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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/208

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GRECS (RELIGION DES)

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court un lUiide luysléi’ieux, lX'^-’l’ii’es entretient dans l’immorlalité. Ils sont plus puissants que les héros, plus rapides dans leurs mouvements, ils peuvent, à volonté, se rendre visibles ou invisibles ; immortels, ils habitent dans le ciel les palais bâtis par Hépliaistos. demeures splendides où ils mènent une douce existence dans un printemps éternel. Tout i ;  :-andis qu’ils sont, ces dieux n"en restent pas moins des êtres imparfaits. Ils ont commence dans le temps, et leur vie reste soumise au rythme des jours, des mois et des années. Pour vivre, il leur faut des aliments, l’ambroisie ou le nectar : à la suite de Zeus. tous s’empressent au festin que Icurolîrent les Ethiopiens irréprochables. A l’abri de la mort, ils demeurent accessibles aux blessures et à la douleur : Dioniède blesse dans le combat Aphrodite et Ares, qui rentrent gémissants dans l’Olympe.

Au moral, la limitation est aussi sensible. Les dieux ont leurs passions, leurs amours, leur patriotisme local. Tous se mêlent avec ardeur aux luttes humaines, et les traits que leur prête Homère ne sont point toujours à leur honneur. Apollon tue Patrocle par trahison. Athéna trompe lâchement Hector. Dans le vif du combat, Apollon lance à Ares les cpithètes de « lléau des hommes, souillé de meurtres, brigand de grand chemin ». Hélène pourrait invoquer, comme excuse de son inlidélité, l’histoire d’Ares et d’Aphrodite, si populaire que le poète la rappelle deux fois.

Cet Olympe, Homère l’organise en monarchie. Au sommet, domine Zeus, le dieu souverain, dont un froncement de sourcils ébranle le monde. Au-dessous s’échelonnent les autres dieux et déesses : Héra, l’épouse de Zeus ; Athéna, sa fille de prédilection ; Ares, le dieu de la guerre : Phoibos Apollon ; Hermès ; Hépliaistos, le forgeron boiteux et habile ; Aphrodite la dorée ; Poséidon et Hadès, les deux autres Kronides, se partagent la souveraineté des mers et du monde souterrain, mais s’inclinent devant Zeus. leur suzerain. Homère ne mentionne qu’incidemment Dionysos et Déméter ; il ne connaît point les conceptions religieuses, centralisées autour de Dionysos, Démêler et Koré, d’où sortiront plus tard les mystères d’Eleusis.

Juxtaposé ou plutôt superposé à la puissance des dieux, Homère mentionne un autre pouvoir, la Moira. l.a question a été souvent posée : quelles relations unissent Zeus et la Moira ? C’est là un problème obscur. Il ne faut point s’en étonner dans un poème, qui n’est point un traité didactique, ni, en son entier, l’œuvre du seul Homère.

A prendre les textes dans leur ensemble, la Moira se présente comme la puissance qui fixe la destinée des êtres, plus spécialement la destinée de chaque homme, surtout l’heure et le genre de sa mort. De là, l’union fréquente de Msr/sa et de Oy. : v-’^i {[L, iii, ici ; V, 83 ; XVI, 33^, 853 ; XVII, 4/8, 672 ; xx, ! i-^-j ; as.i, 11 ; XXII, 436 ; XXIV, 132). En d’autres passages, le mot de M-Apy. n’exprime que l’idée concrète, particulière, de mort inévitable : ainsi le traduit le l.exicon Homericuin d’EuELiNG, //., vi, ^88 ; xii, 116 ; xviii, 420 ; Ooîvs., XI, 560 ; xxiv, 29.

Cette destinée qui pèse, irrésistible, sur les misérables mortels, qui l’a fixée ?Est-eUe une force personnifiée’.’Est-ce la loi édictée par Zeus, dans sa souveraine volonté ?

