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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/373

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INDULGENCES

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vcs ilans les concessions d’indulgences : un an au plus pour la dédicace d’une basilique el pas plus de quarante jours pour le jour anniversaire (Cnyjii. Lxii, Mansi, XXII, lOiig-ioSi).

Mais les abus possibles ou réels ne prouvent rien contre la légitimité ou l’utilité de l’usage, et encore moins contre la droiture d’intention de ceux qui ont contribué à l’établir. Dans le cas actuel notanmient, le Dr X. Paulus le remarque très à propos (Zeiisch. / : Icalh. riieo !., t. XXXIU (1909), p. 312-313), le rei)roclie de simonie est particulièrement invraisemblable : la multiplication des indulgences-auuiùnes ne coïncide-t-elle pas avec la défense, renouvelée dans presque tous les conciles de l’épiKjue, d’exiger aucune redevance pour l’administration des sacrements, [lour l’accomplissement des fonctions ecclésiasli qucs ? (Voir en particulier les canons des trois conciles de Latran : iiSg, can. 2^ ; 1 179, ean. 7 ; I215, cap 63, 64, 66.) C’est la preuve évidente que les apparences de spéculation ou de trafic, que l’on poursuis ait ailleurs, ne se découvraient pas ici. Dans les olfrandes spontanées des visiteurs et des bienfaiteurs des lieux de prières, on ne voyait qu’une des formes traditionnelles de l’aumône, et les faveurs qu’on y attachait avaient moins pour but de provoquer à la générosité que d’encourager à la dévotion ou aux dévotions.

c) /.es induti^ences pontiprales. — Les rémissions de peine, par exemple, accordées par les papes, ont pour but avoué de reconnaître l’instinct de foi qui pousse à venir implorer les suffrages du prince des apôtres. L’usage est fort ancien de ces recours à Uome : à partir du ix’siècle, on en relève des traces nombreuses dans les « Regestes » ponlilioaux (cf. Paulus, dans Zeitsch. f. hatli. TheoK, XXXIll (’909), p. 304-300). Bk.xoit III, Nicolas I", Jkan VIII, Etii ;.n.e V, Jran X, Alexandre II usent fréquemment de leur pouvoir de « miséricorde », et la considération qui les y meut est celle de la conliance mise par les coupables en la puissance de Pierre : « Huer omnia prnpter inisericordiam facimus et bealiiin l’etrum aposlolum, iid ciijus sacratissimum corpus fecil confu^ium » (Jk.^n X, lettre à Hermann de (Pologne en 916 ; Pailus, li>c. cit., p. 306, note 3).

D’individuelles qu’elles étaient d’abord, ces faveurs pontificales se généralisèrent peu à peu. A l’occasion d’un concile tenu à Rome en 1 1 1 6, nous voj’ons le pape Pasc.vl II accorder une indulgence de IfO jours à tous ceux, sans distinction, qui « prnpter cuncilium et aiiimurum siiarum remedium aposlulorum llmina visitaveruiit » (Paulus, loc. cit., p. 14, nole 1).

Nous sommes au xii’siècle ; les pèlerinages à Rome, à Jérusalem, se multiplient et c’est par mesure d’ordre général qu’on y attache des indulgences :

« Nous avons coutume d’en accorder autant à tous

ceux qui visitent le tombeau du Seigneur », dit le pape.lbxandre Ht, dans la bulle où il accorde un an d’indulgence aux chevaliers qui prennent part à la croisade contre les païens de l’Esthonie (J-ki-é, lai 18, P. /.., CC, 861)et le même, dans une lettre aux évêques suédois (Jaffk, 14417), nous fait connaître que le pèlerinage à Rome procure la même faveur. Ici seulement se manifeste une certaine préoccupation de proportionner l’étendue de l’indulgence à la longueur du pèlerinage : la rémission, qui est d’un an pour les pèlerins du continent, est de deux ans pour les Anglais ; pour les Suédois, qui sont plus éloignés encore — n quia remntissimi sunt » —, elle sera de trois ans. On aperçoit l’idée de la rédemption qui persiste. Mais elle est en voie de s’évanouir et la règle de plus en plus suivie est que l’indulgence s’accorde sans aucune considération des mérites personnels. L’excellence du saint à honorer, l’importance de

