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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/270

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HUS (JEAN)

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parfois bassement, parce qu’il ne recule devant aucun moyen pour arriver au but égoïste de son ambition. Est-il beaucoup de magnanimités mondaines qui n’aient à soulTrirde l’un ou l’autre de ces vices ? L’humilité prévient ou guérit ces mêmes vices, dans la mesure où elle s’empare du cœur chrétien. Bien plus, elle ouvre ce cœur à l’effusion des dons divins, præbet Iwminem subdiium et semper patuUim adsuscipienlîum influxum difinæ gratiæ (q. 161, art. 5, ad. 2"™). Sous l’influence de la grâce, le chrétien prend déplus en plus conscience du néant et de l’indignité de son moi séparé de Dieu, mais aussi de la grandeur et de la puissance de son moi uni à Dieu. Il conçoit d’abord cet espoir magnanime, folie pour le mondain, de faire par la grâce divine la conquête de Dieu luimcme. Il comprend ensuite qu’il lui faut, pour cela, utiliser tous les talents naturels et surnaturels qu’il a reçus du Créateur, et sa grande crainte est de les laisser paresseusement dormir. Si donc les circonstances, au milieu desquelles Dieu l’a placé, lui offrent l’occasion et le moyen d’être, de quelque façon que ce soit, une force directrice de l’armée du bien, il accepte généreusement cette situation, non point pour la gloire qu’il en recueillera, mais pour les services qu’il y rendra et sans souci des peines et des insuccès auxquels il s’expose. Il mène alors la bataille avec l’inébranlable constance que ceux-là seuls peuvent avoir, qui savent que, personnellement, vaincus ou vainqueurs, ils auront toujours part au triomphe assuré de leur cause, s’ils ont bravement combattu. Pour lutter avec magnanimité, il faut ne point craindre d’être battu et de mourir, et n’avoir qu’une peur, celle d’être lâche. De là vient qu’il n’est point de lutteurs aussi doucement opiniâtres que les humbles, parce qu’il n’en est pas d’aussi désintéressés et d’aussi sûrs du seul triom|)he qu’ils ambitionnent, le triomphe linal de la cause de Dieu. La vie des saints nous en offre d’incomparables et nombreux exemples, et le monde moderne a grand besoin de cette leçon.

VI. L’humilité et la vie moderne. — Il n’y a plus de caractères et il r a trop de déclassés. Telle est la grande plainte de tous ceux qui portent quelque jugement d’ensemble sur la moralité des sociétés modernes. Il n’y a plus de caractères, c’est-à-dire plus d’hommes assez dévoués à leur idéal pour lui rester fidèles à tout prix ; plus de convictions politiques capables de résister aux séductions <hi pouvoir, plus de loj’auté commerciale à l’abri des tentations qu’offrent les combinaisons louches à gros bénéfices, plus de désintéressement dans l’exercice des fonctions publiques, plus de générosité dans raccei)tation des charges que crée la vie de famille. Il y a trop de déclassés : trop de déclassés déçus, trop de malheureux qui, en poursuivant une situation supérieure à leurs aptitudes, se sont rendus incapables d’occuper celle qui leur convenait, et embarrassent la société de leurs personnalités aigries et inutilisables ; trop de déclassés pourvus, arrivés par <rinavouables intrigues à des charges où leur inca|)acité est nuisible au bien public et qu’ils ont enlevées à ceux qui pouvaient et devaient les exercer. La modestie suffirait à guérir cette plaie sociale des déclassés. Mais la modestie est si intimement liée à l’humilité qu’en pratifpie on confond souvent l’une et l’autre vertu. La confusion n’a pas grand inconvénient parce que. sans l’humilité, la modestie est rare et généralement inefficace..Sans l’humilité, en tout cas, on n’a point de caractères, au sens intégral du mot. L’orgueilleux peut avoir des actes, des élans de désintéressement, il ne saurailavoir habituellement le désintéressement héroïque qui fait l’homme de caractère, celui qui est toujours prêt à tout sacrifier à ses convictions. Avec

