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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/311

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IMMANENCE (MÉTHODE D)

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— Cependant pour salutaire qu’elle soit, la perlée de la méthode d’immanence twt limitée.

1. Elle l’est d’aliord par les e.rii ; ences mêmes qu’elle formule, et qui sont celles des « philosophes », d’une élite, au moins sous la forme rigoureuse que revêt l’application scientifique de sa théorie. Le livre de l’Aclion ne se donne pas certes comme un livre d’apologétique populaire. Les raisonnements métaphysiques qu’il développe ont une délicatesse toute particulière, à cause de leur complexité. Limite de fait plutôt que de droit, car nous avons constaté que les exigences que prétend satisfaire la méthode d’immanence sont légitimes.

2. La méthode d’immanence est encore limitée en ce sens qu’elle n’est pas destinée à proui’er par elle seule le fait du surnaturel. L’exposé a mis ce point en bonne lumière. Que si, non content de faire reconnaître à l’homme la nécessité d’un surcroît, l’apologiste cherche, par une analyse psychologique de ses besoins et de ses aspirations, à lui faire percevoir, à travers les grâces de Dieu, le signe de la vérité, sa méthode n’est plus la méthode d’immanence. C’est une méthode psychologique, dont nous n’avons pas à apprécier ici la valeur, mais qui, en toute hypothèse, ne saurait être unique. (Voir à ce sujet les discussions élevées entre M. Thamiry et M. Ligbard, /.’Apologétique et la Transcendance du surnaturel, extrait de la Beiue de Lille, janvier 1910.)

La méthode d’immanence n’est donc pas une méthode rivale des méthodes de démonstration historique. On doit dire d’elle, proportion gardée, ce que le P. Labkhthonnière dit fort justement de la méthode de Pascal. Quand, après avoir fait remarquer que la chute originelle explique notre misère présente, ce que nous sommes, et la rédemption notre idéal de grandeur, ce que nous devons être, il ajoute : a Mais la chute originelle et la rédemption ne se présentent ainsi tout d’abord que comme des hypothèses. De ce que ces hypothèses semblent rendre raison de ce que nous sommes, il ne serait pas légitime d’en conclure qu’elles sont vraies. Il faut donc les vérifier ; il faut voir si réellement il y a eu une chute et si réellement il y a une rédemption. Et la critique historique reprend son rôle. Seulement qu’on le remarque bien, elle est maintenant dirigée dans son enquête, elle ne va plus à l’aventure. Et les faits dont elle établit la réalité ne sont plus seulement quelque chose de matériel et de eonstatable empiriquement ; ils ont un sens par rapport à nous. i> Essais, p. 207.

h) La méthode d’immanence a-t-elle de fait, dans l’intention de son promoteur, cette portée ? C’est la question critique.

Plusieurs déclarations de M. Blondel paraissent ne laisser aucun doute à ce sujet. « On me prêle le dessein de montrer comment les dogmes sont appelés ou postulés par l’àme humaine, qui si elle sait voir en elle-même, peut les découvrir d’avance. Or je n’ai pas cessé un instant d’atlirmer que, sans l’enseignement objectif et une révélation positive, nous ne pouvons par nous-mêmes découvrir aucun dogme, obtenir aucune connaissance de la véritable réalité surnaturelle, dégager aucune notion de la grâce, même quand les touches secrètes de Dieu se traduisent déjà par des faits de conscience anonymes. <> (Lettre à l’Cniyers, la mars 1907, citée par Thamiry, Les deux aspects de l’Immanence, p. 271.) Cependant la Lettre sur les exigences, datée de 1896, laissait peut-être quelque équivoque. Ce n’est pas un résultat peu appréciable des controverses qu’elle a suscitées que d’avoir permis de préciser ce point. Oui, la méthode d’immanence finit là où l’a montré l’exposé. Mais là ne se limitent ni les utilisations légitimes de la méthode ou des idées dont elle procède ni les efforts

Tome II.

apologétiques de M. Illondel et de ceux qui, à des degrés divers, relèventde son initiative. L’exposé n’en a pas été fait. Il nous suffira donc d’indiquer en terminant ici notre examen, comment au point de vue de la méthode d’immanence, prise en son sens original et premier, peut ou doit se constituer l’Apologétique intégrale.

