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INDULGENCES

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Theol., XXIV (igoo), p. a65-266. XXXIII (igoy), p. 5gij 608) et le P. Lbdmkuhl dans le « Pastur bonus » de Trêves (1898-1899), p. 8 sqq. — l’usage se répandit d’autant plus rapidement que la doctrine était depuis longtemps lixée : Sixtb IV, dans ses explications, ne faisait en somme que reproduire la doctrine déjà formulée par Alkxa.nurb db Halès :

« mis qui sunt in purgatorio putest fieri lelajcatio

per inudunt suj]ragii sii’t impetrationis et non per mudum judiciariæ alisululiunis sii’e commutatiunis » {Suniina theol., p. IV, q. 23, m. 5).

Mallieureusement, l’usage d’accorder des indulgences pour les morts, en se combinant avec celui de les attacher à de simples aumônes ou offrandes en argent, devait avoir pour elFet de multiplier encore les abus auxquels cette dernière coutume avait toujours donné lieu. Plus la nouvelle utilisation des indulgences les devait rendre populaires, plus les profits à en résulter devaient tenter les convoitises. Le danger avait toujours été de ne voir dans les indulgences-aumûnes que des sources de revenu. Il allait être désormais qu’on spéculât sur l’empressement des fidèles à soulager les âmes de leurs parents défunts. Une grande discrétion dans la concession, la publication et l’explication des indulgences aurait donc dû le prévenir. On sait que le contraire se produisit : c’est à partir de cette époque que furent portés à leur comble les abus exploités par la Réforme protestante.

III. Abus et réforme

Ces abus peuvent se résumer dans ce qu’on a appelé la n vente des indulgences «. L’Eglise aurait littéralement fait commerce de ces faveur’spirituelles. Et le tralic en aurait été d’autant plus scandaleux que l’objet en aurait été non pas seulement la rémission de la peine due au péché, mais la rémission du péché lui-même, de la cuulpe, pour eiuploj’er le mot technique. C’est comme indulgences « a culpa et a poena » qu’elles auraient été jetées sur le marché de la chrétienté. Les lidêles ne les auraient achetées que comme un remède éventuel du péché ; pour quelques pièces d’argent on leur aurait procuré d’avance la remise totale de leurs fautes. Ainsi, et par suite d’une matérialisation progressive des moyens do salut, auraient été rejetées au second plan la contrition et la confession : le sacrement de pénitence aurait fait place à la recette de l’indulgence, et le pape, qui s’en réservait la distribution, se serait créé ainsi une source inépuisable de revenus ; les banquiers désormais auraient été ses intermédiaires pour l’exercice du pouvoir des clefs.

De ce tableau si souvent reproduit le moins qu’on puisse dire est qu’il manque de fond et que la réalité s’y trouve considérablement réformée. Tous les traits cependant n’en sont pas inventés et, si la haine surtout a vulgarisé cette expression de « vente des indulgences », il faut bien reconnaître aussi que les apparences ont paru parfois la juslilier.

Voilà pourquoi nous aurons à décrire tout à l’heure les déplorables et scandaleuses pratiques que le concile de Trente réussit seul à supprimer. Mais il importe avant tout d’éclaircir ce point fondamental : l’indulgence a-telle jamais été présentée ou considérée comme la rémission proprement dite du péché ?

1° Les inoulgrnces a culpa bt a porna A) L’einpliii de la formule. — L’expression même d « indulgentia a culpa et a poena » ferait croire à cette conception de l’indulgence. L’emploi en est relativement ancien..Vu xiii « siècle déjà, les prédicateurs, en parlant de faveurs faites aux croisés, font ressortir

Tome I[.

