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FOI, FIDEISME

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bonnier, jetés avec celle foi-làaufin fond de l’enfer. » Ailleurs riiistolre a pris un autre tour. On la trouve même chez les catholiques, chez Erasme, ])ar exemple, et chez Picniis (chez le premier, avec une intention satirique contre les théologiens), mais comme une recommandation de recourir à la foi de simple acquiescement pour échapper aux arguties du diable. Karl H.se, dans son Manuel de polémique ^ p. ^58, la raconte ainsi : <i Le diable demande à un charbonnier ce qu’il croit exactement. Je crois ce que croit l’Eglise. Mais alors que croit l’Eglise ? L’Eglise croit ce que je crois. Le diable dut s’en aller sans avoir pu tirer la chose au clair. » 11 semble que Luther veuille faire d’une pierre deux coups : combattre une foi impersonnelle et toute d’autorité extérieure (que ce soit celle de l’Eglise ou celle de la Bible), une foi tout objective et dont l’objet même n’importe guère, pour mettre en place la foi évangélique, telle qu’il l’entend, la foi de sentiment, qui croit avant tout à notre justilication en Jésus. L’objection a déjà été résolue, si c’en est là le sens. Si c’est une vraie objection contre la foi implicite des catholiques, Calvin- va nous la présenter avec plus de précision. Voici comment il s’en explique dans V Institution chrétienne, 1. 111, c. 2. De la For, p. M (dans le Corpus reformatorum, t. XXXII, Op. CahA. ÏX) : « Ils (les théologiens sorboniques) ont basti une fantaisie de foy qu’ils appellent Implicite ou Enveloppée : duquel nom intitulant la plus lourde ignorance qui se puisse trouver, ils trompent le povre populaire et le ruinent. Mesmes (pour parler plus ouvertement et à la vérité) cette fantaisie non seulement ensevelit la vrayefoy, mais la détruitdu tout. Est-ce-là croire, de ne rien entendre moyennant qu’on soumette son sens à l’Eglise ? Certes, la foy ne git point en ignorance, mais en cognoissance : et icelle non seulement de Dieu, mais aussi desa volonté. Car nous n’obtenons point salut à causeque nous soyons prests de recevoir pour vray tout ce que l’Eglise aura déterminé, ou pour ce que nous luy remettions la charge d’enquérir et de cognoistre : mais en tant que nous eognoissons Dieu nous estrePcre bien vueillant pour la réconciliation qui a été faicte en Christ, et pour ce que nous recevons Christ comme a nous donné en justice, sanctilication et vie. C’est par ceste cognoissance et non point en soumettant notre esprit aux choses inconnues que nous obtenons entrée au royaume céleste. » A. Ritschl fait remarquer, dans son Histoire du Piétisme, que Calvin, tout en décrivant en maint endroit avec une correction parfaite l’idée luthérienne de la foi, a été amené par son opposition à la doctrine catliolique à mettre l’essence de la foi dans la connaissance, à insister sur son aspect intellectuel, à en faire un objet d’étude. Bref, il en arrivait à la notion catholique de la foi, et à la manière catholique de l’éclairer, de la nourrir, de la fortifier. M. Hoffmann, qui cite la remarque de Ritschl, ajoute, p. 21 6, que, si la foi devient une science qui s’enseigne, une science bornée cherchera toujours abri dans quelque chose comme la fidcs implicita. La notion de foi implicite est en elTet impliquée dans la notion même de foi-connaissance, et connaissance d’un objet extérieur dont on prend peu à peu possession à mesure que l’on étudie cet objet, soit en lisant des livres comme l’Ecriture ou les catéchismes, soit en écoutant un enseignement oral. On sait, sur le témoignage même de Dieu, que les enseignements de l’Ecriture et de la Bible sont vrais et bons. Reste à étudier peu à peu ces enseignements. Mais on y croit d’abord implicitement.

