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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/462

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INSPIRATION DE LA BIBLE

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ce qu’il y a de recevalile dans les deux opinions, en disant que, si l’origine apostolique ne constitue pas un critère de droit, parce que la grâce de l’apostolat n’emporte pas nécessairement la grâce de l’inspiration, elle constitue du moins un critère de fait. Celle position a l’avantage d’expliquer pourquoi les anciens ont pensé pouvoir trancher la question de canonicité par celle de l’origine apostolique. Admettre ou contester l’origine johannique de l’Apocalypse, c’était, à leurs yeux, admettre ou contester sa canonicité.

3. Origine apostolique. — Quoi qu’il en soit, toiit le monde admet que l’origine apostolique est, du moins, un critère négatif, en ce sens qu’un écrit postérieur à l’âge apostolique ne saurait être inspiré. La raison en est qu’après les Ap6lres il n’y a plus de révélation publique à attendre ; avec eux l’objet de la foi catholique a clé constitué dans toute son intégrité. C’est la doctrine constante de l’Eglise, récemment rappelée, avec autorité, par la condamnation de la prop. 21’du décret Lamonlnhili. Dbnz.’", 2021. Or, l’Ecriture est une des sources de cette révélation ; par son origine divine, qui est un dogme de foi, elle rentre elle-même dans l’objet de la révélation publique. D’où il suit que tout livre canonique a dû être connu quelque part comme tel, au temps des Apôtres.

En dépit de la simplicité de sa formule, cette assertion reste assez indéterminée. D’abord, onnesait pas, au juste, le moment précis où les temps apostoliques Unissent. Ensuite, il est des auteurs qui se demandent si le terme d’apôtre doit s’entendre rigoureusement des Douze ; s’il ne peut pas convenir à ces hommes apostoliques, Evangélistes ou Pro])hètes, qui ont travaillé, à côté des Douze, à la fondation de l’Eglise. Le dernier auteur catliolique qui ait écrit â ce sujet avo>ie que c’est là une question encore incomplètement élucidée. A. Cbli.ini, Propædeulica hiblica, II (1908), p. 222. D’autres avaient déjà distingué ici entre la révclalion et sa consignation dans l’Ecriture. La révélation a pris fin avec les Apôtres, mais pourquoi leur enseignement, gardé tout d’abord par la tradition, n’aurail-il pas pu être écrit par un auteur inspiré après leur mort seulement ? L’objet de la foi catholique ne se trouve pas augmenté par le seul fait que sa transmission est assurée par un nouveau moyen. A qui insiste en disant que l’inspiration de ce texte, écrit après les Apôtres, a dû elle-même être révélée, on répond qu’il suflit à cet effet d’une attestation générale et implicite des Apôtres concernant l’inspiration de certains hommes qu’ils s’étaient adjoints en qualité de collaborateurs. Le témoignage historique, contrôlé par l’Eglise, suflisait à établir que tel et tel ouvrage était l’œuvre authentique de l’un de ces « écrivains apostoliques » ; et, de la sorte, la révélation implicite du caractère inspiré de leurs écrits devenait applicable à un livre déterminé, sans qu’il fût besoin d’une révélation nouvelle et expresse. Mais ce n’est encore là qu’une simple suggestion qui veut être conlirraée par l’enseignement de l’Ecole, et réserve les droits de l’Eglise.