le meilleur des orgueils mondains et par l’orgueil, on peut avoir l’habileté politique, le génie militaire, le progrès des lettres, des sciences, de l’industrie, de l’agriculture, toutes choses qui favorisent le développement de la civilisation matérielle. Mais s’il n’y a pas dans cette société riche et matériellement prospère, dans ses classes dirigeantes et la masse de ses petites gens, un nombre suffisant de coeurs vraiment humbles, dévoués aux besognes non rémunérées, petites ou grandes, à la lutte ingrate et obscure contre les progrès de la corruption, ce sera, à bref délai, la décadence et la dissolution. Cette société périra de sa prospérité même, comme tant de civilisations antiques. Aujourd hui autant qu’autrefois, le bien public a besoin des services de l’humilité.

Bibliographie. — Somme théologique de saint Thomas, II’II", qq. lag à 133, de ntagnaniinitate, præsumptione, ambitiune, inani gloria et pusillanimitate ; q. 161, rfe humilitale : q. 162, de supcrt/ia. On lira avec avantage, dans l’édition léonine, les commentaires de Cajetan sur ces questions, en particulier ceux de la q. 129, art. 3, n" 2 à 5, de la q. 131, art. 1, n° 4, et de la q. 161, art. 1, n°’3 et 4.

Lectures choisies des Pères. — Saint Clément de Rome, I"ép. aux Corinthiens, ch.xiiiàxix, P. G., I. col. 235 à 2.^8. Saint Basile, Homélie xxi, sur l’humilité, P. G., XXXI, col. 525-540. Saint Grégoire de N’ysse, I" sermon des Béatitudes, P. G., XLIV, col. 1199-1207. Saint Jean Chrysoslome, Septième homélie sur Vépître aux Philippiens, P. G., LXII, col. 22^-238 ; Homélie choisie sur l’humilité, P. G., LXIII, col. 613-622. Saint Jean Cliuiaque. Echelle du Paradis, vingt-cinquième degré, P. G., LXXXVIII, col. 987-101 1.

Saint Augustin. Sermon cccLi, de l’utilité de faire pénitence, P. L., XXXIX, col. 1535-1540 ; Traité de la virginité, ch. xxxi-lvi, P. L., XL. col. 412-428. Saint Benoit, /fc^/e, ch. viii, de l’humilité, P. L., LXIV, col. 571-676. Saint Grégoire le Grand, l humilité et l’orgueil dans les prédicateurs..Morales, L. XXIII, ch. i-xii, P. /.., LXXVI, col. 262-264 ; comment la connaissance de nous-mêmes augmente l’humilité, Morales, L. II, ch. lii, P. L., LXXV, col. 596. Saint.-Vnselme..Méditations sur te Miserere P. L., CLVIII, col. 821-854. Saint Bernard, Traité des degrés de l’humilité et de l’orgueil, P. L., CLWU, fol. 94>-972 Parmi beaucoup d’ouvrages modernes qui ont de bonnes pages, quoique souvent un peu confuses, sur l’humilité, nous croyons pouvoir recommander spécialement le petit volume suivant. Formation à l’humilité, in-32, 870 pages. 5’édition. Librairie Saint-Paul. Paris, 1904.

Et. HlGLl NY, O. p.


HUS (JEAN) ET LE SAUF-CONDUIT DE SIGISMOND. — L’histoire de Jean Ilus, livré au bras séculier comme coupable d’hérésie et brûlé à Constance le 6 juillet 1415, a donné lieu d’incriminer la procédure ecclésiastique, comme ayant, au mépris de la foi jurée, amené l’exécution de l’hérétique, que couvrait un sauf-conduit de l’empereur Sigismond. Xous exposerons : I. Les faits ; — II. Les accusations qui pesaient sur Jean Hus ; — III. Les réponses qu’on peut opposer au reproche de déloyauté dirigé contre le concile de Constance.

I. Les faits. — Maître es arts et bachelier de théologie à l’Université de Prague, Jean Ilus fut le promoteur en cette même Université du mouvement national. En outre il adhérait chaleureusement à l’ex i