l’entreprise à favoriser, la dignité de l’autorité qui concède l’indulgence : voilà d’où s en prend la mesure. La visite du prince des apôtres dans la personne d’Un-B. u.N II vaut à l’église Saint- Nicolas d’Angers le privilège à perpétuité d’une indulgence pour tous ceux qui la visiteront au jour anniversaire de sa consécration (Paulus, loc. cit.. p. 12, note i). Une faveur analogue est accordée par le pape Calixte lia l’église deFontevrault (17//rf., p. 15, note i) el les concessions de ce genre ne se comptent bientôt plus. Elles servent d’encouragement ou de récompense pour toutes les initiatives heureuses : le pape Alexandre lll.par exemple, en confirmant la paix signée entre quelques seigneurs et l’abbaye de Clunj-, leur promet, s’ils gardent la foi jurée, la même indulgence d’un an qui s’accorde au.x croisés de Jérusalem (Jaifé, 109 16, P. L., ce, 250).

d) La théorie définitive. — L’indulgence est donc bien désormais d’usage courant. Praliiiuement, elle a rompu tout lien d’attache avec les « rédemptions » ou commutations de peine, d’où elle dérive. Les défiances, les hésitations, les doutes, que des théoriciens manifestent au sujet de son ellicacilé, ne tiennent plus qu’à la persistance de conceptions que l’on sent bien insullisantes, mais que l’on maintient jusqu’à ce que se précise la théorie dcUnitive. La spéculation, une fois de plus, retarde : scolastiqucs et canonistes, à la Un du xu’et au commencement du XIII’siècles, s’égarent dans la multiplicité des oj inions sur la nature, la valeur et la manière d’sgir des indulgences (cf. Paulus, Die Ablasslehre der Frïilischolastik dans Xeitsclir, f. kath. Thcul., XXXIV, (1910), p. 433 sqq.). L’ancienne, qui tend à identilier l’indulgence et la commutation, leur en impose. Elle fait se maintenir dans les écoles la définition de l’indulgence signalée par Alberï le Grand (cf. ci-dessus p. 731). Mais elle est manifestement en désaccord avec la pratique de l’Eglise qui ne se borne plus, tant s en faut, à commuer la peine temporelle : remise directe en est faite intégralement ou partiellement, et ce que l’Eglise fait ne saurait être sans raison ou sans valeur. L’Eglise n’abuse pas ses fidèles en leur accordant « relâche » de la pénitence : c’est un jjremier principe dont tombent d’accord tous les maîtres.

Un second, qui ne leur est guère moins commun, est celui-ci, que la disprojjortion entre l’étendue de la peine remise et la dilliculté de l’œuvre « indulgenciée » est combléepar les suffrages de l’Eglise — voir en particulier Guillaume d’Auvergne (Du sacraiii. ordinis, cap. xiii ; opp., t. I, p. 550F et 551 » A), dont nous avons dit cependant qu’il continuait à voir une comnmtationde peine dans l’indulgence — On reconnaît la notion du trésor social de l’Eglise.

Quant à l’efficacité des indulgences aux yeux de Dieu, personne alors ne la met en doute. La question ne semble même pas s’être posée : parmi les opinions énumérées et discutées par les docteurs de la fin du xii’siècle, le D’Paulus (Inc. cit., p. 4C8-4 ; 0) déclare n’en avoir trouvé aucune qui restreigne l’efficacité des indulgences à la rémission de la peine ecclésiastique. Toute la difficulté tenait au contraire à la nécessité de concilier la conception qu’on se faisait de leur mode d’action avec la conviction que l’on avait de leur efficacité aux yeux de Dieu — de là, entre autres, l’indignation d’AniÎLARD — : l’appel aux suffrages compensateurs de l’Rglise n’avait pas d’autre but que de résoudre ce problème ardu.

A tous ces points de vue essentiels et fondamentaux, la théorie des indulgences se trouve donc bien ébauchée au xii’siècle, et les grands scolastiqucs du xiii’, ici comme ailleurs, auront moins à innover <(u’à préciser. Ils élagueront les opinions vieillies ou de surcharge ; ils dégageront les idées maîtresses et