V. L’inspiration biblique chez les Protestants

1° /.es débuts de la Béforme. — En faisant de la Bible la règle unique do leur foi, les Protestants furent conduits t(uit d’abord à renchérir encore sur l’idée d’une inspiration purcjuciit passive, assez communément reçue dans la prciiiière moitié du xvF siècle. Non seulement ils confondirent l’inspiration avec la révélation, mais l’Ecriture, fond et forme, fut consi dérée comme la révélation elle-même. Dieu y parlait au lecteur comme il faisait jadis sur le propitiatoire. De là une sorte de culte, que des protestants d’aujourd’hui traitent de bibliolâtrie. Au milieu des incertitvules, des imprécisions et des antinomies de cette première heure, où la Réforme, sans excepter Luther en personne, cherchait encore sa voie et son symbole, on constate une préoccupation constante, celle de relier indissolublement la croyance religieuse à la Vérité même de Dieu par le moyen de sa parole écrite. Les luthériens qui s’employèrent alors à faire la théorie protestante de l’inspiration furent MÉ-LANcmo. N, Chkmmtz, Quensted, Calov. a l’inspiration des mois, on ne tarda pas de joindre celle des points-voyelles du texte hébraïque actuel. Ce ne fut pas là une simple opinion des deux Buxtorf, mais une doctrine délinie et imposée sous peine d’amende, de prison et d’exil, par la Confession des églises suisses, promulguée en 16 ; 5. Ces dispositions devaient être abrogées en 172^. Les Puristes soutenaient que dans la Bible il n’y a ni barbarisme, ni solécisme ; que le grec du N. T. est aussi pur que celui des ailleurs classiques. On a dit justement que la Bible était devenue pour les Réformés un <i sacrement », ou encore un « pape de papier ».

C’est au xvu" siècle que commencèrent des controverses qui devaient, avec le temps, aboutir à la théorie de l’inspiration qui prévaut aujourd’hui dans les milieux protestants. Les agents de cette révolution furent précisément les deux principes générateurs de la Réforme : d’une part, la revendication, en faveur de toute àme humaine, d’un magistère de l’Esprit-Sainl, qui fût immédiat et indépendant de toute règle extérieure ; d’autre part, le libre examen ou l’autonomie de la raison individuelle dans la lecture et l’élude de la Bible. Aunom du premier i)rincipe, sur Iccpiel Zwinole avait insiste plus que Luther et Calvin, les Piélisles prétendirent s’alTranchir de la lettre biblique, qui était une entrave à l’action de l’Esprit. Un huguenot français de la première heure, Séb. CASTKLLioN(t 1563), avait déjà eu la hardiesse de distinguer la lettre de rEs])ril ; à son sens, l’Esprit seul vient de Dieu, la lettre n’étant que

« boile, gosse oucoquille de l’esperil ». Les Quakers^

les lidèles de Swedenborg et les Irvingiens devaient, dans cette direction, pousser, "iux limites extrêmes : la vraie révélation, la seule qui instruise et sanctilie^ est celle qui se produit sous l’inlluence immédiate de l’Esprit Saint. — Tandis que les Piélisles lisaient la Bible avec le seul secoursdc l’illumination intérieure, d’autres, et c’était le grand nombre, en demandaient l’intelligence aux recherches philologiques et historiques, auxquelles la Renaissance avait donné une impulsion décisive. Le principe du libre examen assurait à leurs investigations toute liberté ; elilsen prolitèrent. Les conclusions obtenues par cette méthode ne pouvaient qu’être fatales à la théorie de l’inspiration par révélation. Ses partisans avaient beau dire qu’il avait plu à Dieu de révéler de quatre manières dill’ércntes aux Evangélistes des paroles que le Christ n’avait, en réalité, dites qu’une fois, que leS.-Esprit avait varié son stjle selon qu’il dictait à Isaieouà Amos ; unepareilleexplication était unaveu d’impuissance à rendre compte des faits objectes. Aussi bien, Faust Socin (-j- 1062) avait déjà avancé que les mots et, en général, le style de l’Ecrilure n’étaient pas inspirés. Bientôl, après G. Calixt, Enscorius et GnoTius distinguèrent nettement entre inspiration et révélation. D’aj)rès ce dernier, il n’y a de révélé que les [)rophéties et les paroles de Jésus-ChrisI ; tout le reste esl simplement inspiré. Encore réduil-il l’inspiration à un pieux mouvement de l’âme. Cf. Yotum propace Ecclesiae, dans les Œuvres complètes(1679).