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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/389

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INERRANCE BIBLIQUE

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I

Une iinprccision résultanl des conditions psycliolojj ; i(iues dans lesquelles se produit noruialenienl le témoignage humain ne mérite pas le nom d’erreur ; ce n’est pas même une inexactitude proprement dite. N’a-t-on pas trop perdu de vue cet état de choses dans les dilférents essais d’harmonisation, qui ont pour but d’accorder les quatre évangiles jusque dans les dernières modalités du récit ? Il n’a pas échappé à S. Augustin, bien que peut-être il n’en ait pas assigné clairement la cause. Conlia Faust. Munich., XXXIll, vni ; P. /.., XLII, col. 516.

C’est encore un fait attesté par l’histoire de l’exégèse ((ue de tout temps on s’est accordé sur la vérité substantielle du récit sacré, tant du i)oint de vue historique que du point de vue doctrinal ; mais, toujours aussi et à ce double point de vue, on a été divisé sur le sens, la portée, la certitude de certains détails qui intègrent ce l’écit. La chose est particulièrement sensible en ce qui concerne les récits primitifs. Tous les orthodoxes s’accordent à lire dans le troisième chapitre de la Genèse l’histoire de la chute originelle et à en tirer les mêmes conséquences dogmati(]ues ; mais quand ils en viennent à l’explication détaillée, il s’en faut qu’ils soient tous du même avis : tel trait, compris au pied de la lettre par ceux-ci, n’a au contraire pour ceux-là qu’un sens symboliciue. Le récent décret de la Commission biblique, « jui a eu l’immense avantage de mettre hors de doute l’historicité substantielle du texte, n’a pas supprime cet état de choses. Pareillement, nous sommes historiquement certains et nous croyons de foi divine que le Christ est mort sur la croix, du temps de Ponce Pilate ; mais à quel moment précis ?… Quels étaient les termes exacts de l’inscription placée en baut de la croix ?… Je ne sache pas qu’on ait jamais fait à ces qucstions une réponse admise de tous, et qui soit réellement adinissible comme certaine. Et pourtant, nous avons là-dessus dans les textes canoni<|ucs des renseignements formels. Si, malgré tout, il plane sur ces détails une incertitude, qui semble bien irrémédiable ; si, à cause de cela, nous sommes dans l’impuissance de faire à leur sujet un acte de foi divine, ne serait-ce pas parce que l’incertitude qui les accompague remonte à l’origine même des textes et porte sur cela même que l’historien sacré eut l’intention d’allirmer ? Notre propre adhésion doit se mesurer sur l’intention qu’avait l’historien sacré, sans la dépasser ni la restreindre ; et cette intention, nous ])OUvons presque toujours la déterminer par le but de l’écrivain et la nature du genre littéraire employé par lui. Or, il est manifeste (et tout le monde en convient) que l’auteur inspiré a conçu et rédigé son texte dans un but d’enseignement religieux ; il se propose, même dans les récits, d’enseigner la religion : dogme et morale, car c’est pour cela qu’il est inspiré. Voir Insi-iration. D’où il suit qu’il a entendu certitier son récit, même histori(iue, dans la mesure même où ce récit se rapporte à son enseignement religieux. C’est cela, et cela seulement, qui devient l’objet de son assertion. S’il accueille des traditions avec la forme concrète qu’elles ont, depuis longtemps peut-être, dans la mémoire des hommes, c’est qu’elles lui paraissent suflisantes au parti qu’il en veut tirer. Du point de vue historique (au sens profane et étroit du mot) le texte biblique rédigé dans ces conditions peut paraître imparfait ; mais sa valeur religieuse n’y perd rien. Ce n’est pas la possibilité de faire un acte de foi sur le moment précis de la mort de Noire-Seigneur qui nous mettrait en meilleure posture vis-à-vis du bienfait de la Rédemption.

g) Sous peine d’être erronés, les ruisunnements d’un auteur inspiré doivent conclure ; mais une argumentation peut être concluante de bien des façons.

