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INQUISITION

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devaient subir, les cérémonies auxquelles ils devaient assister, les pèlerinages qu’ils devaient accomplir.

Si le prévenu ne faisait pas spontanément la confession de son hérésie, on essayait de lui en arracher l’aveu par des interrogatoires. L’inquisiteur David d’Aigsbouhg indique les quatre moyens principaux que l’on employait pour cela : « i" La crainte de la mort. On faisait entrevoir au prévenu, s’il n’avouait pas, la condamnation suprême et le bûcher ; au contraire, s’il consentait à parler, il recevait la promesse qu’on lui épargnerait un pareil supplice ; 2" le cachot, plus ou moins rigoureux, aggravé par une nourriture parcimonieuse, la menace que des témoins déposeraient contre lui et qu’alors il ne pourrait plus se sauver, réloignement de tout complice capable de l’encourager dans ses dénégations ; 3° la visite de deux hommes siirs, jugés aptes à l’amener par de bonnes paroles à faire des aveux ; 4° la torture. » (. alyse

par U011.4.IS, /.’Inquisition, p. 170.)

David d’Augshourg omet un autre moyen fort puissant pour obtenir des aveux, l’habileté de l’Inquisiteur. Grâce aux tionimes contre les hérésies que plusieurs d’entre eux avaient composées et qui contenaient le résumé des croyances et la description des mœurs et des habitudes des hérétiques, les inquisiteurs savaient fort bien les interroger, démasquer leurs fauxfuyants, déjouer leurs stratagèmes elles acculer à des questions précises, ne permettant pas d’échappatoire. Ils connaissaient aussi les actes qu’un hérétique ne consentait, en aucun cas, à accomplir. Sachant par exemple que la croj-ance à la métempsycose interdisait aux Cathares de tuer un animal, ils lui ordonnaient de saigner un poulet ; et ainsi, le mettaient dans l’alternative ou de trahir sa croyance par un acte qui lui était contraire, ou de l’avouer. L’un des manuels de l’Inquisiteur publié par Martkne (7"Aeraiirus noi’us aiiecdotorum, V, p. 1792) met en scène les subterfuges qu’employaient les hérétiques au cours de l’interrogatoire et la manière dont l’inquisiteur devait les déjouer. Bernard Gui trouva l’idée si juste et si bien rendue qu’il reproduisit ce passage dans sa Practica.

En face de l’inquisiteur ainsi armé, le prévenu était seul ; les témoins à décharge devaient être rares ; ne pouvaient-ils pas craindre de passer eux-mêmes pour hérétiques en venant aider de leur déposition un suspect ? D’autre part, le juévenu ne pouvait pas se faire assister d’un avocat. La bulle Si adt’ersus no5, signée par Innocent III en 1205et insérée par Grégoire IX dans les Décrétales (liv. V, titre vil), faisait expresse défense aux avocats et notaires d’assister des hérétiques : Vohis, adocatis et scriniariis, firmiter inhihernus ne liiiereticis, credentihus, fautorihus vel defensorihus eornmdem in aliquo prestetis aiixilitim, consiliiim vel favorem, nec eis in causis vel in factis, vtl aliqiiibus litigantibus snh eorum examine lestrum patrociiiinm præbeatis, et pro ipsis publica instrumenta vel scripta facere inillatenus attentetis. Enfin, les interrogatoires des témoins et des prévenus, et en général toute laprocédure de l’Inquisition était secrète. C’est ce que précisait Boniface VIII dans une bulle insérée au Se.rte Concedimus quod in inquisitiunis hæreticae pravitatis negotio procedi possit simpliciter et de piano et absque advocatorum ac j’idiciorum strepitu ac figura (Se.rte, Y, ii, 20), et le Directoriuni d’Eymeric spécilie bien qu’il en était ainsi. L’accusé n’avait donc pas la garantie des débats publics et de l’appel à l’opinion.