qu’elles procurent à la fois l’absolution de la coulpe et Ce la peine du péché (Paulus, Die Anjange des sugenanntenvblasses von.Schuld und Strafe, Z.F.K.T., t. XXXVI (1912), p. 68 sqq.). Le même effet est attribuéau XIV* siècle au jubilé. Le pape saint Célestin V, dans une bulle, révoquée, il est vrai, presque aussitôt après par Bo.niface VIII, parle lui-même d’une absolution a a culpa et a poena > (ibid., p. Sy). Le concile de Vienne, en 1312, signale, entre autres abus des quêteurs, qu’ils s’attribuent le pouvoir d’absoudre a culpa et a poena » (Clément., 1. V, tit. ix) et la formule « absolvere a culpa et a poena >> revient fréquemment sous la plume des rédacteurs des lettres pontificales. Elle s’explique d’ailleurs très logiquement : le confesseur, qui absout sacramentellemenl du péché, peut aussi, s’il a les facultés nécessaires, accorder ou appliquer l’indulgence de la peine, en sorte que le même acte procure à la fois l’absolution de la coulpe et de la peine.

Mais l’expression indulgentia a culpa et a poena », quelque voisine qu’elle soit de la précédente, et quoiqu’elle en dérive, est, au contraire, irrémédiablement équivoque. Le mot « Indulgence », malgré le sens restreint qu’il a désormais, y conserve une signification plus large qui le rend synonyme du mot absolution. Aussi les canonisles n’ont-ils cessé de protester contre l’emploi de cette expression. « Proprie loquendo, disait, au xv siècle, Nicolas Weigel, un docteur de Leipzig chargé de promulguer eu Allemagne l’indulgence accordée par le concile de Bàle, proprie loquendo non est indulgencia dicenda apena et a culpa, licet posset dici ahsolucio aliqua a pena et a culpa. » Et la raison qu’il donne de cette différence est celle que nous indiquions à l’instant : le mot indulgence a un sens beaucoup moins large que celui d’absolution : « Multum dijfert dicere : llic absolvitur a pena et a culpa vigore indulgencie plenarie reniissionis, et ilii fit vel dutur indulgencia a pena et a culpa. JVani prinuim potest optime concedi. Sacerdos nanique suo modo dicitur absolvere a peccalo et ita a culpa. Ex auctoritate dantis et Itabentis dare indulgencias eliam absolvit a pena, id est, remittit penam debitam pro peccato. fgitur hujusmodi loquendi niodus potest admilti, scilicet quod plenana indulgencia lionio potest absoivi a pena et a culpa, sed quod darelur indulgencia a pena et a culpn, hoc non est concedendum ». Et de fait, ajoute ce même docteur, l’Eglise évite l’emploi de cette formule : « Hle modus loquendi a pena et a culpa est contrarias forme qua communiter Ecclesia utitur » (cité par Paulus dans Zeitsckr. f. kath. Theol.. XXIII (189g), p. ^48). Affirmations renouvelées constamment par les commentateurs des bulles d’indulgences : « Ecclesia nunquam utitur ttili forma ». « IVunquam lalis indulgencia emanavit a curia » (P’rançois Mayron, 1827 : cité ibid., XXXVl (1912), p. 88, note 3, et 89, note 5). « Ecclesia in suis concessionibus nunquam utitur tali forma s (Nicolas de Dinkensbuhl, commencement du xv’siècle : cité ibid., XXV (1902), p. 340). « ’iedes apostolica sub his verbis « a poena et a culpa » indulgentias nunquam dare consuevit » (cardinal de Cusa, légat du pape en Allemagne, 1451 : cité par Bkringbr (trad. Mazoyer), Les indulgences, leur nature et leur usage, p. 14).

Toutefois, et quelle qu’ait été la répugnance de la chancellerie romaine à adopter cette formule — qu’elle n’a d’ailleurs pas toujours et absolument exclue : cf. N. Paulus, Zeitschr. f. kath. Theol.. XXXVI (1912), p. 271-273 — toujours est-il que le langage courant l’a admise. A partir du xiv’siècle, elle vient d’elle-même sous la plume des chroniqueurs (cf. N. Paulus, dans Zeitschr. f. kath. Theol., XXV (igoi), p. 338-343 ; Lba, t. III, p. 62 sqq., et Th. Bnii ; 24