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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/379

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INDULGENCES

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buit ans de ne pas révoquer cette indulgence et de ne pas lui en substituer une nouvelle. Sur quoi l’empereur Maximilien, mis au courant, intervient. Lui aussi veut une part du profit. Il autorise pour trois ans l’indulgence que le pape a accordée pour buit, à la condition que le cbancelier de Mayence s’engage à payer, cbacune de ces trois années, i.ooo florins rhénans à la chambre impériale, pour être employés à la construction, à Innsbriick, de l’église Saint-Jacques, aliénant à la Hofburg (voir les détails, d’après l’ouvrage du D Schultk, Die Fu^ger in Rom (Leipzig, igo4), dans Scmrôus, Léo X, die Maynzer Erzhiacliofsuahl und der deiilsche Ahlass fiir S’Peter im lahre 151 i : art. de la /.eitschr. f. hath. Theol., XXXI (icjon), p. 267 sqq. ; soit dans Grisah, Luther, t. I, ji. 283 sqq., ou dans Pastor, Hist. des papes, Ir. fr., t. VU, pp. 260-271) Le besoin d’argent qui les fait concéderparfois par les papes les fait donc solliciter aussi par les autorites locales. A la veille même du protestantisme, des villes qui seront des plus empressées à lui ouvrir leurs portes, Nurenberg par exemple, Berne, Strasbourg, font instance à Kome pour en obtenir des bulles d’indulgence (N.Paulus, yo/ian « Tet : el, p. 1161 17). « Si les indulgences nous étaient tellement à charge, pourra dire Jean Cochlke en 1524. pourquoi les demandions-nous ? (Si graves nobis erarit indutgrntiae, cur inipetraiimus P Ibid., p. 117, note I.) L’affectation religieuse des sommes ainsi recueillies n’est d’ailleurs pas plus garantie d’un côté que de l’autre : dans le trésor des papes et dans celui des princes, elles se confondent avec les autres revenus et sont employées aux mêmes œuvres. On peut lirdans Pastor (op. cit., p. 258-270), comment la pénurie financière dont souffrait Léon X le faisait passer outre à toutes les plaintes que provoquait depuis longtemps la multiplication des indulgences. Par contre, Charles-Quint obtenait, de 1515 à 1518, la prédication dans les Pays-Bas d’indulgences spéciales dont le produit était destiné à réparer et entretenir les digues maritimes : « l’indulgence de la digue » (H. DE JoNGH, d’après l’ouvrage du U’ScnuLTE(1904) : Jlie Fugger in Rom, dans la Rev. d’hist. ecclés., de L(mvain, igog, p. 5y/i).

() La prédication des indulgences. — Mais c’est le reeourrerænt surtout et la perception de ces aumônes qui revêtait le caractère d’une opération commerciale.

La publication de l’indulgence une fois autorisée, un commissaire général était désigné pour y présider. Lui-même s’adjoignait un certain nombre de sous-commissaires, tel Jean Tetzkl. Les agents immédiats de l’entreprise étaient des prédicateurs doublés de collecteurs. Les premiers, par des sermonsel des instructions appropriés, disposaient les âmes à s’assurer le fruit de l’indulgence. Des pouvoirs spéciaux, nous le savons, leur permettaient d’absoudre des cas réservés, de relever des censures et desvreux (cf. Pastor, op. cit., p. 365, et Grisar, I utiier, t. I, p. 280-288). C’était, pour les localités où ils se transportaient successivement, l’occasion d’un véritable renouvellement religieux, l’équivalent de ce quenous appelons aujourd’hui" une mission » ; et il serait souverainement injuste, en parlant de la prédication des indulgences, de laisser dans l’ombre cet aspect essentiel. De même faut-il tenir compte de la mise en scène inséparable de cette forme d’évangélisation populaire, pour apprécier les procédés et le langage des prédicateurs d’indulgences.

