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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/359

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INDEX

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Joxes ou suspectes d’hcttrodoxie. En ce cas, il n’est plus permis de recourir à des allénuations supposant que la seule question d’oi)porlunité a été en jeu.

Quel(iues gallicans du xvii’et du xvin’siècles, se fondant, disaient-ils, sur d’anciens usages et privilèges, ont prétendu que l’Index n’avait pas force de loi en France ; c’est une prétention insoutenaljle, sans nul fondement ni théologique ni juridique, opposée même à tous les principes. Il suflirait, pour la réfuter, de renvoyer ses défenseurs à la doctrine unanimement admise peu d’années auparavant par leurs compatriotes et proclamée dans les conciles provinciaux d’Aix, en 1581, de Toulouse, en iSgo, d’Avignon, en 15g^, etc. Cette opinion est d’ailleurs complètemcnl abandonnée aujourd’hui. Un grand nomlae de synodes provinciaux et diocésains d’une époque récente, reprenant spontanément la chaîne, quelque peu obscurcie plutôt qu’interrompue, de la tradition nationale, ont signalé le caractère obligatoire de VIii-Jex : d’autres, tels que le concile provincial de Toulouse, de 1850, et celui deUeims, de 1867, quiavaient d’abord omis la mention expresse de ce point, l’ont ajoutée, à la demande de la congrégation romaine chargée de la revision de leurs actes. Benoît XIV, en 1757, avait formellement déclaré que les décrets de l’Index liaient tous les fidèles en tous lieux ; cl LiioN XIII, dans la constitution 0/pciorum, qui fait loi en l’espèce, renouvelle expressément cette déclaration :

« Les livres, est-il dit à l’article 45, condamnés

par le Siège Apostolique seront considérés comme proliihés dans le monde entier el en quelque langue qu’ils soient traduits. » (Cf. CiiouriN, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège, Paris, 1907.)

Par rapport à la sanction pénale, les œuvres mises à l’Index peuvent se ramener à deux catégories. La première est définie dans un article de la constitution Apostolicoe 5erfis, reproduit textuellement sous le numéro xlvii des Décréta gencralia de Liiox XIII. Cet article décrète l’excommunication spécialement réservée au Pontife Romain et à encourir de plein droit (ipso facto), contre « tous ceux qui, sciemment et sans l’autorisation du Saint-Siège, lisent les livres des apostats el des hérétiques dans lesquels l’hérésie est défendue, ou bien des livres d’un auteur quelconque, nommément condamnés par lettres apostoliques », et aussi contre « ceux qui détiennent les livres susdits, qui les impriment ou qui leur prêtent appui, de quelque façon que cesoil », L’usage des autres livres condamnés constitue une violation du droit naturel et du droit positif, mais n’entraîne aucune censure, à moins que la sentence du juge ou du tribunal ecclésiastique n’en ait fait mention expresse. J’ai dit : l’usage des autres livres…, pour ne point parler de la peine canonique infligée à certains imprimeurs et éditeurs par l’article xlviii des Décréta generalia, qui porte : a Ceux qui impriment ou font imprimer sans l’approbation de l’ordinaire des livres, des annotations ou des commentaires de la Sainte Ecriture, encourent par le fait même une excommunication non réservée. »

IV. Qui peut imposer un Index ? — L’admission ou la condamnation d’un lifre en tant qu’il intéresse la foiet la morale chrétiennes est une indication autorisée ou une prohibition obligatoire pour les fidèles, et elle constitue soit un laissez-passer soit un obstacle légal à la lecture privée comme à celle qui se ferait en public ; elle est donc du ressort de la puissance spirituelle, qui seule est directement chargée des intérêts de la religion et s’impose sûrement à la conscience des croyants. Si l’histoire nous montre parfois l’intervention des princes séculiers dans les affaires de ce

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genre, clic nous apprend aussi ([ue cette intervention ne fui jamais admise comme légitime qu’à la condition de se produire de concert avec les représentants du pouvoir ecclésiastique, pour seconder leur action ou appuyer leurs décisions. C’est ainsi que Constantin, .rcadius, Théodose et Marcien proscrivirent les écrits d’Arius, des Manichéens, de Neslorius et des partisans d’Eutychès. Plus récemment, en 153g, au témoignage de Llouiînte (Histoire de l’Inquisition d’Espagne), Charles-CJuint, désireux de promulguer dans ses Etals un catalogue de livres défendus, obtint du pape Paul III une bulle approuvant son dessein. Ce catalogue ne parut qu’en 1546, sous ce litre :

« Mandement de l’impériale Majesté, donné el publié

en l’an XLVI, avec catalogue, intitulatioji ou déclaration des livres réprouvez, faiete par Messieurs les Docteurs en sacrée Théologie de Luniversité de Louvain, à l’ordonnance et commandement de la susdiclc Majesté impériale. » Il n’appartient qu’au Souverain Pontife ou à un concile œcuménique de porter, par eux-mêmes ou par personnes à ce déléguées, une défense qui oblige l’Eglise universelle ; mais les évêques peuvent exercer le même acte de juridiction dans leurs diocèses respectifs. L’article XXIX des Décréta generalia de LiioN XIII leur en fait même un devoir ; et, pour renforcer leur autorité et leur action, le pape déclare qu’en cette matière ils pourront procéder (1 comme délégués du Siège apostolique ».

V. Légitimité et nécessité de l’Index. — 1° Preuie de raison tliéologitjue. — Le droit qu’a l’Eglise de proscrire certains ouvrages repose d’abord, d’une part, sur la puissance qui lui a été donnée el le devoir qui lui a été imposé de eiller à la conservation de la foi et des mœurs, de l’autre, sur le dommage que causent aux individus et à la société les lectures malsaines. Si un chrétien a tout à craindre de la fréquentation d’hommes impies ou libertins, si « les mauvais discours corrompent les bonnes mœurs » (I Cor., XV, 33), ainsi en esl-il, à plus forte raison, de la lecture d’écrits dans lesquels l’incrédulité el l’hérésie ont répandu leur venin, que l’immoralité a souillés de ses tableaux dangereux ou efTronlément lubriques. On a dit souvent (]u’un livre est le eonipagnonleplus assidu, l’ami le plusfidèle. Il eslégalcmenl exact de<lireque c’est un maître ou un prêcheur déguisé, aussi opiniâtre qu’habile el insinuant : c’est le conseiller dont la voix, écoutée avec le moins de défiance, pénètre le plus sûrement dans l’intelligence el dans le cœur. Insensiblement, sans heurter beaucoup nos idées ni froisser nécessairement nos sympathies, sans susciter du moins aucune des objections que l’amour-propre, à défaut de la raison, ne manquerait pas d’opposer aux propos d’un interlocuteur vivant, le livre, grâce à son impersonnalité même, fait son œuvre ; il verse ses pensées el ses senlimenls dans l’àme du lecteur, il les y grave d’autant plus profondément que celui qui les reçoit ne soupçonne pas qu’ils lui viennent du dehors et croit s’être formé à lui-même sa conviction, son inclination ou son aversion à l’endroit des personnes et des doctrines. Il n’est point, peut-être, de puissance de suggestion qui soit comparable à celle de la lecture, parce qu’il n’en est point qui se rapproche autant de l’autosuggestion. Tel esl le secret cle l’influence délétère de tant de publications contemporaines, telle la cause des ravages effrayants de la presse irréligieuse et li<encieuse.

L’Eglise se doit donc à elle-même, elle doit aux âmes qui lui sont confiées d’éloigner, autant que possible, ces occasions de perversion. Voilà pourquoi elle défend à tous ses sujets soit de lire, soit de

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