Tous les arguments n’ont pas une valeur absolue, par exemple celui qui est seulement ad hominem. Pour n’avoir qu’une valeur relative, il ne devient ])as une erreur. Toute bonne logique reconnaît sa légitimité. Au reste, c’est un fait qu’il s’en rencontre dans l’Ecriture. S. Paul part d’un abus pratiqué dans l’Eglise de Corinthe (le baptême pour les morts, 1 Cor., XV, 2g) pour conclure qu’il implique la croyance dans une résurrection future. Quand le même Apôtre en api)elle au vœu de la nature pour prouver que les hommes doivent porter les cheveux courts (I Cor., xi, 14), il entend sans doute la nature interprétée par les mœurs delà société gréco-romaine de son tenqjs. La raison donnée par S. Pierre aux Juifs pour leur i)rouver que les Apôtres ne sont pas pris de viii, savoir a qu’il n’était encore que neuf heures du matin » (.ici., ii, 15), n’est pas assurément de celles qui ne permettent pas d’insister. Tout de même, il semble bien qu’on s’en soit contenté. Si, en argumentant par l’Ecriture, les auteurs du N. T. sont partis i)arfois d’une exégèse courante plutôt que des exigences rigoureuses du texte (voir ExÉGÛSB, col. Li&Uf), ils n’ont commis ni erreur, ni tromperie ; seulement leur argumentation n’avait directement qu’une valeur ad hominem. Cependant, il est possible que des commentateurs, d’ailleurs très rccommaudables, soient allés dans cette direction plus loin que de juste ; par exemple Maluonat, In .Maltli., XXI, 5. Ils ont pour excuse la dillicuUé qu’il y a à rendre compte de certains passages.

//) Ces données rationnelles, empruntées à la logique et à la psychologie, font assez comprendre que pour raisonner utilement en matière d’inerrance, on ne peut pas se contenter des termes d’erreur et de yérilé, ni des notions sommaires que ces mots réveillent ; il y faut une analyse plus pénétrante. Les théologiens, même les plus attentifs, n’ont pas encore réussi à traiter le sujet avec une terminologie uniforme. Pour qualilier les assertions <jui, à un titre ou à un autre, n’expriment qu’imparfaitement la vérité (sans être erronées), les uns parlent de férilé relative. Gh. Piiscii, Prætect. do< ; mat., I, n. 62g ; De inspir. sacr. Script., p. 627, cf. 3^5. D’autres, F. Prat, Eludes, 5 novembre igo2, p. 802 ; J. Bruckeb, Eludes, 20 janvier igo3, p. 232, se défient de l’expression, parce que, disent-ils, on ne voit guère dans ce terme de relatif, quand il s’agit de vérité, qu’un euphémisme pour désigner l’erreur. Le P. ScHii’FiNi, Diinilas Scripturarum…, p. 110, prétend que par vérité relative les néocritiques entendent une assertion dans laquelle l’hagiographe aurait alllrmé per modum unius le vrai et le faux. Il est clair que ce n’est pas dans ce sens que les théologiens et les critiques catholiques emploient cette dénomination. Ils ne la comprennent pas comme M. LoisY. Par vérité relative, ou encore proportionnelle, économique, celui-ci entend une vérité essentiellement précaire. On a cru jadis que le soleil tournait autour de la terre, c’était la vérité d’hier ; on croit maintenant que la terre tourne autour du soleil, c’est la vérité d’aujourd’hui. Cf. Etudes bibliques, p. 35. Dans ce sens, la vérité relative est l’erreur de demain. C’est là une façon d’envisager la vérité expressément condamnée dans le décret l.amentabili, prop. 58. Dbnz.’", 2058. Mais la condamnation ne nous oblige pas de tenir f|ue toute vérité a une valeur simplement absolue. Certaines vérités se trouvent liées aux contingences de l’histoire, et, à ce titre, elles ont de la relativité. Les Juifs croyaient de foi divine la proposition Viendra le Christ de Dieu ; mais c’est dans une proposition contraire Maran altha (]u’au temps de S. Paul se formulait la foi chrétienne. En d’autres cas la rela-