Ritschl, en réfléchissant sur la question, en venait à constater que Luther procédait, dans son petit catéchisme, comme les catholiques, sériant les ques tions, les proportionnant à la portée de l’auditeur, laissant de côté, avec les enfants et les ignorants, les points de doctrine ou les applications non nécessaires et trop dilliciles. M. HolTmann, à son tour, en l’étudiant dans la tradition chrétienne, arrivait à constater que la foi tendant à devenir intellectuelle et objective dès la seconde génération chrétienne (en regardant de plus près, il aurait vu qu’elle l’avait toujours été), on avait dès lors procédé comme on procédait au temps de la Réforme, au moins pour le fond des choses et sauf les exagérations particuliéresàtel ou telthéologien.’Voir ce que ditHoffmann, dans son Introduction et au début de son travail, sur les idées et les études de Ritschl à cet égard, sur les siennes propres, sur la doctrine des premiers siècles jusqu’à saint Augustin, le Pseudo-aréopagite et Grégoire le Grand, page i-^i.

On pourrait, d’après ces remarques, regarder l’objection comme résolue. Quelques réflexions cependant ou quelques explications pourront être utiles. Nous les avons déjà indiquées, à propos de M. Jean Monod ; il faut les rappeler ici.

Ce que Calvin, et aussi, pourune part, Luther, reproche à notre foi implicite, c’est d’être une foi sans objet, ou du moins sansobjet déterminépour l’intelligence, prenant, sans regarder, le paquet que l’Eglise lui présente. Or, il s’en faut « lue ce soit là la notion catholique de la foi implicite. L’Eglise veut que tous ses fidèles sachent au moins le symbole des Apôtres, et elle a fait des prodiges d’ingéniosité pour mettre les principales vérités de la foi à la portée des plus petits et des plus ignorants. L’autorité de l’Eglise n’est pas pour suppléer la vérité absente, mais pour garantir la vérité présente. Elle n’est pas là pour se substituer à la vérité, mais pour nous donner la vérité. Elle la donne avec mesure, comme saint Paul à ses néophytes, comme une mère à ses enfants. A tous, elle prépare le pain des vérités substantielles qui nourrissent la vie chrétienne ; quant aux finesses d’explication et aux profondeurs doctrinales, elle sait que tout le monde n’en est pas capable. Il lui sufllt que Dieu veuille lui envoyer, suivant les temps et les nécessités de la lutte, quelques grands esprits, qui l’aident, pour ainsi dire, à renouveler les intuitions de sa foi. Des pasteurs, elle exige qu’ils saclient eux-mêmes et sachent en maîtres ce qu’ils doivent enseigner. Ce sont ceux-ci qui doivent préparer la nourriture au reste du troupeau, choisissant, adaptant, proportionnant, comme fait im maître habile. Et quoique les uns en sachent plus que les autres, tous cependant croient la même chose, parce que tous s’unissent à la grandevoixde l’Eglisepourproclamer les grandes vérités qui contiennent toutes les autres, prêts à recevoir, quand on les leur proposera, les enseignements particuliers, qui peuvent être utiles suivant les temps et les circonstances.

La théorie de la foi implicite peut être mal comprise, et les jirotestants l’ont prise à contresens. Mais bien entendue, elle exprime la condition même de tout enseignement pratique, et elle fait voir à qui veut ot comment on a l’unité essentielle de foi dans la diversité accidentelle de savoir.

Un type de foi implicite, telle que les protestants le reprochent à l’Eglise, serait précisément celle des protestants en Christ, telle qu’ils l’expliquent eux-mêmes. La foi, en efl’el, selon eux, ne justifie pas comme acte bon, mais comme moyen de s’approprier le Christ et ses mérites : elle est le vase de terre, qui contient l’or précieux ; elle nous justifie en nous apportant le Christ, comme la marmite pleine d’argent enrichit son possesseur.’Voir Môhler, Symbolih, § 16, p. 161-162.

3, ta foiintégrale et les articles fondamentaux. —