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FOI, FIDEISME

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l’Encyclique, et de l’iiTéduclible antagonisme entre l’idée chrétienne de la foi et l’idée moderniste, voir J. Lebrhton, L’Encyclique et la Théologie moderniste, Paris, 1908. De plus l’article Modeunisme. — Les autres indications bibliographiiiues seront mieux à leur place plus bas, art. IV.

III. La controverse protestante. — Nous donnerons d’a))ord, en la discutant, une vue générale de la question pai’un protestant autorisé. Nous étudierons ensuite les principaux points controversés. D’où deux sections.

A. Vue générale du sujet. —.V exposé de M. Monod. — M.Jean Mo>oi>, dans l’article /"o ; , de l’^ncic/opédie des sciences religieuses publiée sous la direction de F. Lir.iiTENDERGER, t. V, p. 7, ramène à deux points principaux le désaccord entre catholiques et protestants dans leur doctrine de la foi : le caractère de la foi et sa valeur propre. « Pour le protestant, le premier caractère de la foi, c’est le caractère personnel (Jean, iv, 42) ; elle suppose un contact immédiat de l’àme avec la vérité, telle qu’elle nous est transmise par l’Ecriture sainte et intérieurement garantie par le Saint-Esprit. Pour le catholique, le premier caractère de la foi, c’est le caractère autoritaire ; elle suppose entre l’àme et la vérité un intermédiaire nécessaire, qui est l’Eglise. La foi est un acte de soumission à 1 Eglise : elle consiste à la considérer comme la gardienne et la dispensatrice de la vérité et à accepter sa direction. Croire, c’est professer les doctrines qu’elle enseigne, et dont la principale est l’autorité même de l’Eglise. A ces deux notions de la foi correspondent deux méthodes religieuses opposées : l’une, la méthode catholique, subordonne la vérité à l’unité et va de l’Eglise à Jésus-Christ ( « 4/ Ecclesia ihi Chrislns) ; l’autre, la méthode protestante, subordonne l’unité à la vérité, et va de Jésus-Christ à l’Eglise ( « ii Chrislus ibi Ecclesia). Ce fut au nom de la foi que Luther se sépara d’une Eglise qui était devenue infidèle à l’enseignement et à la simplicité de l’Evangile. Quant à la valeur de la foi, l’opposition entre les deux Eglises n’est pas moins manifeste. Pour l’Eglise protestante, cette valeur est telle que la foi est la condition unique du salut, étant admis d’ailleurs cpi’il s’agit de la foi vivante qui porte en elle le principe des bonnes œuvres. Solu fide, tel a toujours été le mot d’ordre de la Réforme. L’Eglise catholique, au contraire, reconnaît une double condition du salut : la foi et les reuA’rcs ; celles-ci sont des titres à la faveur de Dieu, indépendamment de la foi, à laquelle elles doivent s’ajouter. Il est aisé de voir que cette doctrine fait recnler la grâce du Christ devant les mérites de l’homme. »

2. Discussion. — Ce raccourci manque un peu de précision, et les choses n’y apparaissent pas dans leur vrai jour. Un mot de rectification paraît donc nécessaire ; nous essayerons ensuite de préciser davantage.

Tout d’abord, ce qu’on dit du caractère de la foi regarde plutôt, serable-t-il, les conditions de la foi, le milieu, l’atmosphère où elle vit. Quand on parle du caractère de la foi, c’est la nature de la foi qu’on devrait surtout avoir en vue. Cette première confusion en amène d’autres. On nous dit que « pour le protestant, le p « ’emier caractère de la foi, c’est le caractère ])ersouncl », et l’on renvoie au passage do saint Jean où les Samaritains, après avoir reçu Jésus et entendu sa parole, disaient à la Samaritaine : « A présent, ce n’est phis sur ta parole que nous croyons ; car nous l’avons entendu nous-mêmes et nous savons qu’il est vraiment le sauveur du monde » ; tandis que » pour le catholique, le premier caractère de la foi.