La plupart des modernes, après Welcker, identifient la Moira à la volonté des dieux, surtout de Zeus. Plus d’un passage, où la Moira est unie au nom de Zeus ou d une autre divinité IL, xvi, 849 ; xviii, 119 ; XIX, 87 ; XIX, 4 10) cadre avec cette interprétation. Pour les héros, la Mort est tantôt le décret inévitable de la Moira (//., vi, 488-489), tantôt le

décret, non moins inéluctable, des dieux. L’antinomie s’évanouit, si l’on admet l’identité de la Moira et des décrets divins. Pourtant cette théorie ne résout pas toutes les difficultés : comment se fait-il que Zeus paraisse si craintif en face de la Moira, que pratiquement ils’incline devant elle, et n’ose dérober à la mort Hector et Sarpédon, ces deux hommes I chéris » ? Le moyen de tout concilier serait de considérer la Moira comme un plan de Providence que Zeus s’est fixé une bonne fois, et dont, par res-pect pour l’ordre établi, il ne veut plus se départir. Mais n’est-ce point prêter à Homère trop de profondeur de philosophie et de netteté de conception ? N’ous inclinons à penser que les Grecs, sans examiner à fond le problème, ont i u dans la Moira cette loi qui domine la vie des misérables mortels et s’oppose aux volontés contradictoires des Immortels, une Règle supérieure aux dieux, et non dérivée de leur essence ou de leur volonté.

Il nous reste à indiquer un dernier caractère de la religion homérique : l.i croyance à la vie future. Vouloir coordonner tous les détails en une harmonieuse synthèse est tâche impossible : comme les légendes, les croyances ont subi des relouches ou des additions disparates. Des it scholars n aussi pénétrants que MoNno renoncent à accorder entre elles les deux Nékyias (Odyssée, xt et xxiv). Essayons simplement de dégager quelques idées plus foncières.

Les Grecs des temps homériques se figuraient l’àme, i-j/f : , comme un principe matériel, un air subtil, attaché au corps jusqu’au moment de la mort. Le trépas survenu, l’àme s’échappe, conservant la forme et l’image du défunt, mais une image pâle, exsangue, insaisissable aux vivants. Ce fantôme se rend vers les demeures d’Hadès. Pour qu’il en franchisse les portes, il est de toute nécessité que le corps ait été enseveli. Seule, la seconde Xékyia présente une opinion discordante : les ànies des prétendants arrivent dans la prairie d’asphodèles, où habitent les ombres (OJys., xxiv, 13-14), bien que leurs corps gisent sans sépulture dans le palais d’Ulysse (Odys., XXIV, 187). L’ensevelissement effectué, l’àme voit s’ouvrir les portes des Enfers. L’Odyssée les place très loin, dans l’ouest, au delà du pays ténébreux lies Cimmériens, aux limites du profond Océan. Ce séjour est sous terre : les expressions /Jo^yôJiityvi (Il., VI, 4’0.’"= yiM-’n /j-ir.i IL, XXII, 482 ; Odys., xxiv, 204) l’indiquent clairement. Pourtant la première Nékyia a prêté sur ce point à discussion. L’auteur ne dit pas nettement si l’Erébe est une région souterraine, ou simplement extra-solaire, proche du rivage où a débarqué Ul.vsse. La première opinion, admise par RoHDK. Martin, Mairice Croisbt, Bérard, semble plus probable.

Quelle est la condition des àræs dans l’Erèbe ? Rien ne la met en plus vif relief que la plainte d’Achille à Ulysse : « J’aimerais mieux être sur terre serviteur d’un païuTc hère, que roi de tous les morts. » {Odys., XI, 489). De l’être humain, il ne reste qu’une ombre, un eiôv/^v mince et vague, sans mémoire, sans intelligence, traînant une existence indécise. Pour que quelques pensées s’agitent encore sous sa face décolorée, il lui faut manger la chair fraîche ou boire le sang desanimaux noirs (Odys., xi). Dans la seconde Nékyia, de composition postérieure, les âmes des héros ont gardé conscience et souvenir : Achille et Agamemnon devisent du passé dans la prairie d’a-^pliodèles.

Quelle qu’ait été leur vie terrestre, l’Hadcs ne réserve aux âmes ni châtiments ni récompenses personnelles. Trois criminels seulement nous sont signalés comme soumis à des supplices extraordinaires : Tityos (Odys., xi, 076), Tantale (Odys., xi, 682) et