Mais ces constatations faites — et il faut avouer qu’on les omet souvent — il est incontestable d’autre part que l’appareil fiscal dont s’accompagne cetapostolat religieux, lui donne un singulier air de foire. I

Les collecteurs d’offrandes en effet suivent les prédicateurs. Leurs biu-eaux s’établissent à côté de la chaire et du confessionnal, et les sermons, qui provoquent à la conversion des vivants ou au soulagement des défunts, invitent aussi à s’adresser aux comptables : c’est à leurs guichets, contre le versemenld’une certaine somme et d’après un tarif soigneusement élaboré, que s’obtient, en forme de reçu, la cédule donnant droit à une part correspondante des faveurs du jubilé.

Car, à l’indulgence plénière primitive, d’autres, nous le savons déjà, sont venues se joindre ; et les instructions rédigées par les commissaires à l’usage des prédicateurs recommandent, pour les faire valoir, de les présenter non seulement en gros, mais aussi en détail. Quatre grâces principales y sont communément distinguées : i" l’indulgence plénière proprement dite pour les vivants ; 2" la lettre de confession ou d’indulgence dont nous avons déjà parlé (ci-dessus p.74 I et 7^2) ; 3° la participation à perpétuité aux biens spirituels de l’Eglise, liée d’ordinaire à l’acquisition de la lettre de confession ; 4* l’indulgence pour les morts (N. Paulus, 70vfln « Tetzel, p. 87 et 150). Or chacune de ces faveurs peut être acquise séparément. Les fidèles doivent en être avertis et on aura soin de leur signaler les avantages spéciaux qu’elles présentent. La quatrième, en particulier, attirera l’attention : c’est la plus recherchée et la plus fructueuse : n Circa istam gratiam efficacissime declarandam, porte l’instruction rédigée par Albertde Brandebourg, prædicatores ditigentissimi esse dehent, eoquod animabtts defunctis per liane certtssinte subfeniliir et negotio fobrice S. l’etri fructuosissime accumutatissimeque consulilur » (ibid., p. 150, note i). Aussi, pour qui connaît la grossièreté et la vulgarité du langage de la chaire aux xiv<-xvi* siècles, les hyperboles de certains prédicateurs n’ont rien qui étonne. On ne s’étonne pas non plus que leurs comparaisons violentes, leurs aflirmations outrées, voisinant avec l’erreur, aient pu produire ou entretenir des erreurs dans l’esprit d’auditeurs ignorants et crédules. Où il eût fallu rectifier et préciser, on passait outre et l’on déclamait. Le travers, trop commun aux orateurs populaires, de prendre parti pour les opinions extrêmes, faisait insister là surtout où la réserve des doctes aurait dû commander la discrétion. Tranchant d’eux-mêmes ce que l’enseignement des théologiens et les bulles des papes laissaient indécis, les commissaires, dans leurs instructions, affirmaient l’infaillible eflicacité del’indulgence pour les morts, prenaient parti contre la nécessité de l’état de grâce pour en obtenir soi-même l’application à un défunt (N. Paulus, Johann Tetzel, p. 149. 150, 155 sqq. ; cf. Der Ablass fur die Verstorbenen am Ausgange des Mittelalters, dans Zeitschr. f. iath. Theol., XXIV (1900), p. 253-206). L’offrande seule est requise pour délivrer du purgatoire : « iVec opus est quod contribuentes pro animabus in capsam sint corde contriti et ore confessi, cum talis gratia charitnti in i/ua defiinctus deressil et contribiitioni viventis dunta.rat innitatur n {"S. Paulus, Johann Tetzel, p. 150, note i et cf. ibid., p. 1 ig, note 2 et 3). Quel que soit l’état de conscience du donateur, l’àme secourue par lui s’élance hors des flammes avant même que l’écu n’ait sonné au fond de la caisse du comptable. (C’est la doctrine dénoncée, par Luther, thèse 27 : « Slatim ut jactus nummiis in cistam tinnierit, evolare dicunt animant », traduite dans le dicton allemand :

« Sobald das Geld im Kasten klingt

Die Seele aus dem Fegfeuer springt »

et à laquelle Tetzbl opposa la 57* de ses thèses de