Conclusion. — Méthode d’immanence et Apologétique intégrale. — L’apologétique, comme la théologie d’ailleurs, a une histoire qui, on l’a expliqué ici même, est celle d’un progrès (Apologétique, col. 240, seq.). Dès le xvi’siècle et sous la forme de ces traités nouveaux, qu’on appelle De Vera lieligione et De Ecclesia, elle se détache peu à peu des traités de la Foi et tente lentement de s’organiser. Mais, née au milieu des luttes doctrinales, elle en garde souvent l’empreinte. Les circonstances appelaient des polémiques. Elles dictèrent une méthode.

De là le caractère de bien des travaux apologétiques du XVIII’et du xix’siècle : agglomérat de questions hétérogènes et de solutions occasionnelles. L’apologétique n’était alors qu’une tactique. Ne devait-elle pas devenir une science ? Elle avait dès lors à organiser ses preuves et à mettre en lumière le principe qui les organisait. Une y » x( « ^os(7 ; on d’arguments ne suffit pas, en effet, pour constituer une science. Il faut une coordination, owmiexxTi encore une implication. A ce compte, rai)ologétique aura son homogénéité spécifique et son unité formelle. Car elle aura constitué en un tout étroitement lié, les arguments multiples, internes et externes, qui doivent se combiner pour réaliser intégralement la démonstration chrétienne.

De ce programme, le cardinal Deghamps semble avoir donné la formule : « Ecoute et regarde, dit-il : Il n’j' a que deux faits à vérifier, l’un en vous, l’autre hors de vous ; ils se recherchent pour s’embrasser, et, de tous les deux, le témoin c’est vous-même. > (Démonstrations de la Foi, i’^ Entretien, p. i. — Dessain.) Au point de départ de la démonstralion, il s’agirait donc d’observer le fait intérieur. Cette étude du sujet est objective. Elle met en lumière des besoins et des exigences. Si de plus elle est dynamique et concrète, elle explorera, au-dessous de la zone des idées réfléchies, les états de conscience spontanés et les dispositions intimes, elle aidera le mouvement secret de l’ànie vers la vérité. Et quand l’homme qui cherche la religion portant en elle seule les signes de la vérité divine sur la terre, aura, avec le désir de voir, demandé où elle est, ce sera la tâche de l’apologiste de fixer intellectuellement cette conscience déjà éveillée sur l’obligation de croire (au moins hypothétiquement) à la Révélation’.

Cette tâche, l’apologiste l’accomplirait, sans doute, en montrant d’abord dans l’Eglise catholique, miracle toujours subsistant, l’autorité d’une parole, qui, aujourd’hui encore, témoigne en faveur du caractère divin de la Révélation dont elle porte d’âge en âge la tradition de vie et de vérité. Il reconnaî 1. L’apologétique aura donc tout d’abord, pour but d’établir la crédibililé du do^ime catholique (Gardeil., O. P., La Crédibililé et V Apologétique. Gabalda, 1908, p. 140). Ce qui n’exclut pas cnez l’apologiste l’effort louable de jusliBer devant la raison les voies multiples selon lesquelles se réalise le Mystère Rédempteur (M.i.let, l^Œuvre du cardinal Dcchamps, Annales^ 1907, p. 575 sq. Weurlé, La Méthode d’immanence, p. 48 sq.}. II nous semble cependant qu’il conviendrait de dire de cette justification, qu’elle n’entre qu’indirectement dans l’apologétique, et relève plutôt de la théologie.

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