’un esprit mystérieux, dont on ne s’approche qu’avec respect et qu’on prend garde d’irriter. Comme le culte des pierres et des arbres, le culte des animaux ne serait qu’une forme de la croyance en des forces surnaturelles, logées dans des objets matériels.

Montons d’un degré, nous atteignons le culte des morts. L’archéologie nous fournit des détails assez précis sur la civilisation créto-mycénienne. De nombreux sépulcres de types divers, tombes à coupoles, tombeaux à puits ou creusés dans le roc, ont été retrouvés en Crête et sur divers points de la Grèce continentale, à Mycènes, à Vaphio (Laconie), à Menidi (Attique), à Orcliomène (Béolie), à Dimini(Tliessalie). Plusieurs faits rcssortent de ces découvertes. Les cadavres ont été inhumés, d’ordinaire sans embaumement, et, contrairement à l’usage homérique, sans avoir été brûlés. Les Grecs croyaient à une survivance, au moins partielle, de leurs morts, et ils les honoraient par de nombreuses offrandes. Les os et les cornes de taureaux, mouton- : , chèvres, etc., trouvés à l’intérieur ou à l’entrée des sépulcres, ne peuvent être que des restes d’holocaustes. Dans le vestibule ou dromos des tombes rupeslres de Mycènes, les ossements humains sont même en si grand nombre, que Perrot admet l’hypothèse de sacrifices de captifs ou d’esclaves : à qui s’en étonnerait, il suffit de rappeler, dans l’Iliade, Achille immolant douze Troyens sur le tombeau de Patroclc (//., xxiii, i^5176). Aux sacrifices se joignaient de multiples dons, qui constituaient au mort tout un mobilier funéraire : armes, bijoux, ’vases en or et en argent. Ces offrandes ne se bornaient pas à la seule cérémonie des obsèques, mais elles étaient fréquemment renouvelées. Ce culte avait un cai-actêre familial ; à Mycènes, comme l’a remarqué M. ïsountas, les tombes ne sont point éparses, mais forment des groupements séparés ; au centre, un autel en grosses pierres servait aux sacrifices. Il semble légitime de voir dans ces rites funéraires une des origines du culte des héros, destiné à prendre un si large développement à partir du VII’siècle.

Au terme de notre progression ascendante, nous arrivons aux dieux de l’anthroporaorphisine. Ces dieux, conçvis comme des hommes magniliés, nous apparaissent, dans Homère, dessinés d’un trait vif et précis. Cette religion épique avec ses légendes supposées connues des lecteurs, ses dieux nettement différenciés par des formules stéréotypées, n’a point émergé spontanément de la pensée du poète ; comme l’épopée, elle supi)<)se une lointaine élaboration. Les trouvailles archéologiques prouvent que, longtenijis avant Homère, on prêtait à la divinité des formes humaines. En Crète, on a exhumé des statuettes de déesses dont quelques-unes, qui représentent peut-