c’est le caractère autoritaire ». On s’explique en disant que la foi, ainsi entendue, « suppose un contact immédiat de l’àme avec la vérité, telle qu’elle nous est transmise i)ar l’Ecriture sainte et intérieurement garantie par le Saint-Esprit » ; tandis que la foi, au sens catholique « suppose entre l’àme et la vérité un intermédiaire nécessaire qui est l’Eglise ». Tout d’abord le passage de saint Jean n’a pas, dans son contexte, le sens ni la portée qu’on lui donne. L’Evangélisle fait remarquer que « beaucoup de Samaritains crurent sur le témoignage de la femme ». Si « un nombre beaucoup plus grand crurent en lui sur sa propre parole », ce second fait n’annule pas le premier. Dés lors, on ne voit pas ce que vient faire ici ce témoignage pour montrer la différence entre la foi catholique et la foi protestante. L’Evangéliste a sans doute une intention, en opposant avec insistance le grand nombre de ceux qui crurent sur la parole même de Jésus au nombre beaucoup moindre de ceux qui crurent sur la parole de la Samaritaine, et l’on entrevoit sans peine ce qu’il veut insinuer. Il eu a une aussi peut-être, en distinguant entre la foi sur la parole de la femme et la connaissance directe de Jésus même et de sa doctrine. Mais rien n’indique que ni sm- ce point ni sur l’autre il oppose foi et foi, comme s’il avait en vue deux caractères (comme nous dirions, deux conditions) de la foi, dont l’un ferait la foi vraiment chrétienne, l’autre non.

Ce qu’on ajoute sur le contact immédiat de l’àme avec la vérité, dans la doctrine protestante, et le contact seulement par l’intermédiaire de l’Eglise, dans la doctrine catholique, manque aussi de précision et même d’exactitude. En effet, en accordant que c’est bien la doctrine protestante que l’on nous donne en nous parlant du « contact immédiat de l’àme avec la vérité, telle qu’elle nous est transmise par l’Ecrilure sainte et intérieurement garantie par le Saint-Esprit » (c’est bien là, en effet, la doctrine de Calvin, bien que ce ne soit pas une doctrine commune et constante chez les Protestants), il n’y a pas, de ce chef, la différence que l’on dit entre protestants et catholiques. Si, en cll’et, le protestant trouve immédiatement la vérité dans l’Ecriture « gai-antie intérieurement par le Saint-Esprit », le catholique la trouve non moins immédiatement dans l’Eglise animée par la vie de l’Esprit divin en elle, et par là même en lui, puisqu’il vit de cette vie sociale de l’Eglise, comme le membre uni au corps vit de la vie de l’àme dans le corps. L’Eglise n’est pas, comme on se le figure ici, un intermédiaire qui nous sépare du Christ, de son Esprit et de sa vérité ; elle est le corps mjstique du Christ, dont les membres sont unis au Christ en vivant de la vie du corps social qu’il vivilie. La question n’est donc pas, à proprement parler, celle de contact médiat ou immédiat avec la vérité, mais celle de vie individuelle ou sociale, de recherche individuelle de la vérité dans un livre ou de participation à la vérité dans le corps social en qui Jésus continuerait de vivre plein de grâce et de vérité, comme il vivait autrefois sur la terre. Les protestants se figurent l’autorité enseignante et la soumission à l’Eglise comme des choses de pur gouvernement extérieur ; ils ne voient pas en l’Eglise le cor[is social hiérarchique dont nous sonimes membres et dont la vie est notre vie, ni dans la foi de l’Eglise un bien social auquel parti(ii)cnt tous les membres du corps social.

En conséquence, nous n’admettons pas non plus sans explication ce que dit M. Monod des « detix méthodes religieusics opposées ". Il n’est ])as exact, en effet, au sens où l’entend l’auteur, que « la méthode catholique subordonne la vérité à l’unité, et va de l’Eglise à Jésus-Christ ». Pour nous, le corps