Lorsque la procédure était terminée, l’inquisiteur et ses assesseurs prononçaient la sentence. Ils le faisaient généralement avec la plus grande solennité, au milieu d’une assemblée publique convoquée

à cet effet, et appelée le Sermo generalis. Bernard Gui a décrit, en termes fort précis, dans sa Practica, ce Sermo generalis qu’il eut à présider souvent lui-même en sa qualité d’inquisiteur. Il commençait par une brève instruction à la foule et des concessions d’indulgences, se poursuivait par le serment prèle par les officiers de la juridiction temporelle d’obéir à l’inquisiteur pour tout ce qui concernerait la foi. On relevait ensuite certains condamnés de leurs pénitences ; on en imposait à d’autres. Entin, on donnait lecture des fautes commises par ceux qui allaient être jugés. « Cette lecture se faisait en langue vulgaire, dans l’ordre suivant : 1* ceux à qui les croix et les pèlerinages étaient imposés ; 2° ceux qui étaient condamnés à la prison ; 3* les faux témoins qui, comme tels, se voyaient infliger la double peine de la pénitence et de la prison ; 4° les prêtres et les clercs soumis à la dégradation et à la prison ; 5* les morts qui, vivants, auraient été condamnés à la prison ; 6" les morts dont les cadavres devraient être exhumés pour impénitence ; 7° les fugitifs ayant, connue tels, mérité d’être condamnés comme hérétiques ; 8" les relaps devant être aban donnés au bras séculier : d’abord les laïques, ensuite les clercs ; 9° les hérétiques Parfaits ; 10° enfin ceux qui, ayant révoqué leurs aveux, ou qui, convaincus, n’ayant rien avoué ni n’ajant pu se défendre, devaient, comme impénitents, être livrés au bras séculier. » (Douais, L Inquisition, p. 260.) Après cette lecture, les coupables repentants ou tout simplement effrayés par la crainte de la mort abjuraient, et ils étaient relevés de l’excommunication. On lisait ensuite les sentences et on remettait au bras séculier les condamnés qui devaient être frappés de Vanimadversio débita, c’est-à-dire de mort.

Les peines inlligées par l’Inquisition étaient fort variées. Certaines étaient des pénitences canoniques beaucoup plus que des châtiments et recherchaient l’amendement de l’individu plutôt que son affliction ; au Sermo generalis en effet, on imposait des croix, on ordonnait des flagellations, des pèlerinages ou le service en Terre sainte, comme au cours de la procédure. D’autres peines atteignaient la fortune du condamné ; on le déclarait frappé d’incapacité civile et on étendait cette peine à ses enfants ; ou bien on jjrononçait la confiscation de ses biens, ou l’on ordonnait la démolition de sa maison ; quelquefois, on s’en tenait à une simple amende.

Une autre série de peines afflictives pouvait l’atteindre dans sa personne. C’était d’abord l’emprisonnement temporaire ou perpétuel. « Il y avait deux régimes pour les prisonniers : le régime strict (n}nrus strictus, duras ou arctus), et le régime adouci (murus largus)… Les i)ersonnes soumises à ce dernier pouvaient, si elles se conduisaient bien, prendre un peu d’exercice dans les corridors, où elles avaient quelquefois la facilité d’échanger quelques paroles ctde reprendre contact avec le dehors. Les cardinaux qui visitèrent la prison de Carcassonne et prescrivirent des mesures pour en atténuer les rigueurs, ordonnèrent que ce privilège fût accordé aux captifs âgés ou infirmes Le condamné au murus strictus était jeté, les pieds enchainés, dans une cellule étroite et obscure ; parfois il était enchaîné au mur. Cette pénitence était indigce à ceux dont les offenses avaient été scandaleuses ou qui s’étaient parjurés par des confessions incomplètes, le tout à la discrétion de l’inquisiteur. J’ai rencontré un cas, en 1328, où un hérétique fauxtémoin fut condamné au murus strictissimus avec des chaînes tant aux mains qu’aux pieds. Lorsque le coupable appartenait à un ordre religieux, la punition était généralement tenue secrète et le